Vu la requête, enregistrée le 16 juin 2006, présentée par le préfet du Loiret ; le préfet du Loiret demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 06-1837 du 16 mai 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif d'Orléans a annulé son arrêté du 9 mai 2006 décidant la reconduite à la frontière de Mme Sideoum X ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme X devant le Tribunal administratif d'Orléans ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la décision du 2 janvier 2006 par laquelle le président de la Cour a délégué M. Cadenat pour statuer sur les appels interjetés contre les jugements rendus par les présidents de tribunaux administratifs ou leurs délégués en matière de reconduite à la frontière ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;
Vu le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié, portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 juillet 2006 :
- le rapport de M. Cadenat, magistrat délégué,
- et les conclusions de M. Mornet, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (…) - 3° si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé, ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (…) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme Sideoum X, de nationalité cambodgienne, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 9 octobre 2004, de la décision du préfet du Loiret en date du 6 octobre 2004, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire dans le délai d'un mois ; qu'elle se trouvait, ainsi, dans le cas où, en application des dispositions précitées du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet peut décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X, munie d'un visa de séjour de trois mois, est entrée régulièrement en France, en mai 2004, où elle a été recueillie par sa fille et son gendre qui possèdent la nationalité française et dont il n'est pas allégué qu'ils ne disposeraient pas de ressources suffisantes pour assumer sa charge; que l'intéressée, veuve, sans ressources, et de santé précaire, a été rejetée par ses quatre enfants résidant au Cambodge ; que, dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, l'arrêté du préfet du Loiret ordonnant la reconduite à la frontière de Mme X a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il a, par suite, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet du Loiret n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif d'Orléans a annulé son arrêté du 9 mai 2006 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme X ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 : L'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner, dans les conditions prévues à l'article 75, la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à une somme au titre des frais que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide ; que Mme X a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat, Me Sutter, peut se prévaloir des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Sutter renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de condamner celui-ci à payer à ce titre une somme de 1 500 euros ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet du Loiret est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, une somme de mille cinq cents euros (1 500 euros) à Me Sutter, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Sideoum X et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire. Une copie sera transmise au préfet du Loiret.
N° 06NT01155
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