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23/02/2007 | FRANCE | N°07NT00099

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, Reconduite a la frontiere, 23 février 2007, 07NT00099


Vu la requête, enregistrée le 11 janvier 2007, présentée pour Mme Svetlana Y, épouse X, demeurant ..., par Me Blandine Rogue, avocat au barreau d'Alençon ; Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 06-2266 du 12 décembre 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 novembre 2006 du préfet de l'Orne décidant sa reconduite à la frontière et fixant la Russie comme pays à destination duquel elle devait être reconduite ;

2°) d'an

nuler ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Orne de lui délivrer un...

Vu la requête, enregistrée le 11 janvier 2007, présentée pour Mme Svetlana Y, épouse X, demeurant ..., par Me Blandine Rogue, avocat au barreau d'Alençon ; Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 06-2266 du 12 décembre 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 novembre 2006 du préfet de l'Orne décidant sa reconduite à la frontière et fixant la Russie comme pays à destination duquel elle devait être reconduite ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Orne de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 200 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
……………………………………………………………………………………………………...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du 26 janvier 2005 par laquelle le président de la Cour a délégué M. Faessel pour statuer sur les appels interjetés contre les jugements rendus par les présidents de tribunaux administratifs ou leurs délégués en matière de reconduite à la frontière ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 février 2007 :

- le rapport de M. Faessel, magistrat délégué,

- et les conclusions de M. Mornet, commissaire du gouvernement ;





Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (…) - 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé, ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (…) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X, ressortissante Russe, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 4 octobre 2006, de la décision du préfet de l'Orne, en date du 28 septembre 2006, lui refusant le renouvellement d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'elle entrait, ainsi, dans le champ d'application de la disposition précitée ;

Sur la légalité de la décision de reconduite à la frontière :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (…) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée en France ait été régulière, que la communauté de vie n'ait pas cessé, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (…)'' ; qu'aux termes de l'article L .313-12 du même code : La carte délivrée au titre de l'article L. 313-11 donne droit à l'exercice d'une activité professionnelle. Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l'article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé. Toutefois, lorsque la communauté de vie a été rompue à l'initiative de l'étranger en raison des violences conjugales qu'il a subies de la part de son conjoint, l'autorité administrative peut accorder le renouvellement du titre. (…) ;

Considérant, en premier lieu, que Mme X, qui résidait jusqu'alors en Russie, a, le 24 septembre 2005, épousé M. Bruno X, de nationalité française ; qu'à la suite de ce mariage, une carte de séjour portant la mention ''vie privée et familiale'', valable jusqu'au 1er septembre 2006, lui a été délivrée par application des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'en date du 21 août 2006, M. X a fait connaître au préfet de l'Orne qu'il avait engagé une instance en divorce auprès du Tribunal de grande instance d'Alençon ; que, sur le fondement de cette seule information, le préfet a estimé que la communauté de vie avait cessé et, par une décision en date du 28 septembre 2006, a refusé de renouveler la carte de séjour temporaire de Mme X ; qu'en se bornant, ainsi, à prendre acte de l'initiative prise par M. X, sans rechercher plus d'informations sur la situation effective des époux, alors, d'ailleurs, qu'à cette époque, la cohabitation se poursuivait et que, aucune mesure temporaire n'ayant été arrêtée par le juge aux affaires familiales, les dispositions de l'article 215 du code civil obligeaient d'ailleurs M. et Mme X à une communauté de vie, le préfet, qui a omis de procéder à un examen particulier de la situation de l'intéressée, a entaché sa décision d'illégalité ;

Considérant, en second lieu, que Mme X, qui avait été mise en relation avec son futur époux par l'intermédiaire d'une entreprise internationale de rencontres à but matrimonial, s'est, ainsi qu'il a été dit, installée en France à la suite de son mariage, en abandonnant son logement, ainsi que l'ensemble de ses biens mobiliers et l'emploi qu'elle occupait depuis dix-sept ans dans son pays d'origine ; qu'il ressort des pièces du dossier que les motifs invoqués à l'appui de la requête en divorce par M. X, seul demandeur de la séparation, ne sont pas exempts de fragilité ; que la requérante présente enfin divers documents établissant que, dès le mois de septembre 2006, avant même toute décision du juge aux affaires matrimoniales, son époux avait repris contact avec l'entreprise de rencontres susévoquée, aux fins d'organiser son remariage au mois de février 2007 avec une autre ressortissante russe ; qu'ainsi, le préfet de l'Orne a, en refusant de renouveler le titre de séjour de Mme X, agit avec précipitation à l'égard d'une femme qui subissait une grave atteinte à sa dignité peu de temps après avoir connu le traumatisme d'une expatriation dans des conditions difficiles ; que sa décision doit, dès lors, être regardée comme portant une atteinte manifestement excessive à la situation personnelle de l'intéressée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X est fondée à soutenir que le refus de titre de séjour qui lui a été opposé en date du 28 septembre 2006 est illégal, et que l'arrêté de reconduite à la frontière du 27 novembre de la même année, pris sur son fondement est, par voie de conséquence, lui même illégal ; que, dès lors, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation dudit arrêté de reconduite à la frontière ;

Sur les conclusions à fin de régularisation de la situation administrative de l'intéressée :

Considérant qu'aux termes de l'article L.911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ; que l'article L. 911-2 du même code dispose : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé ; qu'aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé (…) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que le préfet ait à nouveau statué sur son cas ;

Considérant qu'à la suite de l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière, il incombe au préfet, en application des dispositions précitées de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, non seulement de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour, mais aussi, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour ; que, dès lors, il appartient au juge administratif, lorsqu'il prononce, ou confirme, l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière et qu'il est saisi de conclusions en ce sens, d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article L.911-2 du code de justice administrative pour fixer le délai dans lequel la situation de l'intéressé doit être réexaminée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de prescrire au préfet de l'Orne de se prononcer sur la situation de Mme X dans le délai de trois mois suivant la notification du présent arrêt ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à payer à Mme X la somme de 1 200 euros qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement en date du 12 décembre 2006 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Caen, ainsi que l'arrêté du 27 novembre 2006 du préfet de l'Orne décidant la reconduite à la frontière de Mme X et fixant la Russie comme pays à destination duquel l'intéressée devait être reconduite, sont annulés.
Article 2 : Le préfet de l'Orne réexaminera la situation de Mme X dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Mme X la somme de 1 200 euros (mille deux cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Svetlana Y épouse X et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire. Une copie sera transmise au préfet de l'Orne.
N° 07NT00099
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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : Reconduite a la frontiere
Numéro d'arrêt : 07NT00099
Date de la décision : 23/02/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Xavier FAESSEL
Rapporteur public ?: M. MORNET
Avocat(s) : ROGUE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2007-02-23;07nt00099 ?
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