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28/06/2006 | FRANCE | N°05NT00006

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 28 juin 2006, 05NT00006


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 3 janvier 2005, présentée pour la SARL IFOGECO venant aux droits de la SARL ANPF FORMATION, dont le siège est 2 rue Pierre et Marie Curie à Ingré (45140), par Me Lion, avocat au barreau d'Orléans ; la société IFOGECO demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 0202016-0202017 en date du 2 novembre 2004 par lequel le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses demandes tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice 1994

et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au tit...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 3 janvier 2005, présentée pour la SARL IFOGECO venant aux droits de la SARL ANPF FORMATION, dont le siège est 2 rue Pierre et Marie Curie à Ingré (45140), par Me Lion, avocat au barreau d'Orléans ; la société IFOGECO demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 0202016-0202017 en date du 2 novembre 2004 par lequel le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses demandes tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice 1994 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 1994 au 31 décembre 1996 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

……………………………………………………………………………………………………...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 juin 2006 :

- le rapport de Mme Gélard, rapporteur ;

- et les conclusions de M. Lalauze, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la SARL ANPF FORMATION, actuellement dénommée IFOGECO, qui a été créée en 1987 pour assurer des formations pour le personnel des magasins du groupe “X”, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle, l'administration a remis en cause d'une part, la déduction pratiquée par la société de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à deux factures, de 200 000 F HT et de 230 000 F HT, émises le 30 décembre 1994 par la société CRI 5, qui fait partie du même groupe, et d'autre part, au titre de l'impôt sur les sociétés, la charge représentée par ces facturations ;

Sur le bien-fondé des impositions :

Considérant, d'une part, qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : “Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (…) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (…)” ; qu'en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des créances de tiers, amortissements, provisions et charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; qu'en ce qui concerne les charges, le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ;

Considérant, d'autre part, qu'en vertu des dispositions combinées des articles 272-2 et 283-4 du code général des impôts et de l'article 223-1 de l'annexe II à ce code, un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucune marchandise ou prestation de services ou qui n'était pas le fournisseur réel de la marchandise ou de la prestation effectivement livrée ou exécutée ; que, dans le cas où l'auteur de la facture était régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés et se présentait à ses clients comme assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, sans qu'il soit manifeste qu'il n'aurait pas rempli les obligations l'autorisant à faire figurer cette taxe sur ses factures, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y était mentionnée, d'établir qu'il s'agissait d'une facture fictive ou d'une facture de complaisance ;

Considérant que la société requérante soutient que le Tribunal administratif d'Orléans en confirmant le refus de déduction aurait méconnu l'autorité de la chose jugée résultant d'un arrêt de la Cour d'appel d'Orléans en date du 22 septembre 2003 ; que l'autorité de la chose jugée qui appartient aux décisions des juges répressifs devenues définitives s'attache à la constatation matérielle des faits mentionnés dans le jugement, qui sont le support nécessaire du dispositif et à leur qualification sur le plan pénal ; que pour relaxer les gérants de fait et de droit de la SARL ANPF FORMATION, inculpés du chef d'abus de biens sociaux, la Cour s'est toutefois bornée à relever que si le montant des deux factures payées par ANPF FORMATION à CRI 5 qui sont en litige dans le cadre de la présente affaire, avait été “gonflé…” “la surfacturation” n'avait pas profité aux dirigeants et n'avait pas compromis la situation financière de la SARL ; que dès lors, la surfacturation de ces prestations n'a en tout état de cause pas constitué le support nécessaire de la décision de relaxe des prévenus ; que, sur ce point, la société ne saurait utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales, de la documentation administrative 13 O 134, qui se borne à rappeler les incidences de l'autorité de la chose jugée, et ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il a été fait application ;

Considérant que la société requérante soutient que la facture d'un montant de 200 000 F HT portant le libellé “Formation à distance” aurait eu pour objet l'assistance apportée par la société CRI 5 dans le suivi technique d'un marché passé avec la société SOFTEC en vue de l'élaboration de vingt et un logiciels de formation à distance et que la facture d'un montant de 230 000 F HT portant le libellé “Formation du personnel” aurait eu pour objet la transmission par les spécialistes de CRI 5 aux formateurs de la société ANFP des connaissances techniques nécessaires à l'utilisation des logiciels ; que ces prestations n'ont fait l'objet d'aucun contrat ou convention ou tout autre document comportant une description précise de leur contenu ; que les pièces versées au dossier ne permettent pas d'établir leur réalité ; que dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve de l'absence de contrepartie et du caractère fictif des factures ; qu'il en résulte que les moyens tirés de ce que la société ANFP pouvait, sans commettre d'acte anormal de gestion, apporter par le biais d'une surfacturation une aide à une société du même groupe et de ce que le caractère excessif de la facturation ne pouvait faire obstacle à la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur la facture sont inopérants ;

Considérant que l'application qui a été faite par l'administration des dispositions précitées des articles 39, 272-2 et 283-4 du code général des impôts n'a pas fait peser la charge de la preuve sur le contribuable ; que, dès lors, et en tout état de cause, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'administration aurait méconnu les stipulations de l'article 6-2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales selon lesquelles “Toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie” ;

Considérant, enfin, s'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée, que contrairement à ce que soutient la société requérante, les exigences auxquelles elle a été soumise en ce qui concerne la justification de la réalité des prestations facturées n'ont pas méconnu le principe général de droit communautaire de proportionnalité ;

Sur les pénalités :

Considérant qu'aux termes de l'article L.80 D du livre des procédures fiscales : “Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable…” ; qu'il résulte de l'instruction que le vérificateur s'est borné dans la notification de redressements adressée le 18 décembre 1997 à la SARL ANPF FORMATION à énoncer les critères généraux de nature à justifier l'application des pénalités de mauvaise foi sans se référer aux considérations de faits propres à l'affaire en litige ; que par suite, la société requérante est fondée à soutenir que l'administration a méconnu les dispositions de l'article L.80 D du livre des procédures fiscales ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société IFOGECO est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Orléans a intégralement rejeté ses demandes ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante pour l'essentiel, dans la présente instance, soit condamné à payer à la société IFOGECO la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La société IFOGECO est déchargée des pénalités de mauvaise foi mises à sa charge au titre des impositions litigieuses.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif d'Orléans en date du 2 novembre 2004 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société IFOGECO est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société IFOGECO et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

N° 05NT00006

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 05NT00006
Date de la décision : 28/06/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. LEMAI
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. LALAUZE
Avocat(s) : LION

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2006-06-28;05nt00006 ?
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