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04/12/2006 | FRANCE | N°04NT01271

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 04 décembre 2006, 04NT01271


Vu la requête, enregistrée le 25 octobre 2004, présentée pour la société anonyme DELTA DORE, dont le siège est Le Vieux Chêne à Bonnemain (35270), par Me Corbin, avocat au barreau de Rennes ; la société anonyme DELTA DORE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0100507 en date du 9 juillet 2004 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant, à titre principal, à la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions de 10 et 15 % à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie

au titre de l'exercice clos en 1997 et, à titre subsidiaire, à la réduction de l...

Vu la requête, enregistrée le 25 octobre 2004, présentée pour la société anonyme DELTA DORE, dont le siège est Le Vieux Chêne à Bonnemain (35270), par Me Corbin, avocat au barreau de Rennes ; la société anonyme DELTA DORE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0100507 en date du 9 juillet 2004 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant, à titre principal, à la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions de 10 et 15 % à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1997 et, à titre subsidiaire, à la réduction de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1995 ;

2°) de prononcer la réduction des impositions contestées ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

……………………………………………………………………………………………………...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 novembre 2006 :

- le rapport de Mme Specht, rapporteur ;

- et les conclusions de M. Hervouet, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant qu'en ce qui concerne le litige relatif au crédit d'impôt recherche, le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments, notamment celui tiré de la règle d'intangibilité du bilan d'ouverture, ni d'examiner les moyens dans l'ordre de présentation de la société requérante a suffisamment répondu aux moyens opérants ; qu'en ce qui concerne, toutefois, le litige relatif aux avances sans intérêt consenties par la société requérante à sa filiale espagnole et considérées par l'administration comme un acte anormal de gestion, le tribunal a confirmé ce chef de redressement, sans répondre à l'affirmation de la SA DELTA DORE sur l'existence de contreparties commerciales ; que le jugement doit être annulé en tant qu'il s'est prononcé sur ce redressement ; qu'il y a lieu, dès lors, d'évoquer les conclusions de la SA DELTA DORE dirigées contre ce redressement et de statuer sur le surplus des conclusions par l'effet dévolutif de l'appel ;

Sur le bien fondé des impositions de l'année 1997 :

En ce qui concerne les avances sans intérêt :

Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles 39 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale ; que l'abandon de créance ou l'octroi d'un prêt sans intérêt accordé par une entreprise au profit d'une autre entreprise ne relève pas, en règle générale, d'une gestion commerciale normale, sauf s'il apparaît qu'en consentant de tels avantages, l'entreprise a agi dans son propre intérêt ; que cette règle doit recevoir application même si le bénéficiaire de ces avances est la filiale de la société, hormis le cas où la situation des deux sociétés serait telle que la maison mère puisse être regardée comme ayant agi dans son propre intérêt en venant en aide à sa filiale en difficulté ; que s'il appartient à l'administration, dans l'hypothèse d'un redressement contradictoire, d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour qualifier un acte d'acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que l'entreprise n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié, en retour, de contreparties ;

Considérant que la SA DELTA DORE a consenti à sa filiale espagnole, la société DELTA DORE Electronica, des avances sans intérêt de 400 000 F et de 320 000 F respectivement au titre des années 1996 et 1997 ; que si la société soutient que les faibles résultats de sa filiale ne lui permettaient pas d'exiger une rémunération des avances consenties, elle n'établit pas qu'elle était menacée d'une cessation de paiement imminente ou d'une liquidation judiciaire susceptible d'entraîner des répercussions sur sa propre situation économique ; qu'en outre, la seule circonstance que son chiffre d'affaires à l'exportation sur le marché européen soit passé de 1 182 408 F en 1995, à 1 284 652 F en 1996 et 2 206 836 F en 1997, ne permet pas d'établir un lien de causalité entre la renonciation à percevoir les intérêts des avances litigieuses et l'accroissement de son activité à l'étranger d'autant que la société DELTA DORE Electronica était constituée depuis 1987 et que lesdites avances ont été consenties au cours des années 1996 et 1997, soit dix ans plus tard ; qu'à supposer par ailleurs, que la société requérante ait entendu se prévaloir des dispositions du paragraphe 12 de la documentation administrative 4 A 2162 du 21 mars 2001, celles-ci, en tout état de cause, ne comportent pas d'interprétation contraire à celle dont il est fait application dans le présent arrêt ; que dès lors, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve que la SA DELTA DORE a renoncé anormalement à percevoir tout intérêt sur les sommes avancées à sa filiale ;

En ce qui concerne le crédit d'impôt recherche :

Considérant qu'aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts : “I. Les entreprises industrielles et commerciales (…) imposées d'après leur bénéfice réel peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt égal à 50 % de l'excédent des dépenses de recherche exposées au cours d'une année par rapport à la moyenne des dépenses de même nature, revalorisées de la hausse des prix à la consommation, exposées au cours des deux années précédentes (…) III. Les subventions publiques reçues par les entreprises à raison des opérations ouvrant droit au crédit d'impôt sont déduites des bases de calcul de ce crédit (…)” ; que l'article 199 ter B du même code dispose : “I. le crédit d'impôt pour dépenses de recherche défini à l'article 244 quater B est imputé sur l'impôt sur le revenu dû par le contribuable au titre de l'année au cours de laquelle il a accru ses dépenses de recherche. L'excédent est imputé sur l'impôt sur le revenu des trois années suivantes (…)” ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration a remis en cause le montant du crédit d'impôt recherche déclaré par la SA DELTA DORE au titre de l'année 1995 et imputé sur l'exercice clos en 1997 en déduisant de la base de calcul de ce crédit d'impôt les sommes versées par la Direction des études et recherches d'EDF à cette société ; que la société entend se prévaloir d'une convention, conclue entre les parties le 5 septembre 1995, qui stipule en son paragraphe 8-4-2 qu'“en contrepartie de l'aide apportée par EDF, le Partenaire ou ses filiales, s'engagent à verser à EDF une redevance par appareil vendu (…) cette clause reste valable pendant 5 années à compter de la fin de l'exécution du programme objet du contrat” ; que cette clause ne prévoit toutefois pas le remboursement des sommes versées initialement par EDF mais s'apparente davantage à un intéressement aux résultats provenant des travaux de recherche ; que les sommes versées par EDF ont le caractère de subventions publiques au sens du III de l'article 244 quater B du code général des impôts précité ; que, dans la mesure où il ne s'agit pas d'avances, le moyen tiré de la circonstance que le délai de 5 ans prévu par ladite convention n'était pas expiré est inopérant ; que dès lors, c'est à bon droit que l'administration a déduit lesdites subventions du montant de l'assiette du crédit d'impôt recherche déclaré par la société ;

Considérant, toutefois, que la SA DELTA DORE sollicite, à titre subsidiaire, que les subventions versées par EDF au titre des années 1993 et 1994, servant de référence pour le calcul du crédit d'impôt recherche de l'année 1995, soient déduites des dépenses de recherche comptabilisées au titre de ces mêmes années ; que si les dispositions de l'article L.169 du livre des procédures fiscales, aux termes duquel : “le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce (…) jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due (…)”, interdisent à l'administration de redresser les résultats des exercices sur lesquels son droit de reprise ne peut plus s'exercer, elles ne font pas obstacle à ce que, pour apprécier le montant du crédit d'impôt recherche auquel la SA DELTA DORE pouvait prétendre, elle procède, ainsi que le soutient la société requérante, à la correction des dépenses éligibles au titre des années 1993 et 1994 servant de référence pour le calcul du crédit d'impôt recherche de l'année 1995 en déduisant les subventions versées par EDF ; qu'ainsi, la SA DELTA DORE est fondée à demander le rétablissement d'un crédit d'impôt à concurrence du montant résultant de la correction susmentionnée ;

Sur les conclusions relatives à l'imputation du crédit d'impôt recherche au titre de l'exercice 1995 :

Considérant que les résultats déclarés des exercices clos en 1995 et 1996 n'ont pas permis à la SA DELTA DORE d'imputer le crédit d'impôt pour dépenses de recherche qu'elle avait calculé et que ce crédit d'impôt a été imputé sur les résultats de l'exercice clos en 1997 conformément aux dispositions précitées de l'article 199 ter B ; qu'à la suite de la vérification de comptabilité, l'administration a effectué des redressements au titre de l'exercice clos en 1995 acceptés par la société ; que la SA DELTA DORE demande l'imputation du crédit d'impôt pour dépenses de recherche sur les cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre de l'exercice 1995 ;

Considérant qu'il résulte de ce qu'il vient d'être dit que la remise en cause du crédit d'impôt pour dépenses de recherche n'a eu d'effet qu'en ce qui concerne le montant de l'imposition mise en recouvrement au titre de l'exercice clos en 1997 ; que, par suite, le rétablissement d'une partie du crédit d'impôt pour dépenses de recherche ne peut avoir d'effet que sur cette même année 1997 ; qu'en conséquence, les conclusions tendant à ce que le crédit d'impôt pour dépenses de recherche soit imputé sur le rehaussement non contesté de l'imposition au titre de l'exercice clos en 1995 doivent être rejetées ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que, d'une part, les conclusions relatives au redressement portant sur les avances sans intérêts consenties à la filiale espagnole doivent être rejetées et que, d'autre part, la SA DELTA DORE est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes a rejeté la totalité de sa demande en ce qui concerne le redressement relatif au crédit d'impôt recherche ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SA DELTA DORE et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Rennes, n° 0100507, du 9 juillet 2004 est annulé en tant qu'il s'est prononcé sur le redressement relatif aux avances sans intérêt consenties par la SA DELTA DORE à sa filiale DELTA DORE Electronica.

Article 2 : Les conclusions de la demande présentées devant le tribunal administratif portant sur le chef de redressement susmentionné sont rejetées.

Article 3 : Le montant du crédit d'impôt recherche auquel est susceptible de prétendre la SA DELTA DORE au titre de l'année 1995 est calculé par référence aux dépenses éligibles au titre des années 1993 et 1994 corrigées des subventions versées par EDF.

Article 4 : Les cotisations supplémentaires de l'impôt sur les sociétés mises à la charge de la SA DELTA DORE au titre de l'exercice 1997 sont réduites du crédit d'impôt pour dépenses de recherche tel que calculé à l'article 3.

Article 5 : Le jugement du Tribunal administratif de Rennes du 9 juillet 2004 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de SA DELTA DORE est rejeté.

Article 7 : L'Etat (ministre de l'économie, des finances et de l'industrie) est condamné à verser une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre des frais exposés par la SA DELTA DORE et non compris dans les dépens.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à la SA DELTA DORE et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

N° 04NT01271

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 04NT01271
Date de la décision : 04/12/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. LEMAI
Rapporteur ?: Mme Frédérique SPECHT
Rapporteur public ?: M. HERVOUET
Avocat(s) : CORBIN

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2006-12-04;04nt01271 ?
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