Vu la requête, enregistrée le 3 novembre 2005, présentée pour la SARL LINGERIE PEAU D'ANGE, dont le siège est 9 rue Glais Bizoin à Saint-Brieuc (22000), par Me Christine Rault-Maisonneuve, avocat au barreau de Saint-Brieuc ; la SARL LINGERIE PEAU D'ANGE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0200871 en date du 8 septembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et à la contribution de 10 % à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1995 et 1996 ;
2°) de prononcer les décharges demandées ;
3°) de condamner l'Etat à lui rembourser le droit de timbre acquitté devant le tribunal administratif et les frais qu'elle a exposés tant en première instance qu'en appel, au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'article 43 de la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 portant loi de finances rectificative pour 2004 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 novembre 2006 :
- le rapport de Mme Specht, rapporteur ;
- et les conclusions de M. Hervouet, commissaire du gouvernement ;
Sur la provision pour dépréciation des stocks :
Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts : “1- Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (…) notamment : (…) 5° les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables (…)” ; qu'aux termes de l'article 38 du même code : “3° (…) les stocks sont évalués au prix de revient ou au cours du jour de la clôture de l'exercice, si ce cours est inférieur au prix de revient” ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions, applicables en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 dudit code, que lorsqu'une entreprise constate que l'ensemble des matières ou produits qu'elle possède en stock, ou une catégorie déterminée d'entre eux, a, à la date de clôture de l'exercice, une valeur probable de réalisation inférieure au prix de revient, elle est en droit de constituer, à due concurrence de l'écart constaté, une provision pour dépréciation ; que pareille provision ne peut, cependant, être admise que si l'entreprise est en mesure de justifier de la réalité de cet écart et d'en déterminer le montant avec une approximation suffisante ; que, par cours du jour à la clôture de l'exercice, au sens des dispositions de l'article 38, il y a lieu d'entendre, s'agissant des marchandises dont une entreprise fait le commerce, le prix auquel, à cette date, cette entreprise peut, dans les conditions de son exploitation à cette même date, normalement escompter vendre les biens qu'elle possède en stock ;
Considérant que la SARL LINGERIE PEAU D'ANGE, qui a pour activité la vente de lingerie féminine, a comptabilisé et déduit de son bénéfice imposable une provision pour dépréciation de son stock, d'un montant de 469 152 F au titre de l'exercice clos en 1995, de 609 837 F au titre de l'exercice clos en 1996 et de 603 177 F au titre de l'exercice clos en 1997 ; que pour justifier, ainsi qu'elle en a la charge, le bien-fondé de cette provision, la société fait valoir qu'elle a été établie par article de même catégorie et de même date d'achat, que son stock met en évidence une durée de rotation de 882 jours bien supérieure à celle constatée dans la profession, qu'elle est donc obligée d'en céder une partie à des soldeurs et qu'en 1997 elle a ainsi vendu 207 articles à un soldeur avec une perte de 86,96 % ; que la SARL LINGERIE PEAU D'ANGE ne fournit toutefois aucune explication précise quant aux modalités de calcul de la provision ; qu'en l'absence d'éléments plus précis, tirés des données propres de son exploitation, la seule circonstance que son stock est relativement ancien ne suffit ni à démontrer l'existence d'une valeur probable de réalisation inférieure au prix de revient, ni à apprécier le montant de l'écart avec le prix de revient ; que si, en 1997, la société a vendu 207 articles avec un taux de perte de près de 87 %, cette vente n'est pas suffisamment probante dès lors qu'elle ne concerne que l'année 1997 et ne porte que sur 207 articles par rapport à un stock qui en comporte 9 620, selon les dires de la société elle-même ; qu'en outre, à l'exception de cette vente, la société n'établit pas que les articles soldés ont été vendus à un prix inférieur au prix de revient, dès lors que l'administration a constaté, par un sondage portant sur 107 articles, que les articles démarqués ont été commercialisés globalement à un prix supérieur au prix de revient ; que la circonstance que ce sondage est peu représentatif est sans effet sur le bien-fondé du redressement, une telle critique ne constituant pas la preuve, qui incombe à la société, du bien-fondé des provisions litigieuses ; qu'il suit de là que, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, c'est à bon droit que le vérificateur a réintégré ces provisions au bénéfice imposable ;
Sur la correction symétrique des bilans :
Considérant qu'aux termes du 4 bis de l'article 38 du code général des impôts, issu de l'article 43 de la loi de finances rectificative pour 2004 susvisée : “Pour l'application des dispositions du 2, pour le calcul de la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de l'exercice, l'actif net d'ouverture du premier exercice non prescrit déterminé, sauf dispositions particulières, conformément aux premier et deuxième alinéas de l'article L.169 du livre des procédures fiscales ne peut être corrigé des omissions ou erreurs entraînant une sous-estimation ou surestimation de celui-ci. Les dispositions du premier alinéa ne s'appliquent pas lorsque l'entreprise apporte la preuve que ces omissions ou erreurs sont intervenues plus de sept ans avant l'ouverture du premier exercice non prescrit. Elles ne sont pas non plus applicables aux omissions ou erreurs qui résultent de dotations aux amortissements excessives au regard des usages mentionnés au 2° du 1 de l'article 39 déduites sur des exercices prescrits ou de la déduction au cours d'exercices prescrits de charges qui auraient dû venir en augmentation de l'actif immobilisé (…)” ; qu'aux termes du IV de l'article 43 de la loi de finances rectificative pour 2004, “Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée et de l'application des dispositions des deuxième, troisième et quatrième alinéas du 4 bis de l'article 38 du code général des impôts, les impositions établies avant le 1er janvier 2005 ou les décisions prises sur les réclamations contentieuses présentées sur le fondement du deuxième alinéa de l'article L.190 du livre des procédures fiscales sont réputées régulières en tant qu'elles seraient contestées par le moyen tiré de ce que le contribuable avait la faculté de demander la correction des écritures du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit. Toutefois, ces impositions ne peuvent être assorties que des intérêts de retard.” ; qu'il résulte de ces dispositions que le principe d'intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit, tel que défini au premier alinéa du 4 bis de l'article 38, est, contrairement à ce qu'affirme la société requérante, applicable pour le calcul du bénéfice imposable aux impositions établies avant le 1er janvier 2005, sauf si le contribuable est en droit de se prévaloir de l'une des exceptions prévues par les deuxième et troisième alinéas ; que dans ce cas, il est possible de rectifier l'actif net du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit et de rattacher l'erreur ou l'omission commise à son exercice d'origine ;
Considérant que par le redressement en litige, l'administration a, en application de la règle d'intangibilité, réintégré dans les bénéfices imposables du plus ancien des exercices non prescrits, l'exercice clos en 1995, la provision, d'un montant de 441 102 F, constituée au cours des exercices précédents ; que la société ne revendique le bénéfice d'aucune des exceptions prévues par les textes précités ; que les dispositions précitées du IV de l'article 43 de la loi de finances rectificative pour 2004 font dès lors obstacle à ce que la SARL LINGERIE PEAU D'ANGE puisse demander la correction des écritures du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit, à savoir l'exercice clos en 1995 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL LINGERIE PEAU D'ANGE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font en tout état de cause obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à la SARL LINGERIE PEAU D'ANGE la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SARL LINGERIE PEAU D'ANGE est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL LINGERIE PEAU D'ANGE et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
N° 05NT01736
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