La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/10/2006 | FRANCE | N°05NT01554

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 31 octobre 2006, 05NT01554


Vu la requête enregistrée le 16 septembre 2005, présentée pour la société anonyme Thoguima, représentée par son président-directeur général en exercice, dont le siège social est route de Langennerie à Notre Dame d'Oé (37390), par la société civile professionnelle “Lefèvre, Pelletier et associés”, avocat au barreau de Paris ; la société Thoguima demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 0302472, 0302473 et 0302474 du 28 juin 2005 par lequel le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de trois décisions du 22 juille

t 2003 de la commission départementale d'équipement commercial (CDEC) d'Indre-et-Loi...

Vu la requête enregistrée le 16 septembre 2005, présentée pour la société anonyme Thoguima, représentée par son président-directeur général en exercice, dont le siège social est route de Langennerie à Notre Dame d'Oé (37390), par la société civile professionnelle “Lefèvre, Pelletier et associés”, avocat au barreau de Paris ; la société Thoguima demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 0302472, 0302473 et 0302474 du 28 juin 2005 par lequel le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de trois décisions du 22 juillet 2003 de la commission départementale d'équipement commercial (CDEC) d'Indre-et-Loire autorisant, d'une part, la société Choisille-Distribution à créer à Chanceaux-sur-Choisille (Indre-et-Loire) un supermarché à dominante alimentaire et une station de distribution de carburants, d'autre part, la société civile immobilière (SCI) 146 Heurteloup à créer une galerie commerciale jouxtant ledit supermarché ;

2° ) d'annuler, pour excès de pouvoir, lesdites décisions ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3 500 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;

……………………………………………………………………………………………………..

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de commerce ;

Vu la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 d'orientation du commerce et de l'artisanat ;

Vu le décret n° 93-306 du 9 mars 1993 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 octobre 2006 :

- le rapport de M. François, rapporteur ;

- les observations de Me Diot, substituant Me Guillini, avocat de la société Thoguima ;

- les observations de Me Moutier, substituant Me Grognard, avocat de la SCI 146 Heurteloup, de la société Choisille-Distribution et de la commune de Chanceaux-sur-Choisille ;

- et les conclusions de M. Artus, commissaire du gouvernement ;

Considérant que par jugement du 28 juin 2005, le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté la demande de la société anonyme Thoguima tendant à l'annulation, d'une part, de deux décisions du 22 juillet 2003 par lesquelles la commission départementale d'équipement commercial (CDEC) d'Indre-et-Loire a autorisé la société Choisille Distribution à créer un supermarché à l'enseigne “ATAC” et une station de distribution de carburants au lieudit “La Grande Pièce” à Chanceaux-sur-Choisille (Indre-et-Loire), d'autre part, d'une troisième décision du même jour par laquelle ladite commission a autorisé la société civile immobilière (SCI) 146 Heurteloup à créer une galerie commerciale jouxtant le supermarché projeté ; que la société Thoguima interjette appel de ce jugement ;

Sur l'intervention de la commune de Chanceaux-sur-Choisille :

Considérant que la commune de Chanceaux-sur-Choisille, sur le territoire de laquelle la création du supermarché litigieux est projetée, a intérêt au maintien des décisions contestées ; qu'ainsi, son intervention est recevable ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

Considérant que les dispositions de l'article 32 modifié de la loi du 27 décembre 1973, désormais reprises à l'article L. 720-10 du code de commerce, prévoient, qu'à l'initiative du préfet, de deux membres de la commission ou du demandeur, la décision de la commission départementale d'urbanisme commercial peut faire l'objet d'un recours auprès de la commission nationale d'équipement commercial ; que le législateur a, ainsi, entendu réserver la saisine de la commission nationale d'équipement commercial aux seules personnes énumérées par ces dispositions ; qu'il suit de là que les tiers, qui sont susceptibles de contester la décision de la commission départementale d'équipement commercial, sont recevables à saisir de leur recours, directement, la juridiction administrative ; que, par suite, contrairement à ce que soutient la SCI 146 Heurteloup, le société Thoguima était recevable à contester les décisions du 22 juillet 2003 de la commission départementale d'équipement commercial d'Indre-et-Loire devant le Tribunal administratif d'Orléans ;

Sur les conclusions en annulation et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Sur la légalité externe :

Considérant qu'aux termes de l'article 23 du décret du 9 mars 1993 susvisé : “Huit jours au moins avant la réunion, les membres titulaires et suppléants de la commission départementale d'équipement commercial reçoivent, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, communication de l'ordre du jour, accompagné des rapports d'instruction de la direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ainsi que, le cas échéant, des avis de la chambre de commerce et d'industrie et de la chambre des métiers sur l'étude d'impact, du rapport et des conclusions de l'enquête publique ainsi que de l'avis exprimé par la commission départementale de l'action touristique” ; qu'il ressort des pièces du dossier que, si par une lettre du 1er juillet 2003, le préfet d'Indre-et-Loire a adressé à chacun des membres devant siéger à la commission départementale d'équipement commercial au cours de sa réunion du 22 juillet 2003, l'ensemble des documents dont la communication est exigée par les dispositions précitées, un des membres de cette commission n'a reçu cette lettre et les pièces qui y étaient jointes que le 15 juillet suivant, soit moins de huit jours avant la réunion ; que la circonstance que cette réception tardive soit la conséquence d'un changement d'adresse du destinataire dont l'administration n'était pas informée avant l'expédition de son courrier et que l'intéressé n'ait pas moins siégé à la réunion et participé au vote qui a donné lieu à cinq voix pour et une voix contre le projet s'avère, compte-tenu du caractère impératif de ce délai à l'égard de chacun des membres titulaires et suppléants de la commission, sans influence sur l'irrégularité ainsi commise, laquelle présente un caractère substantiel et entache d'illégalité les décisions contestées du 22 juillet 2003 de la CDEC d'Indre-et-Loire ;

Sur la légalité interne :

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 28 de la loi du 27 décembre 1973 susvisée, complétées par celles de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 et codifié à l'article L. 720-3 du code de commerce, la commission départementale d'équipement commercial “statue en prenant en considération ; 1°) L'offre et la demande globales pour chaque secteur d'activité dans la zone de chalandise concernée ; 1° bis) l'impact global du projet sur les flux de voitures particulières et de véhicules de livraison ; 1° ter) la qualité de la desserte en transport public ou avec des modes alternatifs ; 1° quater) les capacités d'accueil pour le chargement et le déchargement des marchandises ; 2°) La densité d'équipement en moyennes et grandes surfaces dans cette zone ; 3°) L'effet potentiel du projet sur l'appareil commercial et artisanal de cette zone et des agglomérations concernées, ainsi que sur l'équilibre souhaitable entre les différentes formes de commerce ; (…) 5°) Les conditions d'exercice de la concurrence au sein du commerce et de l'artisanat (…)” ; qu'aux termes de l'article 18-1 du décret du 9 mars 1993 susvisé : “Pour les projets de magasins de commerce de détail, la demande (…) est accompagnée : (…) b) des renseignements suivants : 1° délimitation de la zone de chalandise du projet et mention de la population de chaque commune comprise dans cette zone ainsi que son évolution entre les deux derniers recensements généraux ; 2° marché théorique de la zone de chalandise ; 3° équipement commercial et artisanal de la zone de chalandise, y compris les marchés accueillants des commerçants non sédentaires ; 4° équipements commerciaux exerçant une attraction sur la zone de chalandise ; 5° chiffre d'affaires annuel attendu de la réalisation du projet ; c) d'une étude destinée à permettre à la commission d'apprécier l'impact prévisible du projet au regard des critères prévus par l'article 28 de la loi du 28 décembre 1973 susvisée et justifiant du respect des principes posés par l'article 1er de la même loi (…)” ;

Considérant que, pour l'application de ces dispositions, il appartient aux commissions départementales d'équipement commercial, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, d'apprécier si un projet soumis à autorisation est de nature à compromettre, dans la zone de chalandise intéressée, l'équilibre recherché par le législateur entre les différentes formes de commerce et, dans l'affirmative, de rechercher si cet inconvénient est compensé par les effets positifs que le projet peut présenter au regard, notamment, de l'emploi, de l'aménagement du territoire, de la concurrence, de la modernisation des équipements commerciaux et, plus généralement, de la satisfaction des besoins des consommateurs ;

Considérant que pour autoriser, par les décisions contestées, l'implantation d'un supermarché à l'enseigne “ATAC” d'une surface de vente de 1 400 m², la création d'une galerie commerciale de 1 030 m² qui le jouxtera et d'une station de carburants de 190 m² comportant quatre positions de ravitaillement au lieudit “La Grande Pièce” à Chanceaux-sur-Choisille, la commission départementale d'équipement commercial d'Indre-et-Loire s'est fondée sur la circonstance que le projet permettra de mieux répondre aux besoins accrus de la population qui ne sont pas entièrement satisfaits dans la zone de chalandise ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment, du rapport de la direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes d'Indre-et-Loire, dont l'avis est défavorable au projet litigieux, qu'en cas de réalisation de celui-ci, la densité de la zone de chalandise s'établirait à un niveau largement supérieur aux moyennes de référence départementale et nationale, le jeu de la concurrence serait faussé par un renforcement excessif de la position de l'enseigne “ATAC” dans l'agglomération de Tours et l'équilibre existant entre les formes de commerce serait modifié au sein de la zone de chalandise en raison du caractère surdimensionné de cette nouvelle structure commerciale au regard de la faible étendue de la zone en cause et de l'importance des équipements commerciaux présents dans l'agglomération tourangelle ; que, pour sa part, la chambre des métiers d'Indre-et-Loire observe que malgré l'accroissement important de la population de la commune de Chanceaux-sur-Choisille et l'intégration de quelques commerces dans la future galerie commerciale, le nouvel équipement envisagé apparaît surdimensionné par rapport au potentiel de consommation existant ; que si la société 146 Heurteloup, la société Choisille-Distribution et la commune de Chanceaux-sur-Choisille soutiennent que la zone de chalandise a été définie en tenant compte des critères concurrentiel, géographique et sociologique exigés par la réglementation en vigueur, que la création envisagée contribuerait à rattraper le retard de la commune en matière de grandes surfaces alimentaires, et qu'elle réduirait les déplacements de la population locale, de tels éléments ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation du caractère surdimensionné du projet autorisé au regard de la capacité d'accueil de la zone à desservir ; que, dans ces conditions, nonobstant la croissance démographique de l'ordre de 16 % relevée dans cette zone, et quand bien même vingt-et-un emplois seraient susceptibles d'être créés par le projet, la commission départementale d'équipement commercial d'Indre-et-Loire n'a pu, sans méconnaître les objectifs définis par le législateur, accorder l'autorisation de création d'un supermarché à l'enseigne “ATAC” d'une surface de vente de 1 400 m² sur le territoire de la commune de Chanceaux-sur-Choisille ; que sont, de même, entachées d'illégalité, eu égard à leur caractère indissociable de l'autorisation de création dudit supermarché, les autorisations délivrées simultanément pour la création d'une galerie commerciale de 1 030 m² et d'une station-service de 190 m² ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Thoguima est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses demandes d'annulation des décisions du 22 juillet 2003 de la commission départementale d'équipement commercial d'Indre-et-Loire ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant, d'une part, que ces dispositions font obstacle à ce que la société Thoguima, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à verser à la société Choisille-Distribution et à la SCI 146 Heurteloup la somme qu'elles demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, d'autre part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces mêmes dispositions, de condamner la société Choisille-Distribution et la SCI 146 Heurteloup à verser, ensemble, une somme de 2 000 euros à la société Thoguima au titre des frais de même nature qu'elle a exposés ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'intervention de la commune de Chanceaux-sur-Choisille est admise.

Article 2 : Le jugement du 28 juin 2005 du Tribunal administratif d'Orléans et les autorisations du 22 juillet 2003 délivrées par la commission départementale d'équipement commercial d'Indre-et-Loire sont annulés.

Article 3 : La société Choisille-Distribution et la SCI 146 Heurteloup verseront, ensemble, à la société Thoguima une somme de 2 000 euros (deux mille euros) en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme Thoguima, à la société Choisille-Distribution, à la société civile immobilière 146 Heurteloup, à la commune de Chanceaux-sur-Choisille (Indre-et-Loire) et au ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales.

Une copie en sera, en outre, adressée au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

N° 05NT01554

2

1

1

1


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 05NT01554
Date de la décision : 31/10/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DUPUY
Rapporteur ?: M. Eric FRANCOIS
Rapporteur public ?: M. ARTUS
Avocat(s) : GUILLINI

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2006-10-31;05nt01554 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award