La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/08/2006 | FRANCE | N°06NT01176

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, Reconduite a la frontiere, 03 août 2006, 06NT01176


Vu la requête, enregistrée le 20 juin 2006, présentée pour Mme Viorica X, demeurant ..., par Me Olivier Renard, avocat au barreau de Nantes ; Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 06-2226 en date du 18 mai 2006 par lequel le magistrat délégué du Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 mai 2006 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a décidé sa reconduite à la frontière et fixé la Roumanie comme pays de destination ;

2°) d'annuler ledit arrêté pour excès de pouvoir;



3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de réexaminer sa situati...

Vu la requête, enregistrée le 20 juin 2006, présentée pour Mme Viorica X, demeurant ..., par Me Olivier Renard, avocat au barreau de Nantes ; Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 06-2226 en date du 18 mai 2006 par lequel le magistrat délégué du Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 mai 2006 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a décidé sa reconduite à la frontière et fixé la Roumanie comme pays de destination ;

2°) d'annuler ledit arrêté pour excès de pouvoir;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de réexaminer sa situation dans le délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt ;

4°) de condamner l'Etat à verser à Mme X la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
……………………………………………………………………………………………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du 2 janvier 2006 par laquelle le président de la Cour a délégué M. Cadenat pour statuer sur les appels interjetés contre les jugements rendus par les présidents de tribunaux administratifs ou leurs délégués en matière de reconduite à la frontière ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention des Nations Unis sur les droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, modifiée, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

Vu le décret n° 95-304 portant publication de la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985, signée le 19 juin 1990 ;

Vu le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié, portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;


Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 juillet 2006 :

- le rapport de M. Cadenat, magistrat délégué,

- et les conclusions de M. Mornet, commissaire du gouvernement ;



Considérant qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 20 de la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985, signée le 19 juin 1990 : Les étrangers non soumis à l'obligation de visa peuvent circuler librement sur les territoires des Parties contractantes pendant une durée maximale de trois mois au cours d'une période de six mois à compter de la date de première entrée, pour autant qu'ils remplissent les conditions d'entrée visées à l'article 5, paragraphe 1, points a, c, d et e ; qu'enfin, aux termes de son article 23 : 1. L'étranger qui ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions de court séjour applicables sur le territoire de l'une des Parties contractantes doit en principe quitter sans délai les territoires des Parties contractantes (…) 3. Lorsque le départ volontaire d'un tel étranger n'est pas effectué ou lorsqu'il peut être présumé que ce départ n'aura pas lieu (…) l'étranger doit être éloigné du territoire de la Partie contractante sur lequel il a été appréhendé, dans les conditions prévues par le droit national de cette Partie contractante ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.511-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Les dispositions du 2° (…) de l'article L.511-1 sont applicables à l'étranger qui n'est pas ressortissant d'un État membre de la Communauté européenne si, en provenance directe du territoire d'un des États parties à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990, il s'est maintenu sur le territoire métropolitain sans se conformer aux dispositions de l'article 19, paragraphe 1 ou 2, de l'article 20, paragraphe 1, et de l'article 21, paragraphe 1 ou 2, de ladite convention ; qu'aux termes de l'article L.511-1 du même code : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré (...) ;

Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces stipulations et dispositions que peuvent faire l'objet d'une reconduite à la frontière, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L.511-3, les étrangers non ressortissants d'un État membre de la Communauté européenne et dispensés de l'obligation de visa qui se sont maintenus sur le territoire des États parties à ladite convention au-delà de la durée maximale de trois mois au cours d'une période de six mois à compter de la date de première entrée sur le territoire de l'un quelconque des États parties à la convention ;

Considérant qu'en vertu des stipulations de la liste de l'annexe II du règlement (CE) n° 539/2001 du Conseil du 15 mars 2001 modifié, les ressortissants de Roumanie sont exemptés de l'obligation de visa pour des séjours dont la durée totale n'excède pas trois mois ; qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X, de nationalité roumaine, est entrée en France en juin 2003 ; qu'il n'est pas contesté qu'elle s'y est maintenue sans interruption au-delà du 19 janvier 2005, date d'expiration de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivrée le 20 juillet 2004 ; qu'ainsi, le 14 mai 2006, date de la mesure d'éloignement prise à son encontre, Mme X se trouvait dans le cas où, en application de l'article L.511-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant que l'arrêté contesté par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a décidé la reconduite à la frontière de Mme X et a fixé la Roumanie comme pays à destination duquel elle devait être reconduite, relève que l'intéressée s'est maintenue sur le territoire national à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée dans l'espace Schengen, vise les articles L.511-1 2°, L.511-3 et L.513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et mentionne que Mme X n'établit pas que sa vie ou sa liberté seraient menacées en cas de retour dans son pays d'origine ; que, par suite, et alors même qu'il ne précise pas les éléments propres à la situation familiale de l'intéressée, cet arrêté, qui comporte l'exposé des faits et considérations de droit sur lequel il se fonde, est suffisamment motivé ;

Considérant que Mme X fait valoir qu'elle justifie de sa présence en France depuis 2003, qu'elle a multiplié les démarches de demande de régularisation, que ses enfants sont bien intégrés en France où elle a le centre de sa vie privée et familiale ; qu'il ressort, toutefois, des pièces du dossier que son compagnon et l'un de ses enfants vivent en Roumanie ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et, notamment, de la durée et des conditions de son séjour en France, l'arrêté contesté n'a pas porté au droit de Mme X au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a, ainsi, pas méconnu les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant que Mme X doit être regardée comme invoquant également les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990, publiée par décret du 8 octobre 1990 aux termes desquelles : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; qu'il résulte de ces stipulations que l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt des enfants dans toutes les décisions le concernant ; qu'il ressort, toutefois, des pièces du dossier que Mme X est en situation irrégulière en France et que rien ne s'oppose à ce qu'elle emmène avec elle ses enfants en Roumanie ; que la seule circonstance que l'un de ses fils soit scolarisé à l'école primaire et y soit bien intégré, ne suffit pas à établir que l'arrêté ordonnant la reconduite de Mme X porterait atteinte à son intérêt supérieur au sens des stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

Considérant qu'aux termes de l'article L 511-4, 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Ne peut faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière (…) l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que, si Mme X fait valoir que son fils souffre de graves troubles ophtalmologiques, il ne ressort, toutefois, pas des pièces du dossier, notamment du certificat du 29 mars 2005 établi par le médecin du centre hospitalier universitaire de Nantes, que la surveillance annuelle nécessitée par son état de santé ne puisse être dispensée dans le pays de renvoi ; qu'ainsi, le préfet n'a pas méconnu les dispositions précitées en ordonnant la reconduite à la frontière de l'intéressée ;

Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ; que, si Mme X fait valoir des risques de traitements inhumains en cas de retour en Roumanie, où les membres de la communauté Rom sont victimes de discriminations, les allégations de l'intéressée ne sont assorties d'aucun élément précis, ni de justifications suffisantes des risques qu'elle encourrait personnellement ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que la présente décision, qui rejette les conclusions à fin d'annulation, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de l'intéressée tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer à Mme X un titre de séjour doivent être rejetées ;

Sur l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à Mme X la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme X est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Viorica X et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire. Une copie sera transmise au préfet de la Loire-Atlantique.

N° 06NT01176
2

1


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : Reconduite a la frontiere
Numéro d'arrêt : 06NT01176
Date de la décision : 03/08/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Patrick CADENAT
Rapporteur public ?: M. MORNET
Avocat(s) : RENARD

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2006-08-03;06nt01176 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award