Vu la requête, enregistrée le 28 novembre 2005, présentée pour M. Trung Hai X, demeurant ..., assisté par son curateur, M. Trung Hieu X, demeurant à la même adresse, par Me Garet ; M. Trung Hai X demande à la Cour :
1°) de reconnaître fondée son action en désaveu contre Me Jean-Yves Fagon, son avocat dans une instance précédente enregistrée comme ci-dessus sous le n° 02NT00258 ;
2°) d'annuler l'article 1er de l'arrêt n° 02NT00258 du 21 juin 2005 par lequel la Cour a donné acte de son désistement de sa requête tendant à la réformation du jugement n° 91-1209 du 16 janvier 2002 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a condamné la commune de Morlaix à lui verser, sous déduction des provisions déjà accordées par ce même tribunal, une somme de 349 800 euros, qu'il estime insuffisante, en réparation des conséquences dommageables de l'accident dont ilX a été victime le 27 juillet 1989 ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 juin 2006 :
- le rapport de M. d'Izarn de Villefort, rapporteur ;
- les observations de Me Lahalle, avocat de la commune de Morlaix ;
- et les conclusions de M. Millet, commissaire du gouvernement ;
Considérant que, le 27 juillet 1989, M. Trung Hai X, alors âgé de huit ans, a heurté une margelle de granit en chutant d'un toboggan installé dans une aire de jeux aménagée par la commune de Morlaix ; que celle-ci a été déclarée entièrement responsable des conséquences dommageables de cet accident par jugement du Tribunal administratif de Rennes du 4 novembre 1992 devenu définitif ; que, par un jugement du 16 janvier 2002, ce même tribunal a condamné la commune de Morlaix à payer à M. X, sous déduction des provisions d'un montant de 15 244,90 euros et de 7 622,45 euros déjà accordées, une somme de 349 800 euros ; que M. X a relevé appel de ce jugement ; que le désistement de sa requête a cependant été présenté par acte enregistré le 30 mai 2005, dont la Cour a donné acte par arrêt du 21 juin 2005 ;
Sur l'action en désaveu d'avocat :
Considérant qu'aux termes de l'article R.635 ;1 du code de justice administrative : Une partie peut désavouer les actes ou procédures faits en son nom par son avocat lorsqu'ils peuvent influer sur le sens du jugement (…) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par télécopie reçue au greffe le 30 mai 2005 à 15 heures 05, Me Fagon a informé la Cour qu'une transaction était intervenue entre les parties et mettait ainsi fin au litige, les fonds ayant été versés ; que, par une télécopie reçue le même jour à 15 heures 34, il faisait part du désistement de M. X ; que celui-ci soutient qu'il n'a adressé à son avocat aucune instruction en ce sens ; que la commune de Morlaix fait valoir il est vrai que, par suite de la signature d'un protocole transactionnel, il avait été donné acte, par ordonnance du 4 mai 2004, du désistement des parents du requérant d'une action formée contre elle devant le Tribunal administratif de Rennes, tendant à la réparation du préjudice moral subi par eux du fait de l'accident survenu à leur fils ; qu'il n'apparaît cependant pas qu'elle a conclu avec le requérant une seconde transaction relative à la réparation du préjudice subi par celui-ci ; que, dans ces conditions, Me Fagon ne s'est pas conformé au mandat que M. X lui avait confié ; que, par suite, l'action en désaveu introduite par ce dernier doit être accueillie et que le désistement présenté le 30 mai 2005 doit être déclaré nul ;
Sur les conclusions indemnitaires :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expertise décidée avant dire droit par les premiers juges, que M. X a été victime d'un grave traumatisme crânien lors de l'accident du 27 juillet 1989 et qu'il s'est trouvé dans un état de coma pendant trois semaines ; qu'il a dû être admis dans un centre de rééducation jusqu'en 1995 ; que son taux d'incapacité permanente partielle est de 80 % ; que la marche s'effectue avec boiterie du fait de l'atrophie de sa jambe gauche et d'une inégalité de longueur des membres inférieurs ; qu'il ne peut se servir de sa main gauche ; que sa vision à gauche est limitée ; qu'il présente des troubles de la mémoire et du comportement constitués surtout d'une altération du jugement ; qu'il n'a pu poursuivre une scolarité normale et dépasser le niveau du cours moyen 2ème année ; qu'il ne peut envisager aucune activité professionnelle réelle ; que le préjudice résultant de ces troubles de toute nature dans les conditions d'existence subis par M. X, y compris le préjudice sexuel et le préjudice d'agrément, doit être évalué à 240 000 euros, dont la moitié au titre des troubles physiologiques, comme l'a jugé le Tribunal administratif de Rennes ;
Considérant que M. X a besoin, comme l'a relevé l'expert, d'une aide ménagère pour la préparation des repas, l'entretien du linge et du lieu de vie ; qu'il n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause l'appréciation faite par le Tribunal des frais qui en résultent, fixés à 91 500 euros ; que, de même, il ne justifie davantage en appel qu'en première instance la nécessité des aménagements du logement dont il fait état ;
Considérant, néanmoins, que le Tribunal administratif de Rennes a alloué à M. X les sommes de 10 700 euros et de 7 600 euros au titre, respectivement, des souffrances physiques endurées, évaluées à six sur une échelle de sept, et du préjudice esthétique, évalué à cinq sur la même échelle ; qu'il a procédé à une évaluation insuffisante de ces chefs de préjudice ; que ces sommes doivent être portées à 15 000 et 10 000 euros ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X est seulement fondé à soutenir que la somme de 349 800 euros que la commune de Morlaix a été condamnée à payer par l'article 1er du jugement attaqué du Tribunal administratif de Rennes doit être portée à 356 500 euros ;
Sur l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que M. X, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à la commune de Morlaix la somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de condamner la commune de Morlaix à payer à M. X la somme de 1 600 euros qu'il demande au titre des frais exposés par celui-ci et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le désistement présenté pour M. X le 30 mai 2005, ensemble l'article 1er de l'arrêt de la Cour n° 02NT00258 du 21 juin 2005, sont déclarés nuls et de nul effet.
Article 2 : La somme de 349 800 euros (trois cent quarante-neuf mille huit cents euros) que la commune de Morlaix a été condamnée à payer à M. X par l'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Rennes est portée à 356 500 euros (trois cent cinquante-six mille cinq cents euros).
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.
Article 4 : La commune de Morlaix versera à M. X une somme de 1 600 euros (mille six cents euros) au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Trung Hai X, à M. Trung Hieu X, à la commune de Morlaix et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire. Copie en sera adressée à Me Jean-Yves Fagon.
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N° 05NT01842
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