Vu la requête enregistrée le 21 mars 2006, présentée pour le GROUPEMENT AGRICOLE D'EXPLOITATION EN COMMUN (GAEC) X, représenté par ses gérants en exercice, dont le siège est ... et pour M. Stéphane X, demeurant ..., par Me Le Blanc, avocat au barreau de Saint-Brieuc ; le GAEC X et M. X demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 04-1543 du 24 janvier 2006 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la délibération du 16 décembre 2003 du conseil municipal de Mûr-de-Bretagne (Côtes d'Armor) en tant qu'elle décide la cession du chemin rural sis au lieudit “Landroanec” à M. Y;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite délibération ;
3°) de condamner la commune de Mûr-de-Bretagne à leur verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code rural ;
Vu le code de la voirie routière ;
Vu le décret n° 76-921 du 8 octobre 1976 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 mars 2007 :
- le rapport de M. Degommier, rapporteur ;
- les observations de Me Gouin, substituant Me Lahalle, avocat de la commune de Mûr-de-Bretagne ;
- les observations de Me Bonnat, avocat de M. Burlot ;
- et les conclusions de M. Artus, commissaire du gouvernement ;
Considérant que par jugement du 24 janvier 2006, le Tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande du GROUPEMENT AGRICOLE D'EXPLOITATION EN COMMUN (GAEC) X et de M. X tendant à l'annulation de la délibération du 16 décembre 2003 du conseil municipal de Mûr-de-Bretagne (Côtes d'Armor), en tant qu'elle décide l'aliénation, au profit de M. Burlot, du chemin rural sis au lieudit “Landroanec” ; que le GAEC X et M. X interjettent appel de ce jugement ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par M. Y;
Sur la légalité externe :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 161-10 du code rural : “Lorsqu'un chemin rural cesse d'être affecté à l'usage du public, la vente peut être décidée après enquête par le conseil municipal (...)” ; qu'aux termes de l'article 3 du décret du 8 octobre 1976 susvisé : “L'enquête publique préalable à l'aliénation des chemins ruraux est effectuée dans les conditions de forme et de procédure prévues aux articles 2 à 8 du décret du 20 août 1976 fixant les modalités de l'enquête préalable au classement, à l'ouverture, à la fixation de la largeur et au déclassement des voies communales” ; que les articles 2 à 8 dudit décret ont été incorporés dans le code de la voirie routière, en ses articles R. 141-4 à R. 141-10 ;
Considérant, en premier lieu, qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose au conseil municipal de constater, par une délibération, la désaffectation d'un chemin rural, laquelle résulte d'un état de fait, avant de décider son aliénation ; que, par suite, le moyen tiré de l'absence d'une délibération constatant la désaffectation du chemin rural sis au lieudit “Landroanec” doit être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 141-7 du code de la voirie routière : “Une notification individuelle du dépôt du dossier à la mairie est faite aux propriétaires des parcelles comprises en tout ou partie dans l'emprise du projet, sous pli recommandé avec demande d'avis de réception (...)” ; que le projet d'aliénation du chemin rural litigieux ne portait pas sur des parcelles appartenant au GAEC X et à M. X ; que les requérants ne peuvent, dès lors, utilement se prévaloir des dispositions précitées de l'article R. 141-7 du code de la voirie routière, en soutenant que le dépôt du dossier d'enquête à la mairie aurait dû leur être notifié ;
Considérant, en dernier lieu, qu'en vertu de l'article R. 141-9 du code de la voirie routière, le commissaire-enquêteur transmet au maire le dossier et le registre accompagnés de ses conclusions motivées ; qu'il ressort des pièces du dossier que le commissaire-enquêteur, après avoir relevé que ce projet de cession ne nuira nullement aux possibilités d'accès de M. X à sa propriété et évoqué le différend opposant M. X à M. Burlot à propos du projet d'aliénation du chemin rural en litige, a considéré que ce désaccord n'était pas un obstacle suffisant audit projet, qu'il pouvait être réglé à l'amiable et que compte tenu du déroulement normal de l'enquête publique, le conseil municipal et le maire de Mûr-de-Bretagne étaient fondés à procéder aux opérations envisagées ; qu'ainsi, dès lors qu'il n'est nullement établi que, ce faisant, le commissaire-enquêteur aurait fait preuve de partialité, il a, contrairement à ce que soutiennent les requérants, suffisamment motivé ses conclusions, qui sont favorables à ce projet de cession ;
Sur la légalité interne :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 161-10 du code rural, que le législateur n'a pas entendu ouvrir aux communes, pour l'aliénation des chemins ruraux, d'autre procédure que celle de la vente dans les conditions ci-dessus précisées et qu'une aliénation par voie d'échange méconnaît lesdites dispositions ; que si un chemin autre que le chemin rural de Landroanec en litige a fait l'objet d'une aliénation par voie d'échange, cette circonstance est sans influence sur le mode d'aliénation de ce dernier chemin dont il ressort des pièces du dossier qu'il s'est traduit par une vente décidée par la délibération contestée au prix d'un euro le mètre carré ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 121-17 du code rural : “La suppression d'un chemin inscrit sur le plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée ne peut intervenir que sur décision expresse du conseil municipal, qui doit avoir proposé au conseil général un itinéraire de substitution approprié à la pratique de la promenade et de la randonnée” ; qu'il ressort des pièces du dossier, notamment, d'une lettre du 8 juin 2004 du président du conseil général des Côtes d'Armor, que si le chemin rural de Landroanec, qu'empruntait le sentier de grande randonnée GR 341, était inscrit au plan départemental des itinéraires de promenades et randonnées en 1989, il a cessé de l'être en 1994, lorsque l'assemblée départementale a modifié ce plan et que, depuis lors, les itinéraires de randonnée, pédestres ou de vélos tous terrains, passent par la digue, cadastrée ZB n° 168, du lac de Guerlédan ; que ces indications circonstanciées sont confirmées, notamment, par le plan du sentier de Guerlédan, qui figure au dossier et montre que, ni le sentier de grande randonnée GR 341, ni aucun autre itinéraire, n'emprunte le chemin rural litigieux, ainsi que par un courrier du 7 juin 2004 de la “confédération VTT 22” ; que, dans ces conditions, et bien qu'un descriptif de promenade empruntant le chemin rural de Landroanec ait été publié dans la presse, il est établi que ce chemin n'était pas, à la date de la délibération contestée, inscrit sur le plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée des Côtes d'Armor ; qu'il suit de là, que le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article L. 121-17 du code rural est inopérant ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 161-1 du code rural : “Les chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage du public et qui n'ont pas été classés comme voie communale” ; qu'aux termes de l'article L. 161-2 dudit code : “L'affectation à l'usage du public est présumée, notamment, par l'utilisation du chemin rural comme voie de passage ou par des actes réitérés de surveillance ou de voirie de l'autorité municipale” ; qu'en vertu des dispositions précitées de l'article L. 161-10 du code rural, l'aliénation d'un chemin rural ne peut être légalement décidée que lorsqu'un tel chemin cesse d'être affecté à l'usage du public ; que la désaffectation d'un chemin rural résulte d'un état de fait ; qu'il ressort des pièces du dossier que le chemin rural en litige, qui dessert une parcelle cadastrée ZB n° 170 exploitée par M. Burlot, est une voie sans issue ; qu'il n'est pas établi que ce chemin était affecté, à la date de la délibération contestée, à l'usage du public, faute d'être utilisé par les promeneurs alors, d'ailleurs, qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le chemin en cause n'est plus inscrit sur le plan départemental des itinéraires de promenades et randonnées ; que les allégations des requérants selon lesquelles ce chemin servirait d'accès de sécurité et serait utilisé lors de la “fête du lac” ne sont assorties d'aucune justification ; que le seul fait que M. X utilise régulièrement ce même chemin pour se rendre sur la parcelle cadastrées ZB n° 3 dont il est propriétaire et sur la parcelle ZB n° 1 qu'il exploite, ne saurait davantage démontrer que la cession méconnaîtrait l'usage qui en est fait par le public, dès lors que l'accès à ces parcelles peut être aisément assuré par d'autres voies ; que, dans ces conditions, ladite délibération n'a pas été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 161-10 du code rural ;
Considérant, en dernier lieu, qu'en se bornant à prétendre que l'aliénation du chemin litigieux profiterait à M. Burlot, les requérants n'établissent pas que la délibération contestée serait entachée de détournement de pouvoir ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le GAEC X et M. X ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant, d'une part, que ces dispositions font obstacle à ce que la commune de Mûr-de-Bretagne, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à verser au GAEC X et à M. X la somme que ceux-ci demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, d'autre part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces mêmes dispositions, de condamner le GAEC X et M. X à verser, ensemble, d'une part, à la commune de Mûr-de-Bretagne une somme de 750 euros, d'autre part, à M. Burlot une somme de 750 euros, au titre des frais de même nature exposés par chacun d'eux ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du GAEC X et de M. X est rejetée.
Article 2 : Le GAEC X et M. X verseront, ensemble, une somme de 750 euros (sept cent cinquante euros) à la commune de Mûr-de-Bretagne et une somme de 750 euros (sept cent cinquante euros) à M. Burlot, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au GROUPEMENT AGRICOLE D'EXPLOITATION EN COMMUN X, à M. Stéphane X, à la commune de Mûr-de-Bretagne (Côtes d'Armor) et à M. Joseph Burlot.
Une copie en sera, en outre, adressée au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.
N° 06NT00645
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