Vu le recours, enregistré le 3 février 2006, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; le ministre demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 03.3180 en date du 11 octobre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a accordé à la SA EXTRA SALONS la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contribution forfaitaire sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1999, 2000, 2001 et 2002 ;
2°) de remettre à la charge de la SA EXTRA SALONS les impositions susmentionnées ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 85-1403 du 30 décembre 1985 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 novembre 2006 :
- le rapport de M. Martin, rapporteur ;
- et les conclusions de M. Hervouet, commissaire du gouvernement ;
Sur le recours du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie :
Considérant qu'aux termes du I de l'article 209 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : “(…) en cas de déficit subi pendant un exercice, ce déficit est considéré comme une charge de l'exercice suivant et déduit du bénéfice réalisé pendant ledit exercice. Si ce bénéfice n'est pas suffisant pour que la déduction puisse être intégralement opérée, l'excédent du déficit est reporté successivement sur les exercices suivants jusqu'au cinquième exercice qui suit l'exercice déficitaire (…)” ; qu'aux termes du 5 de l'article 221 du même code : “Le changement de l'objet social ou de l'activité réelle d'une société emporte cessation d'entreprise (…)” ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'exercice par une société du droit au report déficitaire est subordonné, notamment, à la condition qu'elle n'ait pas subi, dans son activité réelle, de transformations telles qu'elle ne serait plus, en réalité, la même ;
Considérant que la SA EXTRA SALONS a exercé une activité de vente au détail de meubles sous l'enseigne “Master Salons”, en vertu d'un contrat de location de marque qu'elle avait conclu avec la société Stock Service, propriétaire de ladite marque, lequel contrat l'obligeait à avoir dans son magasin au minimum 90 % des produits référencés par la société Stock Service ; qu'elle a, par acte du 17 janvier 1996, cédé son droit au bail et les agencements de son magasin à une société tierce ; qu'après s'être séparée de son personnel, à l'exception de son dirigeant, elle a conclu avec la société Stock Service, le 1er juillet 1996, un nouveau contrat de location de la marque “Master Salons” l'autorisant à sous-louer cette marque à d'autres sociétés, et ce pour une zone géographique couvrant plusieurs départements ; que, par contrat du même jour, elle a donné ladite marque en sous-location à la société Comptoir Rhodanien du Salon moyennant un loyer égal à 2 % du chiffre d'affaires du sous-locataire ; que, le 20 décembre 1996, elle a transféré son siège social de Paris à Saint-Herblain (Loire-Atlantique) ; qu'elle a conclu le 1er mars 1998 avec la société Bourges Salons un contrat identique à celui conclu avec la société Comptoir Rhodanien du Salon ; qu'il est ainsi constant qu'à compter du 1er juillet 1996 et durant les années en litige, elle a cessé son activité de vente pour se consacrer exclusivement à la sous-location de la marque “Master Salons” et a tiré ses recettes, auparavant constituées pour l'essentiel par le produit des ventes de meubles aux particuliers, des seuls loyers versés par ses sous-locataires ; que si elle entretenait des relations commerciales avec ces derniers avant 1996, portant sur des ventes de meubles ou des prestations de services d'un montant significatif, ces relations étaient d'une nature différente de celles mises en oeuvre dans le cadre de la sous-location ; que, dans ces conditions, alors même que l'objet social de la SA EXTRA SALONS n'a pas été modifié, que son activité a continué à s'exercer dans le secteur de la vente de meubles et qu'elle a poursuivi la prise en location de la marque “Master Salons”, son activité réelle a subi en 1996 un changement d'une importance telle que la société ne pouvait plus être regardée comme étant la même ; qu'il s'ensuit que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie est fondé à soutenir que le tribunal, en jugeant que la société intimée avait poursuivi la même activité selon des modalités différentes et pouvait prétendre au report sur les résultats des exercices clos en 1999, 2000, 2001 et 2002 des déficits et amortissements réputés différés comptabilisés au 31 mars 1996, a méconnu les dispositions précitées des articles 209 et 221-5 du code général des impôts ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SA EXTRA SALONS devant le tribunal administratif ;
Considérant, en premier lieu, que la SA EXTRA SALONS conteste la régularité de la procédure d'imposition à l'issue de laquelle l'administration lui a assigné des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contribution forfaitaire sur cet impôt au titre des exercices clos en 1997 et 1998, impositions distinctes de celles visées par sa demande ; qu'elle ne formule aucune critique à l'encontre de la procédure engagée par l'administration et qui a abouti à l'établissement des impositions contestées dans le présent litige ; qu'elle ne soutient pas ainsi avoir été privée, dans le cadre de cette procédure, de la faculté de saisir la commission départementale des impôts directs ; que le moyen tiré à ce titre du caractère irrégulier de la procédure doit, par suite, être écarté comme inopérant ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des dispositions précitées du 5 de l'article 221 du code général des impôts, issues de l'article 8 de la loi susvisée du 30 décembre 1985, que le droit d'une société au report déficitaire n'est plus subordonné à la condition que son capital social n'ait pas été modifié ; que, par suite, la circonstance, invoquée par la SA EXTRA SALONS, que la composition de son capital n'a pas varié en 1996 est sans influence sur la solution du litige ; que la société intimée n'est pas fondée à se prévaloir à cet égard de l'instruction 4 A-5-86 du 10 mars 1986 selon laquelle “la doctrine et la jurisprudence antérieures conservent toute leur portée” dès lors qu'en tout état de cause, cette phrase ne concerne pas la modification du capital ;
Considérant, en troisième lieu, que la SA EXTRA SALONS ne peut se prévaloir utilement d'un commentaire tiré d'une documentation fiscale privée dès lors que celle-ci ne peut être regardée comme étant au nombre des instructions ou circulaires par lesquelles l'administration fait connaître son interprétation des textes fiscaux et dont les contribuables peuvent se prévaloir sur le fondement de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales ; qu'elle n'est pas davantage fondée à se prévaloir de l'instruction administrative 4 A-5-86 du 10 mars 1986, selon laquelle la poursuite de l'exploitation d'un fonds de commerce dans le cadre d'une mise en location-gérance ne constitue pas un changement d'activité, dès lors qu'elle ne rentre pas dans ses prévisions ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nantes a accordé à la SA EXTRA SALONS la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contribution forfaitaire sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie, au titre des exercices clos en 1999, 2000, 2001 et 2002 ;
Sur les conclusions de la SA EXTRA SALONS tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à la SA EXTRA SALONS la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Nantes en date du 11 octobre 2005 est annulé.
Article 2 : Les cotisations d'impôt sur les sociétés et de contribution forfaitaire sur cet impôt auxquelles la SA EXTRA SALONS a été assujettie au titre des exercices clos en 1999, 2000, 2001 et 2002 et dont le tribunal a ordonné la décharge sont remises à sa charge.
Article 3 : Les conclusions de la SA EXTRA SALONS tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à la SA EXTRA SALONS.
N° 06NT00181
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