Vu la requête, enregistrée le 26 mai 2006, présentée pour Mlle Jennifer X, demeurant ..., par Me Edith Robet, avocat au barreau de Chartres ; Mlle X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 06-1461 du 20 avril 2006 par laquelle le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet d'Eure-et-Loir, en date du 13 mars 2006, décidant de sa reconduite à la frontière;
2°) d'annuler ledit arrêté pour excès de pouvoir;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la décision du 26 janvier 2005 par laquelle le président de la Cour a délégué M. Lesigne pour statuer sur les appels interjetés contre les jugements rendus par les présidents de tribunaux administratifs ou leurs délégués en matière de reconduite à la frontière ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 juin 2006 :
- le rapport de M. Lesigne, magistrat délégué,
- les observations de Me Robet, avocat de Mlle X,
- et les conclusions de M. Mornet, commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) - 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé, ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;
Considérant que Mlle X, ressortissante de la Sierra Leone, née le 8 juillet 1983 à Freetown, est entrée irrégulièrement sur le territoire français le 23 avril 2001; que la demande d'asile qu'elle a présentée à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a été rejetée par décision en date du 27 septembre 2002 que la Commission des recours des réfugiés a confirmé le 7 février 2005 ; que le préfet de Seine-Saint-Denis a pris, le 9 juin 2005, à l'encontre de l'intéressée un arrêté de reconduite à la frontière après lui avoir notifié, le 28 février 2005, un refus de séjour et une invitation à quitter le territoire ; que Mlle X a déposé, le 16 juin 2005, une nouvelle demande de titre de séjour qui a été rejetée par une décision du 19 juillet suivant, assortie d'une invitation à quitter le territoire dans le délai d'un mois, et à l'encontre de laquelle l'intéressée a formé, le 13 septembre 2005 un recours gracieux ; que Mlle X s'est maintenue sur le territoire en situation irrégulière au-delà du délai d'un mois qui lui était imparti ; qu'elle entrait, ainsi, dans le cas où un étranger peut être reconduit à la frontière ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle X est entrée en France à l'âge de dix-sept ans pour fuir les exactions dont elle avait été victime en Sierra Leone, son pays d'origine ; qu'elle a été, dès son arrivée, le 23 avril 2001, prise en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance du département de Seine-Saint-Denis auquel elle avait été confiée par une ordonnance du juge des enfants du Tribunal de grande instance de Bobigny ; qu'elle a, le 10 janvier 2003, souscrit auprès des services du même département un contrat jeune majeur personnalisé pour un accompagnement socio-éducatif en vue de son insertion professionnelle ; que, dans le cadre de ce contrat, elle a été prise en charge par l'association En TEMPS, située à Montreuil-sous-Bois, qui a couvert les frais inhérents à sa formation dans le cadre d'un CAP service-restaurant ; qu'elle a obtenu ce certificat, en juin 2005, à l'issue d'une scolarité à laquelle elle s'était parfaitement intégrée ; qu'ainsi, eu égard à l'ensemble des circonstances de l'espèce, et, notamment, aux conditions de séjour de Mlle X en France, où elle a bénéficié du soutien des autorités publiques, et eu égard aux effets que pourrait comporter pour elle une mesure de reconduite à la frontière, le préfet d'Eure-et-Loir a porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ladite mesure a été prise et a, par suite, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mlle X est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 mars 2006 décidant sa reconduite à la frontière ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement en date du 20 avril 2006 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif d'Orléans et l'arrêté du 13 mars 2006 décidant la reconduite à la frontière de Mlle X sont annulés.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle Jennifer X et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire. Une copie sera transmise au préfet d'Eure-et-Loir.
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