Vu la requête enregistrée le 9 janvier 2006, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE (CHU) DE NANTES, représenté par son directeur en exercice, dont le siège est 1, place Ricordeau à Nantes (44000), par Me Dora, avocat au barreau de Nantes ; le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANTES demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 02-2544 du 13 octobre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Nantes l'a condamné à verser à M. et Mme X une indemnité de 22 500 euros, avec intérêts au taux légal, en réparation du préjudice subi par ces derniers ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. et Mme X devant le Tribunal administratif de Nantes ;
3°) de condamner M. et Mme X à lui verser une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 février 2007 :
- le rapport de M. Degommier, rapporteur ;
- les observations de Me Flynn, substituant Me Dora, avocat du CHU DE NANTES ;
- les observations de Me Viaud, avocat de M. et Mme X ;
- et les conclusions de M. Artus, commissaire du gouvernement ;
Considérant que par jugement du 13 octobre 2005, le Tribunal administratif de Nantes a condamné le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE (CHU) DE NANTES à verser aux époux X une indemnité de 22 500 euros en réparation du préjudice qu'ils ont subi à la suite de l'enlèvement, le 11 juin 2001, de leur fille Léonie qui, depuis sa naissance, le 24 mai 2001, était admise au service de néonatalogie de cet établissement ; que le CHU DE NANTES interjette appel de ce jugement ; que, pour leur part, les époux X demandent, par la voie de l'appel incident, que le montant de l'indemnité qui leur a été allouée soit porté à 33 000 euros ;
Sur la responsabilité :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction et, notamment, des pièces de la procédure pénale engagée contre l'auteur de l'enlèvement de l'enfant Léonie X, qui ont été produites au dossier, que la ravisseuse, après s'être introduite dans les locaux du CHU le 11 juin 2001, est entrée dans les locaux de la maternité, où elle a tenté d'enlever le nouveau né d'une parturiente, avant de pénétrer, dans une deuxième chambre où, se faisant passer pour une puéricultrice, elle s'est livrée à une nouvelle tentative d'enlèvement d'un enfant qu'elle a cependant aussitôt restitué à sa mère devant la résistance opposée par celle-ci ; qu'elle a pu ressortir sans être inquiétée pour se rendre dans les locaux du service de néonatalogie où elle est parvenue à enlever de son berceau la jeune Léonie X et, après s'être cachée quelques minutes dans un local annexe, à quitter les locaux de l'hôpital ; que, dans ces circonstances, bien que l'entrée du service de néonatalogie soit protégée par un digicode accessible aux seuls membres du personnel hospitalier et par un interphone permettant l'identification des visiteurs, le fait que les précédentes tentatives d'enlèvement n'aient pas donné lieu à une réaction immédiate du service afin de mettre en place des mesures particulières de surveillance dictées par le risque qui s'était révélé et que la ravisseuse ait pu entrer dans le service de néonatalogie et y enlever un enfant prématuré, révèle, nonobstant le concours exceptionnel de circonstances que le CHU fait découler de l'évacuation à laquelle il a dû être contemporainement procédé d'un membre du personnel soignant qui venait de se blesser, une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service de nature à engager sa responsabilité envers les époux X ;
Considérant, en second lieu, que si l'enlèvement de l'enfant Léonie X a été rendue possible par la détermination dont a fait preuve la ravisseuse, cette circonstance n'a pas revêtu le caractère d'un événement de force majeure de nature à décharger le CHU de sa responsabilité ;
Sur le préjudice :
Considérant, d'une part, qu'il appartient au juge administratif, lorsqu'il condamne une personne publique à réparer un dommage dont elle est responsable, de prendre, au besoin d'office, les mesures nécessaires pour éviter que sa décision n'ait pour effet de procurer à la victime, par suite des indemnités qu'elle a pu ou qu'elle peut recueillir, par ailleurs, à raison du même accident, une indemnité supérieure à la valeur totale du préjudice subi ; qu'il résulte de l'instruction que si la Cour d'assises de la Loire-Atlantique a condamné la ravisseuse à verser aux époux X et à leurs enfants, en leur qualité de parties civiles, une indemnité totale de 33 000 euros destinée à réparer les préjudices qu'ils ont subis, il n'est pas contesté que la personne condamnée est totalement insolvable et que les consorts X n'ont reçu le versement d'aucune somme de sa part ; que la circonstance que les époux X ont saisi la commission d'indemnisation des victimes d'infraction n'est pas de nature à faire obstacle à leur action contre la personne publique à l'origine de leur préjudice ; que, par suite, les époux X peuvent obtenir du CHU DE NANTES, en sa qualité de personne publique responsable du préjudice qu'ils allèguent, réparation de ce préjudice ;
Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction, notamment, du rapport d'expertise établi à la demande du président de la Cour d'assises de la Loire-Atlantique, que les époux X, à qui leur enfant a été restitué sain et sauf le soir même du jour de l'enlèvement, ont subi un traumatisme familial important qui garde toute son acuité, que Mme X présente un syndrome post-traumatique qui se traduit par des incapacités psychologiques permanentes et que l'examen des enfants Léonie et Adèle X n'a fait apparaître aucun trouble particulier ; qu'ainsi, les époux X, agissant en leur qualité d'administrateurs légaux de leurs enfants ne sauraient prétendre à la réparation de préjudices concernant ces derniers ; que les premiers juges ont fait une juste appréciation du préjudice subi par les époux X en leur accordant une somme de 3 000 euros au titre de leur préjudice moral, une somme de 15 000 euros au titre des troubles de toute nature dans leurs conditions d'existence et une somme de 4 500 euros au titre des séquelles gardées par Mme X, soit une somme totale de 22 500 euros ; qu'ils ont, en outre, à bon droit, subrogé le CHU DE NANTES à concurrence de cette dernière somme, dans les droits des époux X au titre de la réparation infligée par le juge judiciaire à l'auteur de l'enlèvement de leur enfant ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, d'une part, que le CHU DE NANTES n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nantes l'a condamné à verser aux époux X une indemnité de 22 500 euros, d'autre part, que les époux X ne sont pas fondés, par la voie de l'appel incident, à demander que cette somme soit portée à 33 000 euros ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant, d'une part, que ces dispositions font obstacle à ce que M. et Mme X, qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnés à verser au CHU DE NANTES la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, d'autre part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces mêmes dispositions, de condamner ledit CHU à verser aux époux X une somme de 1 500 euros au titre des frais de même nature qu'ils ont exposés ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du CHU DE NANTES et l'appel incident des époux X sont rejetés.
Article 2 : Le CHU DE NANTES versera aux époux X, une somme de 1 500 euros (mille cinq cent euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANTES et à M. et Mme X.
Une copie en sera, en outre, adressée au ministre de la santé et des solidarités.
N° 06NT00035
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