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08/06/2006 | FRANCE | N°03NT01273

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ere chambre b, 08 juin 2006, 03NT01273


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 4 août 2003, présentée pour M. et Mme Félix X, demeurant ..., par Me Dizier, avocat au barreau de Nantes ; M. et Mme X demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 99-1672 en date du 12 juin 2003 du Tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a rejeté la demande de M. Félix X tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 1991 ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une s

omme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

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Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 4 août 2003, présentée pour M. et Mme Félix X, demeurant ..., par Me Dizier, avocat au barreau de Nantes ; M. et Mme X demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 99-1672 en date du 12 juin 2003 du Tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a rejeté la demande de M. Félix X tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 1991 ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

……………………………………………………………………………………………………...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 mai 2006 :

- le rapport de M. Degommier, rapporteur ;

- et les conclusions de M. Hervouet, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la SNC Azur Hôtel II a procédé à l'acquisition, en 1991, d'appartements meublés dans une résidence de tourisme située à Gosier (Guadeloupe) ; qu'elle a déduit ces investissements de ses résultats industriels et commerciaux sur le fondement de l'article 238 bis HA du code général des impôts ; que les déficits en résultant ont été repris par l'EURL La Trinité à proportion de ses parts dans cette SNC ; que le déficit de l'EURL a été déduit par M. X, associé de l'EURL La Trinité, du revenu global imposable de son foyer fiscal de l'année 1991 ; que l'administration a remis en cause cette déduction ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L.57 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors en vigueur : “L'administration adresse au contribuable une notification de redressements qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable, sa réponse doit également être motivée” ; qu'il résulte de l'instruction que l'administration a adressé à la SNC Azur Hôtel II une notification de redressement le 20 décembre 1994, puis une deuxième, remplaçant la première, le 30 mai 1997 ; qu'elle a adressé à l'EURL La Trinité une première notification le 22 décembre 1994, à laquelle s'est substituée une seconde notification en date du 4 juin 1997 ; qu'ainsi, la circonstance que l'administration n'a pas répondu aux observations présentées sur les notifications de redressement des 20 et 22 décembre 1994 est sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition ; qu'il n'est pas allégué par les requérants que les sociétés auraient répondu aux notifications adressées les 30 mai et 4 juin 1997 ; qu'il résulte par ailleurs de l'instruction, que si l'administration a adressé une troisième notification à la SNC Azur Hôtel II le 14 octobre 1997, cet envoi est le fait d'une erreur qui est restée sans incidence dès lors que l'administration a procédé à l'annulation de cette notification ; que dès lors et en tout état de cause, l'administration n'était pas tenue d'informer les époux X de l'envoi de cette dernière notification ; qu'enfin la notification de redressement du 29 août 1997 adressée aux époux X indique de manière précise la nature des redressements envisagés, la nature et l'année de l'impôt concerné ; que les notifications adressées à l'EURL La Trinité et à la SNC Azur Hôtel II y sont annexées ; que cette dernière indique la catégorie de revenus concernée, à savoir les bénéfices industriels et commerciaux ; qu'ainsi la notification adressée aux époux X satisfait à l'exigence de motivation prévue à l'article L.57 précité ;

Considérant, en deuxième lieu, que le désaccord entre les sociétés Azur Hôtel II et La Trinité, et l'administration fiscale portait sur le point de savoir si les conditions d'application du régime de déduction des investissements institué à l'article 238 bis HA du code général des impôts étaient satisfaites ; qu'un tel litige, même s'il nécessite l'examen des circonstances de fait, porte en réalité sur la qualification juridique à donner aux opérations réalisées au regard des dispositions de l'article 238 bis HA du code général des impôts ; qu'il s'agit d'une question de droit qui échappait à la compétence de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; que, par suite, la circonstance que l'administration a refusé de saisir cette commission du désaccord opposant la SNC Azur Hôtel II et l'EURL La Trinité et le service ne constitue pas une irrégularité de nature à entacher la procédure d'imposition ;

Considérant, en troisième lieu, qu'eu égard à l'obligation faite à l'administration d'établir les impôts dus par tous les contribuables d'après leur situation au regard de la loi fiscale, les décisions par lesquelles elle met une imposition à la charge d'une personne physique ou morale, ne peuvent, en dépit de la sujétion qui en résulte pour cette dernière, être regardées comme des décisions administratives individuelles défavorables, au sens de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ; que, par voie de conséquence, les dispositions de l'article 8 du décret du 28 novembre 1983 concernant les relations entre l'administration et les usagers ne leur sont pas applicables ; qu'au demeurant les requérants ont bénéficié de l'ensemble des garanties prévues dans le cadre de la procédure de redressement contradictoire ; qu'ainsi le moyen ne peut qu'être écarté ;

Sur le bien fondé de l'imposition :

En ce qui concerne la prescription :

Considérant que, d'une part, en vertu de l'article 8 du code général des impôts, l'associé unique d'une société à responsabilité limitée lorsqu'il s'agit d'une personne physique est personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à ses droits dans la société ; que, d'autre part, l'article L.53 du livre des procédures fiscales prévoit que la procédure de vérification des déclarations est suivie directement entre l'administration et la société ; qu'il ressort de la combinaison de ces différentes dispositions que la notification régulière à une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée de rehaussements apportés à ses bénéfices imposables à l'issue d'une vérification de ses déclarations interrompt nécessairement la prescription à l'égard de son associé, en tant que redevable de l'impôt assis sur ces bénéfices ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la notification de redressement adressée à la SNC Azur Hôtel II en date du 20 décembre 1994, et la notification de redressement adressée à l'EURL La Trinité en date du 22 décembre 1994, portant rehaussements de ses résultats de l'année 1991 en conséquence des redressements notifiés à la SNC Azur Hôtel II dont elle est associée, sont intervenues dans le délai de reprise prévu par l'article L.169 du livre des procédures fiscales et étaient suffisamment motivées ; qu'elles ont, dès lors, interrompu la prescription à l'égard de l'associé unique de l'EURL La Trinité, à concurrence des impositions à l'impôt sur le revenu correspondant au rehaussement des résultats de l'EURL ; que la circonstance que l'administration ait modifié les motifs du redressement par ses notifications du 30 mai et du 4 juin 1997 est sans incidence sur le caractère interruptif de prescription des notifications initiales ; qu'est également sans incidence le fait que la nouvelle base légale invoquée par le ministre, relative à la non-déductibilité des déficits déclarés du revenu global, soit propre à la personne des contribuables et distincte de celle figurant dans la notification adressée à l'EURL ; que les stipulations de l'article 6 paragraphe 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peuvent être utilement invoquées pour contester le bien-fondé d'une imposition ; que les requérants ne peuvent utilement invoquer, pour se prévaloir de la prescription, au titre de la garantie des contribuables contre les changements de doctrine de l'administration, de la documentation administrative 13 L 1513 n°s 37 à 39 du 1er avril 1996 qui traite de la procédure d'imposition et ne contient pas, dès lors, d'interprétation d'un texte fiscal, au sens de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales ;

En ce qui concerne la détermination du revenu imposable :

Considérant que l'administration est en droit, à tout moment de la procédure, et pour la première fois en appel, de substituer, pour justifier le bien-fondé d'une imposition, une autre base légale à celle qui avait été primitivement retenue ; que le ministre demande devant la Cour que l'imposition contestée soit maintenue sur le fondement des dispositions du I 4° de l'article 156 du code général des impôts relatives à l'imputation sur le revenu global de déficits catégoriels ; que ce nouveau fondement légal ne pose pas de questions entrant dans le champ de compétence de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; que dès lors que la procédure contradictoire, qui devait être suivie pour fonder l'imposition selon la base légale de substitution, a été utilisée dans le redressement en litige, le ministre est fondé à opposer ce nouveau fondement légal ;

Considérant qu'aux termes de l'article 156 du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : “L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé eu égard aux propriétés et aux capitaux que possèdent les membres du foyer fiscal désignés à l'article 6-1 et 3, aux professions qu'ils exercent, aux traitements, salaires, pensions et rentes viagères dont ils jouissent ainsi qu'aux bénéfices de toutes opérations lucratives auxquelles ils se livrent, sous déduction : I. Du déficit constaté pour une année dans une catégorie de revenus... Toutefois n'est pas autorisée l'imputation : ... 4° Des déficits réalisés par des personnes, autres que les loueurs professionnels au sens de l'article 151 septies, dernier alinéa, louant directement ou indirectement des locaux d'habitation meublés ou destinés à être meublés ; ces déficits s'imputent exclusivement sur les bénéfices retirés de cette même activité au cours des années suivantes jusqu'à la cinquième inclusivement…” ; qu'aux termes de l'article 151 septies dudit code dans sa rédaction alors applicable : “… Les loueurs professionnels s'entendent des personnes inscrites en cette qualité au registre du commerce et des sociétés et qui réalisent plus de 150 000 F de recettes annuelles ou retirent de cette activité au moins 50 p. 100 de leur revenu.” ; qu'il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu, sauf pour les loueurs professionnels, exclure du bénéfice de l'imputation sur le revenu global, les déficits constatés dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux lorsqu'ils proviennent de l'activité de location de locaux d'habitation meublés ;

Considérant qu'il est constant que les appartements acquis par la SNC Azur Hôtel II, dont l'EURL La Trinité est associée, dans un ensemble immobilier situé à Gosier (Guadeloupe) sont meublés et donnés en location ; que, dès lors, l'EURL et, par suite, son associé unique, doivent être regardés comme des personnes louant indirectement des locaux d'habitation meublés au sens des dispositions précitées du 4° de l'article 156-I du code général des impôts, sans que puisse y faire obstacle la circonstance, serait-elle établie, que les SNC auraient une activité hôtelière entrant dans le champ d'application de l'article 238 bis HA du même code ; qu'il est constant que ni l'EURL ni M. X ne remplissent les conditions permettant de les qualifier de loueur professionnel ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que la partie réintégrée du déficit de l'EURL proviendrait d'une autre activité que celle de location de locaux d'habitation meublés ; que, par suite, ce déficit est de la nature de ceux qui ne sont pas susceptibles d'être imputés sur le revenu global du contribuable en application des mêmes dispositions du 4° de l'article 156-I ; que les autres moyens tirés de l'article 238 bis HA sont inopérants ; que l'instruction administrative 4 A-8-86 du 7 novembre 1986, qui se rapporte à l'application de l'article 238 bis HA, ne contient pas d'interprétation formelle de l'article 156-I-4° susceptible d'être opposée à l'administration sur le fondement de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales ;

Considérant que l'imposition contestée résultant de la stricte application de la loi fiscale, dont il n'appartient pas au juge administratif d'apprécier la conformité à la Constitution et, notamment, à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 à laquelle renvoie son préambule, le moyen tiré de ce qu'il en résulterait une rupture de l'égalité des citoyens devant les charges publiques ou la réglementation est également inopérant ; que les requérants ne peuvent utilement invoquer les principes de droit communautaire de non discrimination et de sécurité juridique dès lors que l'imposition en litige ne relève pas d'une réglementation communautaire et que les requérants n'établissent pas qu'ils se trouvent dans une situation régie par le droit communautaire ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme X ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de M. X ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à M. et Mme X la somme que ceux-ci demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Félix X et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

N° 03NT01273

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ere chambre b
Numéro d'arrêt : 03NT01273
Date de la décision : 08/06/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : Mme MAGNIER
Rapporteur ?: M. Sébastien DEGOMMIER
Rapporteur public ?: M. HERVOUET
Avocat(s) : DIZIER

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2006-06-08;03nt01273 ?
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