Vu la requête et le mémoire ampliatif, enregistrés le 30 mai 2005 et le 13 juin 2005, présentés pour M. François X, demeurant ..., par Me Graveleau, avocat au barreau de Paris ; M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0300928 en date du 3 mai 2005 du Tribunal administratif de Caen en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu qui lui ont été notifiés au titre des années 1997 à 1999 et des pénalités correspondantes ;
2°) de prononcer la réduction de ces impositions ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 janvier 2007 :
- le rapport de Mme Specht, rapporteur ;
- et les conclusions de M. Hervouet, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant que, contrairement à ce que soutient le requérant, les premiers juges se sont prononcés sur le moyen tiré de l'illégalité des dispositions de l'article 38 sexdecies D de l'annexe III au code général des impôts ; que le moyen tiré par M. X de ce que le jugement attaqué serait irrégulier doit par suite être écarté ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Considérant qu'aux termes de l'article 72 du code général des impôts : “I- (…) le bénéfice réel de l'exploitation agricole est déterminé et imposé selon les principes généraux applicables aux entreprises industrielles et commerciales, conformément à toutes les dispositions législatives et à leurs textes d'application, sans restriction ni réserve notamment de vocabulaire, applicables aux industriels ou commerçants ayant opté pour le régime réel mais avec des règles et modalités adaptées aux contraintes et caractéristiques particulières de la production agricole, et de leur incidence sur la gestion, qui sont notamment : le faible niveau du chiffre d'affaires par rapport au capital investi, ce qui se traduit par une lente rotation des capitaux ; la proportion exagérément importante des éléments non amortissables dans le bilan : foncier non bâti, amélioration foncière permanente, parts de coopératives et de SICA ; L'irrégularité importante des revenus. II - Des décrets précisent les adaptations résultant du I (…)” et qu'aux termes du décret pris pour l'application de ces dispositions, codifié au II de l'article 38 sexdecies D de l'annexe III au code général des impôts : “Peuvent être considérés comme des immobilisations amortissables les équidés (…) affectés exclusivement à la reproduction ainsi que les chevaux de course mis à l'entraînement et âgés de deux ans au moins au sens de la réglementation des courses. Lorsque l'exploitant est assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, l'application de cette disposition est subordonnée à la condition qu'il exerce le même choix pour l'établissement de cette taxe. Tous les autres animaux, y compris ceux nés dans l'exploitation, sont obligatoirement compris dans les stocks” ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X exploite le haras de ... dans lequel il est propriétaire de juments qu'il élève en vue de la reproduction ainsi que de chevaux de course qu'il élève et entraîne ; qu'il est assujetti à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices agricoles et à la taxe sur la valeur ajoutée selon le régime réel d'imposition et a inscrit en immobilisations amortissables la totalité des 36 chevaux nés sur l'exploitation et des 28 chevaux qu'il a acquis auprès de tiers ; que l'administration a remis en cause au titre des années 1997, 1998 et 1999 les amortissements déduits par le contribuable au titre des chevaux de son exploitation au motif principal et non contesté qu'ils ne remplissaient pas les conditions énoncées par les dispositions précitées du II de l'article 38 sexdecies D de l'annexe III au code général des impôts dès lors qu'il n'avait pas exercé le même choix, en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée, de comptabiliser les chevaux au titre des immobilisations ;
Considérant que M. X invoque, par la voie de l'exception, l'illégalité des dispositions du II de l'article 38 sexdecies D de l'annexe III au code général des impôts en tant qu'elles subordonnent, pour les exploitants assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée, l'inscription d'animaux en immobilisation à la condition que le même choix soit exercé pour l'établissement de cette taxe ;
Considérant qu'il ressort des dispositions mêmes de l'article 72 du code général des impôts que le législateur a autorisé le gouvernement à fixer les conditions de détermination et d'imposition du bénéfice réel de l'exploitation agricole en adaptant, sans en méconnaître les principes généraux, les règles applicables aux entreprises industrielles et commerciales aux contraintes et caractéristiques particulières de la production agricole, et de leur incidence sur la gestion ; que, toutefois, en subordonnant la validité de l'option pour l'inscription en immobilisations de certains animaux à une condition qui se fonde sur le respect de règles concernant une autre imposition que l'imposition des bénéfices agricoles à l'impôt sur le revenu et qui ne constitue pas une adaptation aux bénéfices agricoles des règles applicables aux entreprises industrielles et commerciales en liaison avec les motifs énoncés par la loi le gouvernement a excédé les limites de l'habilitation qui lui avait été accordée ; que, dès lors, M. X est fondé à demander que cette disposition soit écartée ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X admet les redressements en ce qui concerne cinq juments dénommées “Flamande III”, “Ghislaine”, “Elégante”, “Isabellitta” et “Sois Tranquille” ; que l'administration admet de son côté que quinze des seize poulinières acquises par M. X, à l'exception de la jument “Chantilly Lady” remplissaient les conditions pour être inscrits en immobilisation ainsi que six chevaux de course ; que, toutefois, en ce qui concerne les trente-huit autres chevaux, soit vingt-huit chevaux nés sur l'exploitation, comprenant deux poulinières, et vingt-six chevaux de course, et dix chevaux acquis, comprenant une poulinière et neuf chevaux de course, l'administration est fondée à écarter les poulinières dont la saillie antérieure à la date d'immobilisation n'est pas établie et les chevaux de course n'ayant pas participé, avant leur vente à au moins une épreuve publique ; qu'ainsi, M. X est fondé à demander la décharge des impositions mises à sa charge relatives à l'inscription en immobilisation de quinze des seize poulinières acquises par lui, soit “Jewel of Macedon”, “Fiancée”, “Eclaircie III”, “Belle Bury”, “Bazane”, “Sainte Aimée”, “Ciao Bella”, “Fanfare V”, “Altea”, “Farandolia”, “Lessons in Love”, “Domage II”, “Alizane”, “Cate Bleue” et “Erenea” ainsi que des six chevaux de course, dénommés “Cositel”, “Exact”, “Féministe”, “Padeng Padeng”, “Petite Topaze” et “Icydora” ;
Considérant, enfin, qu'en ce qui concerne les chevaux dont l'immobilisation n'est pas admise, M. X n'est pas fondé à invoquer, sur le fondement de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales, l'instruction 5 E-7-73 du 12 juillet 1973 reprise par la documentation de base 5 E-64 du 16 octobre 1989, qui, sur les points en litige ne fait pas une interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application ;
Sur les pénalités :
Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : “1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 % si la mauvaise foi de l'intéressé est établie (…)” ;
Considérant qu'en se bornant à faire état de ce que M. X a délibérément choisi d'inscrire ses chevaux en immobilisation au lieu de les inscrire en stock, sans respecter les conditions que ce mode de comptabilisation entraîne sur les comptes de taxe sur la valeur ajoutée, l'administration n'apporte pas la preuve, dont elle a la charge, de ce que le contribuable a cherché à éluder l'impôt, alors même que cette inscription aurait pour conséquence d'entraîner le bénéfice de l'exonération des plus-values de cession d'éléments d'actifs prévue par les dispositions de l'article 151 septies du code général des impôts ; que, dès lors, M. X est fondé à demander la décharge des pénalités pour mauvaise foi ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Caen a rejeté la totalité de sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, de condamner l'Etat, à payer à M. X la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : M. X est déchargé des cotisations supplémentaires à l'impôt mises à sa charge au titre des exercices 1997, 1998 et 1999 en conséquence de la réintégration dans les bénéfices agricoles du contribuable des amortissements déduits pour les quinze poulinières ainsi que pour les six chevaux de course, énumérés dans les motifs du présent arrêt.
Article 2 : M. X est déchargé des pénalités de mauvaise foi assortissant les droits d'impôt sur le revenu correspondant à la réintégration dans les bénéfices agricoles du contribuable des amortissements déduits au titre de l'ensemble des chevaux de son exploitation au cours des exercices 1997, 1998 et 1999.
Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Caen en date du 3 mai 2005 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.
Article 5 : L'Etat versera à M. X une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. François X et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
N° 05NT00843
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