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30/10/2006 | FRANCE | N°04NT00147

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 30 octobre 2006, 04NT00147


Vu la requête et les documents complémentaires, enregistrés respectivement les 6 février et 8 mars 2004, présentés pour la SARL L'ABALONE, représentée par Me TREMELOT, liquidateur judiciaire demeurant 9 place Duguesclin à Saint Brieuc (22022), par Me Laurens, avocat au barreau de Guingamp ; la SARL L'ABALONE demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n°s 00.4353 et 00.4354, en date du 4 décembre 2003, du Tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de ses demandes tendant, d'une part, à la réduction des cotisations supplémenta

ires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre...

Vu la requête et les documents complémentaires, enregistrés respectivement les 6 février et 8 mars 2004, présentés pour la SARL L'ABALONE, représentée par Me TREMELOT, liquidateur judiciaire demeurant 9 place Duguesclin à Saint Brieuc (22022), par Me Laurens, avocat au barreau de Guingamp ; la SARL L'ABALONE demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n°s 00.4353 et 00.4354, en date du 4 décembre 2003, du Tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de ses demandes tendant, d'une part, à la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1997 et 1998 et, d'autre part, à la réduction des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er septembre 1996 au 30 juin 1998 ;

2°) de lui accorder la réduction demandée des impositions susmentionnées restant en litige ;

……………………………………………………………………………………………………...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 octobre 2006 :

- le rapport de M. Martin, rapporteur ;

- et les conclusions de M. Hervouet, commissaire du gouvernement ;

Sur l'étendue du litige :

Considérant que, par deux décisions en date du 26 janvier 2006, postérieures à l'introduction de la requête, le directeur des services fiscaux des Côtes-d'Armor a prononcé le dégrèvement, d'une part, en droits et pénalités, à concurrence de 35 823,84 euros, du supplément de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la SARL L'ABALONE au titre de la période du 1er septembre 1996 au 30 juin 1998, d'autre part, à concurrence de 262 260,33 euros, de l'amende infligée à la SARL L'ABALONE en application de l'article 1740 ter du code général des impôts, enfin, à concurrence de 1 672,82 euros, de la majoration de 40 % pour mauvaise foi prévue par l'article 1729 du code général des impôts dont a été assortie la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle la SARL L'ABALONE a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1997 ; que les conclusions de la requête de la SARL L'ABALONE relatives à ces impositions et à cette amende sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;

Sur le surplus des conclusions de la requête :

En ce qui concerne la régularité de la procédure :

Considérant, en premier lieu, qu'en se bornant à soutenir que la position prise par l'administration sur certains redressements est entachée d'incohérences ou de contradictions, la SARL n'apporte pas la preuve de ce qu'elle aurait été privée, lors de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet, d'un véritable débat oral et contradictoire ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que le vérificateur a notamment indiqué, dans la notification de redressements qu'il a adressée à la SARL L'ABALONE le 20 décembre 1999, chef par chef, les motifs de droit et de fait sur lesquels il entendait se fonder pour justifier les redressements envisagés ; que, quelle que soit la pertinence de ces motifs, cette notification permettait au contribuable de présenter ses observations de façon entièrement utile ; que, dès lors, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'administration aurait méconnu les dispositions de l'article L.57 du livre des procédures fiscales ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction que le vérificateur n'a effectivement utilisé pour établir les redressements contestés, parmi les documents qu'il aurait obtenus par l'exercice de son droit de communication, qu'une facture de la société Gelt Services et un procès-verbal du service des Douanes, dont il a précisé l'origine, la nature et la teneur dans la notification de redressements ; qu'ainsi, la société requérante a été mise à même d'en demander la communication ; que, par suite, la SARL L'ABALONE n'est pas fondée à soutenir que l'administration aurait violé les droits de la défense et le principe du contradictoire en s'abstenant de lui communiquer, préalablement à la mise en recouvrement des impositions litigieuses, les éléments par elle reçus dans le cadre de l'exercice de son droit de communication ; qu'elle ne peut se prévaloir utilement, sur le fondement de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales, de la documentation administrative G-3342, n° 4, en date du 25 juin 1998, en tant qu'elle concernerait le droit de communication, dès lors qu'en tout état de cause, cette doctrine ne contient aucune interprétation de la loi fiscale au sens dudit article ;

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

S'agissant de la charge de la preuve :

Considérant qu'aux termes de l'article R.194-1 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : “Lorsque (…) s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la notification de redressement, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de redressement, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré.” ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SARL L'ABALONE, qui exerçait une activité de mareyage à Pleumeur-Bodou (Côtes-d'Armor), a été mise en liquidation judiciaire par un jugement du 15 octobre 1999 ; qu'elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle lui ont été notifiés, selon la procédure contradictoire, des redressements en matière de taxe sur la valeur ajoutée, portant sur la période du 1er septembre 1996 au 30 juin 1998, et en matière d'impôt sur les sociétés, au titre de l'exercice clos le 30 juin 1997 ; que ces redressements ont été notifiés le 20 décembre 1999 à Me TREMELOT, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL ; que celui-ci n'y a pas répondu ; que si l'ancien gérant de la SARL, M. Y, a, par une lettre du 19 janvier 2000, fait savoir au service qu'il avait bien reçu une copie de cette notification et qu'il contestait l'ensemble des redressements envisagés, la SARL ne peut se prévaloir de cette réponse pour soutenir qu'elle a répondu à la notification de redressements dans le délai légal, dès lors qu'il n'est pas établi que le liquidateur, seul habilité à représenter la société auprès de l'administration fiscale dans le cadre de la procédure de redressement, avait donné mandat à M. Y pour répondre à sa place à la notification ; que la circonstance que le liquidateur a ensuite présenté une réclamation contre les impositions consécutives aux redressements notifiés n'a pu avoir pour effet de régulariser ce défaut de mandat ; qu'il s'ensuit qu'il appartient à la société requérante, conformément aux dispositions précitées de l'article R.194-1 du livre des procédures fiscales, d'apporter la preuve de l'exagération des impositions susmentionnées ; que, s'agissant du supplément d'impôt sur les sociétés auquel la SARL a été également assujettie au titre de l'exercice clos le 30 juin 1998 selon la procédure de taxation d'office, la charge de la preuve incombe également à celle-ci en application de l'article L.193 du livre des procédures fiscales ;

S'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée :

A propos de la minoration de la base taxable :

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à l'occasion de la vérification de comptabilité dont la SARL L'ABALONE a fait l'objet, le vérificateur a procédé à un rapprochement entre les factures de transport de coquillages payées par la SARL et les factures de vente de ces mêmes coquillages établies par la société au nom de ses clients afin de vérifier si, à chaque livraison d'une quantité donnée d'ormeaux ou de palourdes facturée par un transporteur correspondait une vente d'une quantité équivalente de ces mêmes produits facturée à un client ; qu'il a identifié cinq factures de transporteurs pour lesquelles, selon lui, la SARL n'avait facturé aucune vente ; qu'il en a déduit que les ventes correspondantes avaient été dissimulées ; qu'il a évalué leur montant en multipliant les quantités transportées d'ormeaux ou de palourdes par le prix de vente au kg pratiqué par la SARL et procédé au rappel de taxe sur la valeur ajoutée afférente à ces ventes ;

Considérant, en premier lieu, que le rapprochement effectué par le vérificateur dans les conditions sus-décrites ne saurait être qualifié de “reconstitution de recettes arbitraire” alors même qu'aucun relevé exhaustif de l'ensemble des factures examinées n'a été fourni à l'appui de la notification de redressements, dès lors que, d'une part, la comptabilité de la SARL n'a pas été écartée comme non probante, et, d'autre part, les précisions fournies par le vérificateur sur les cinq anomalies qu'il a relevées et regardées comme une présomption de ce qu'une partie du chiffre d'affaires taxable n'avait pas été déclaré étaient suffisantes pour permettre à la société requérante d'apporter le cas échéant la preuve contraire ; que celle-ci conteste qu'à chaque livraison d'une certaine quantité de coquillages ait dû correspondre une vente équivalente dès lors qu'il a pu s'agir de l'envoi d'échantillons, de produits nouveaux ou de marchandises retournées par le client ; qu'elle fait valoir que des décalages de facturation dans le temps ou des regroupements de plusieurs opérations sur une même facture peuvent expliquer les anomalies susmentionnées ; que, toutefois, ces allégations d'ordre général ne sont accompagnées d'aucun élément précis permettant d'apprécier leur pertinence en l'espèce ;

Considérant, en deuxième lieu, que la SARL L'ABALONE soutient que l'une des factures retenues par le vérificateur, datée du 17 octobre 1997 et relative au transport à Londres d'une tonne d'ormeaux au profit de la société Sun Wah Food, correspond non à une vente mais à une prestation de congélation d'un lot de coquillages dont elle n'était pas propriétaire ; que si elle produit une facture, datée du 15 octobre 1997, attestant de ce qu'elle a effectivement facturé à la société anglaise Uniglobe Trading Ltd une prestation de congélation d'une tonne d'ormeaux, elle n'établit toutefois pas, eu égard aux différences de date et de client entre la facture retenue par le vérificateur et la facture qu'elle a versée au dossier, que cette prestation aurait correspondu au transport litigieux ;

Considérant, en troisième lieu, que le vérificateur a relevé que deux livraisons de palourdes, d'un poids total de 86 kg, effectuées les 4 et 7 juillet 1997 par la société de transports Guiffant au profit d'une société espagnole n'avaient donné lieu à aucune facturation de vente à cette même société ; que si la société requérante a versé aux dossiers des factures qui confirment que la quantité de palourdes livrées au cours du mois de juillet 1997 à ce client espagnol a été supérieure de 92 kg à la quantité qui lui a été facturée à la vente au titre de la même période, elle n'apporte pas la preuve attendue de ce que cette différence serait due à un autre motif que la non-comptabilisation d'une partie des ventes ;

Considérant, en quatrième lieu, que le vérificateur a obtenu de la société de transports Gelt Services la communication d'une facture établie en juillet 1997 au nom de la SARL L'ABALONE et portant sur le transport de 200 kg d'ormeaux ; qu'il est constant que cette facture n'a pas été comptabilisée en charge par la société requérante ; que, dès lors, celle-ci est fondée à soutenir que la seule production de la facture ne suffit à établir ni que ledit transport a bien été réalisé, ni que le lot d'ormeaux figurant sur la facture a été vendu ; qu'il y a lieu, par suite, de décharger la SARL L'ABALONE du supplément de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge de ce chef ;

Considérant, en cinquième lieu, que la SARL L'ABALONE soutient que le vérificateur, pour calculer le montant des ventes dissimulées, a utilisé un prix de vente au kg qu'il a déterminé de façon arbitraire ; qu'elle n'assortit cependant son moyen d'aucun élément précis de nature à contredire utilement l'affirmation de l'administration selon laquelle le vérificateur s'est référé aux prix pratiqués par la SARL pour ses ventes de coquillages à la même période ;

Considérant, en sixième lieu, que la SARL L'ABALONE ne peut utilement se prévaloir de ce que l'administration n'a utilisé qu'une seule méthode de reconstitution en invoquant, sur le fondement de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales, la documentation administrative 4 G-3342, n° 4, dès lors qu'en tout état de cause, celle-ci ne formule, à l'intention des agents des impôts, que de simples recommandations en matière de reconstitution de chiffre d'affaires ;

A propos de la déduction de la taxe sur immobilisations :

Considérant que l'administration a remis en cause la déduction par la SARL L'ABALONE, à hauteur de 164 788 F, de la taxe afférente à l'acquisition d'immobilisations dans la mesure où la SARL n'a pas été en mesure de justifier de son droit à déduction par la présentation de factures ; que l'article 271 du code général des impôts prévoit que la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est celle qui figure sur les factures qui leur sont délivrées et exige que les redevables soient en possession desdites factures ;

Considérant que les quelques factures versées au dossier par la société requérante, qui concernent soit des prestations de services, soit des petits matériels non susceptibles d'être qualifiés d'immobilisations, ne permettent pas d'établir que l'administration aurait sous-estimé l'étendue de son droit à déduction ; que la SARL se prévaut en outre de ce qu'elle a fait construire un immeuble d'exploitation durant la période vérifiée, dans le cadre d'une opération de livraison à elle-même dont le vérificateur a admis qu'elle avait généré un montant de taxe déductible de 197 047 F ; qu'elle soutient que la taxe dont la déduction lui a été refusée serait en réalité comprise dans ce montant ; que, toutefois, dès lors que l'article 271 du code général des impôts conditionne le droit à déduction à la possession de factures et que la SARL admet ne pas satisfaire à cette condition, sans qu'elle puisse invoquer utilement à cet égard sa mise en liquidation judiciaire, son moyen sera en tout état de cause écarté ;

S'agissant de l'impôt sur les sociétés :

A propos des ventes non déclarées :

Considérant que, comme il a été dit ci-dessus, le vérificateur a intégré dans les bénéfices imposables de la SARL L'ABALONE, au titre des exercices clos en 1997 et 1998, des sommes provenant selon lui de la vente de lots d'ormeaux et de palourdes figurant sur cinq factures établies par des entreprises de transports mais pour lesquelles il n'a trouvé dans la comptabilité de la société requérante aucune facture de vente ; que la SARL, pour contester ce rehaussement, se réfère aux moyens qu'elle a soulevés en matière de taxe sur la valeur ajoutée, tirés, d'une part, de ce que le vérificateur a utilisé une méthode erronée et arbitraire dès lors qu'il n'existe pas nécessairement une corrélation entre les quantités de coquillages transportées et les quantités vendues, d'autre part, de ce que l'une des factures des sociétés de transports n'a pas été comptabilisée en charge, enfin de ce que la doctrine administrative recommande aux agents des impôts d'utiliser plusieurs méthodes de reconstitution ; qu'il y a lieu, pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés, de faire droit au moyen tiré de l'absence de comptabilisation en charges de la facture Gelt Services et d'écarter les autres moyens ; que, par suite, la SARL L'ABALONE sera déchargée du supplément d'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre de l'exercice clos en 1998 à raison de la vente d'un lot d'ormeaux figurant sur une facture de la société de transports Gelt Services ;

A propos de la réintégration de charges :

Considérant que pour être admis en déduction des bénéfices imposables, les frais et charges de l'entreprise doivent être exposés dans l'intérêt direct de l'exploitation, correspondre à une charge effective et être appuyés de justifications suffisantes ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que la SARL L'ABALONE n'a pas été en mesure, lors de la vérification de sa comptabilité, de justifier par des factures certains achats de coquillages à des pêcheurs qu'elle avait effectués, au cours des exercices clos en 1997 et 1998, et comptabilisés en charges ; que le vérificateur a, en conséquence, refusé d'admettre en déduction au titre de chacun des exercices, à hauteur respectivement de 699 852 F et 1 251 025 F, les dépenses exposées à ce titre par la SARL ; que celle-ci se prévaut de l'existence d'un usage selon lequel les pêcheurs ne délivrent pas de factures à leurs clients mais se bornent à apposer leur signature sur des feuillets détachables de carnets à souches renseignés par les mareyeurs ; que, pour illustrer cette pratique, elle a versé au dossier d'appel deux carnets à souches, correspondant chacun à un fournisseur, constitués de feuillets numérotés sur lesquels ont été inscrits la date, la nature des produits, le poids, le prix au kg et le lieu de débarquement des lots d'ormeaux acquis auprès de ces fournisseurs ; que, toutefois, ces carnets, qui ne représentent qu'une petite part des achats en litige, ne mentionnent ni le prix payé, ni le nom et l'adresse du vendeur et de l'acquéreur ; que la SARL ne justifie pas non plus du paiement effectif des sommes en litige ; qu'il suit de là qu'en se bornant à invoquer un usage, lequel ne la dispense pas en tout état de cause de justifier par tous moyens du montant de ses charges, et en produisant deux carnets à souches qui, au vu des informations qu'ils contiennent, ne sauraient suffire à pallier l'absence de factures, la SARL L'ABALONE ne démontre pas le caractère exagéré de la réintégration opérée ; qu'elle ne peut utilement opposer à l'administration un procès-verbal établi par le service des Douanes dans lequel figure une liste d'achats de coquillages effectués par elle entre le 1er septembre 1996 et le 17 novembre 1997 et dont le montant total excède celui des dépenses admises en déduction par l'administration, dès lors que ledit procès-verbal, établi en vue de déterminer l'assiette de la redevance d'exploitation des ports de pêche due par la SARL, s'il confirme que des achats de coquillages à des pêcheurs ont bien été réalisés, ne saurait tenir lieu de justification du montant des charges comptabilisées ; que si la société requérante soutient que le montant des charges dont l'administration a admis la déduction est manifestement insuffisant par rapport à son chiffre d'affaires, elle n'apporte pas sur ce point de précisions suffisantes pour permettre d'apprécier la pertinence de son moyen ; que la circonstance invoquée que les achats effectués sans facture correspondraient nécessairement à des ventes non déclarées est sans incidence sur la déductibilité des sommes correspondant à ces achats ; que la société requérante ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales, de la documentation administrative 5 E-2321 relative aux documents comptables obligatoires que doivent détenir les agriculteurs imposés selon un régime de bénéfice réel dans la catégorie des bénéfices agricoles, dès lors qu'elle ne contient en tout état de cause aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il vient d'être fait application ; que la circonstance invoquée par la SARL L'ABALONE que l'administration fiscale aurait autorisé d'autres mareyeurs à déduire leurs dépenses d'achats de coquillages à des pêcheurs, alors même que ces dépenses n'étaient pas justifiées par des factures, n'est pas de nature à conférer à la société requérante un droit à la déduction de ses dépenses ;

Considérant, en deuxième lieu, que le vérificateur a réintégré dans le résultat imposable de la SARL L'ABALONE, au titre de l'exercice clos le 30 juin 1997, diverses dépenses d'achats de coquillages, de bouquets, d'oursins et de foies de lotte, pour un montant de 10 677 F, au motif qu'en l'absence de revente de ces produits, ces dépenses devaient être regardées comme dépourvues d'intérêt pour l'entreprise ; que si la SARL fait valoir qu'elle a acquis ces produits à titre d'échantillons, non pour la revente, mais en vue de la recherche de nouveaux débouchés, elle n'assortit son allégation d'aucune justification ; que, par suite, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe de ce que ces achats étaient dépourvus d'intérêt pour la SARL ; que, dès lors, elle était fondée à réintégrer la somme susmentionnée, alors même que son montant serait peu significatif ;

Considérant, en troisième lieu, que le vérificateur a remis en cause la déduction par la SARL L'ABALONE de remboursements de frais de déplacements consentis à ses deux gérants successifs, MM X et Y, à hauteur, respectivement, de 81 968 F et 99 582 F, au titre des exercices clos en 1997 et 1998, au motif que la réalité et le montant de ces frais n'étaient pas justifiés ; que si la société requérante soutient que les déplacements réalisés par ses personnels étaient nécessaires à son activité et que les sommes allouées ont été calculées en appliquant le barème administratif au kilométrage parcouru par les intéressés avec leur véhicule personnel, il lui appartient d'apporter la preuve de la réalité de ce kilométrage ; qu'elle a établi à cette fin un tableau indiquant, par exercice, en ce qui concerne seulement M. Y, le nom et l'adresse des organismes rencontrés, ainsi que le motif des déplacements effectués ; que, pour calculer le nombre de kilomètres parcourus, elle a procédé à une évaluation forfaitaire du nombre d'aller-retour effectués par exercice entre son siège et celui de chacun des organismes cités, sans préciser les dates de chaque déplacement ; que, dans ces conditions, les pièces qu'elle a produites, faute d'éléments précis et détaillés permettant de reconstituer avec exactitude l'emploi du temps de son gérant, ne suffisent pas à établir la réalité de la fréquence et de la longueur des déplacements allégués ; qu'il suit de là que l'administration a pu à bon doit regarder les frais déduits comme non déductibles et les réintégrer dans les bénéfices imposables réalisés par la société requérante au titre des exercices litigieux ; que la SARL L'ABALONE ne peut utilement se prévaloir de ce que M. Y aurait été assujetti à un supplément d'impôt sur le revenu à raison des mêmes frais, la situation de ce contribuable au regard de l'impôt sur le revenu étant sans incidence sur le bien-fondé de l'imposition de la société à l'impôt sur les sociétés ; que sa demande, présentée à titre subsidiaire, tendant à ce que les frais litigieux soient admis en déduction de ses résultats en tant que suppléments de salaires ne peut être accueillie, dès lors qu'en inscrivant ces frais au compte relatif aux frais de déplacements, elle a pris une décision de gestion qui lui est opposable ;

A propos des amortissements :

Considérant que le vérificateur n'a admis en déduction les amortissements pratiqués par la SARL L'ABALONE, au titre des deux exercices vérifiés, que dans la mesure où ils s'appliquaient à des immobilisations dont le prix d'acquisition était justifié par une facture et que ces immobilisations présentaient une utilité pour l'entreprise ; qu'il a ainsi réintégré les dotations d'amortissement dans le bénéfice imposable de chaque exercice à hauteur de, respectivement, 12 044 F et 80 185 F ; que les quelques factures versées au dossier par la société requérante, qui concernent soit des prestations de services, soit des petits matériels non susceptibles d'être qualifiés d'immobilisations, ne permettent pas de pallier l'absence de justification du prix d'acquisition des immobilisations et, partant, du montant des amortissements litigieux ; que la SARL se prévaut en outre de ce qu'elle a fait construire et agencer un immeuble d'exploitation durant la période vérifiée, dans le cadre d'une opération de livraison à elle-même dont le vérificateur a évalué le prix de revient, dans la notification de redressements, à 693 661 F hors taxes pour la construction et 262 882 F hors taxes pour les agencements ; qu'elle soutient, dès lors, que l'administration ne peut, sans se contredire, lui reprocher d'avoir surévalué le montant de ses amortissements ; que, toutefois, la circonstance que le vérificateur a procédé à cette évaluation afin de calculer le montant de l'amende prévue par l'article 1788 septies du code général des impôts en cas de non-dépôt de déclaration de livraison à soi-même ne saurait dispenser la SARL de l'obligation qui lui incombe, en vertu de l'article 39 du code général des impôts, de justifier du montant des amortissements qu'elle a réellement pratiqués ; qu'elle ne le fait pas en se bornant à invoquer l'évaluation par le service du coût de revient de son immeuble d'exploitation ; que la mention de cette évaluation dans la notification de redressements adressée à la SARL ne saurait, en tout état de cause, constituer une prise de position formelle de l'administration sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal dont la société requérante pourrait se prévaloir sur le fondement de l'article L.80 B du livre des procédures fiscales ;

A propos de la provision pour créance douteuse ;

Considérant que le vérificateur a rapporté au bénéfice imposable de l'exercice clos au 30 juin 1998 une provision pour créance douteuse constituée par la SARL L'ABALONE, au motif que la société ne démontrait pas qu'il existait à cette date un risque de non-recouvrement de la créance en cause ; que, contrairement à ce que soutient la société requérante, il résulte des dispositions du 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts que c'est au contribuable qu'il appartient d'apporter la preuve de ce que des circonstances de fait constatées à la date de clôture de l'exercice rendaient probables la perte de la créance ; qu'en se bornant à faire valoir que la créance n'a jamais été recouvrée, la SARL L'ABALONE n'apporte pas cette preuve ; que, par suite, l'administration était fondée à rapporter ladite provision ;

En ce qui concerne les pénalités :

S'agissant de l'amende prévue par l'article 1740 ter du code général des impôts et maintenue à la charge de la SARL L'ABALONE :

Considérant qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est pas contesté que la SARL L'ABALONE a comptabilisé au cours de son exercice clos en 1997 des factures d'achats d'ormeaux mentionnant des identités et adresses de fournisseurs ne correspondant pas aux fournisseurs réels ; que l'administration l'a soumise en conséquence au paiement de l'amende prévue par l'article 1740 ter, alors en vigueur, du code général des impôts, égale à 50 % du montant des factures ; que la SARL soutient que la procédure relative à l'établissement de cette amende aurait été irrégulière, faute pour l'administration de lui avoir adressé préalablement à la mise en recouvrement une mise en demeure d'avoir à apporter la preuve de ce que les factures en cause avaient été régulièrement comptabilisées ; qu'elle se réfère ainsi aux nouvelles dispositions introduites dans l'article 1740 ter par l'article 105 de la loi de finances pour 2000 qui visent le cas dans lequel une personne n'a pas respecté l'obligation de délivrance d'une facture ou d'un document en tenant lieu et non celui où, comme en l'espèce, une personne a comptabilisé des factures de complaisance ; que le moyen doit, par suite, être écarté ; que la société requérante ne peut en tout état de cause se prévaloir utilement des instructions administratives 12-C-2-00 et 13-N-2-00 du 8 mars 2000 qui commentent la mise en oeuvre de ces nouvelles dispositions ;

S'agissant des pénalités pour mauvaise foi :

Considérant que, compte tenu des dégrèvements décidés en cours d'instance, demeurent en litige les majorations pour mauvaise foi dont ont été assortis, d'une part, le rappel de taxe sur la valeur ajoutée relatif aux ventes non déclarées, à l'exception de la taxe afférente à la vente du lot d'ormeaux transporté par la société Gelt Services, d'autre part, les suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels la SARL L'ABALONE a été assujettie au titre de l'exercice clos le 30 juin 1997, à raison de ventes non déclarées, d'achats sans facture, d'achats non exposés dans l'intérêt de l'entreprise et d'amortissements non justifiés ;

Considérant que l'administration a dégrevé la majoration pour mauvaise foi qu'elle avait appliqué au rappel de taxe sur la valeur ajoutée sur immobilisations et a maintenu l'application de cette majoration aux droits supplémentaires d'impôt sur les sociétés assignés à la société requérante à raison du refus d'admettre en déduction les amortissements sur immobilisations ; qu'elle n'apporte aucun élément justifiant cette différence d'appréciation portée sur des redressements procédant de la même cause ; qu'il y a lieu, par suite, de décharger la SARL L'ABALONE de la pénalité dont a été assorti le supplément d'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre de l'exercice clos en 1997 à raison de la remise en cause de la déduction d'amortissements ; que, pour le surplus, l'administration soutient que la SARL L'ABALONE, alors même que sa comptabilité a été reconnue régulière en la forme, a, par la minoration de ses recettes et la déduction de dépenses d'achats non justifiés par des factures, commis de graves irrégularités dont, eu égard à leur importance, elle ne pouvait ignorer l'existence ; qu'elle fait valoir que M. Y, gérant de la SARL, a été condamné pour fraude fiscale à raison de ces faits ; qu'elle doit être regardée, dans les circonstances de l'espèce, comme établissant ainsi la mauvaise foi de la société requérante ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, s'agissant des impositions restant en litige, la SARL L'ABALONE est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes a rejeté la totalité du surplus des conclusions de ses demandes ;

DÉCIDE :

Article 1er : A concurrence des sommes de 35 823,84 euros (trente-cinq mille huit cent vingt-trois euros quatre-vingt-quatre centimes), 262 260,33 euros (deux cent soixante-deux mille deux cent soixante euros trente-trois centimes) et 1 672,82 euros (mille six cent soixante-douze euros quatre-vingt-deux centimes), en ce qui concerne respectivement les droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la SARL L'ABALONE au titre de la période du 1er septembre 1996 au 30 juin 1998, l'amende infligée à la SARL L'ABALONE en application de l'article 1740 ter du code général des impôts et la majoration pour mauvaise foi dont a été assortie la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle la SARL L'ABALONE a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1997, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la SARL L'ABALONE.

Article 2 : La SARL L'ABALONE est déchargée, d'une part, des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er septembre 1996 au 30 juin 1998 et de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1998 à raison de la vente d'un lot d'ormeaux figurant sur une facture de la société de transports Gelt Services, d'autre part, des pénalités pour mauvaise foi dont a été assorti le supplément d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1997 à raison de la remise en cause d'amortissements sur immobilisations.

Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Rennes en date du 4 décembre 2003 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL L'ABALONE est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié Me TREMELOT, représentant de la SARL L'ABALONE, et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

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N° 04NT00147

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 04NT00147
Date de la décision : 30/10/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. GRANGE
Rapporteur ?: M. Luc MARTIN
Rapporteur public ?: M. HERVOUET
Avocat(s) : LAURENS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2006-10-30;04nt00147 ?
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