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22/05/2006 | FRANCE | N°04NT01272

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ere chambre b, 22 mai 2006, 04NT01272


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 26 octobre 2004, présentée pour M. Jean-Pierre X, demeurant ..., par Me Desurmont, avocat au barreau de Lille ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 012958 en date du 6 octobre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1995 et 1996 ;

2°) de prononcer les décharges demandées ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 3 000

euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

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Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 26 octobre 2004, présentée pour M. Jean-Pierre X, demeurant ..., par Me Desurmont, avocat au barreau de Lille ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 012958 en date du 6 octobre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1995 et 1996 ;

2°) de prononcer les décharges demandées ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

……………………………………………………………………………………………………...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 67-5 du 3 janvier 1967 ;

Vu la loi n° 77-1467 du 30 décembre 1977 ;

Vu la loi n° 95-1346 du 30 décembre 1995 portant loi de finances pour 1996 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 avril 2006 :

- le rapport de M. Degommier, rapporteur ;

- et les conclusions de M. Hervouet, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X, porteur de parts de la copropriété du navire de pêche “Viking Explorer”, a porté en déduction de son revenu global les déficits industriels et commerciaux résultant, pour les années 1995 et 1996 de sa quote-part correspondant à ses droits dans la copropriété du résultat d'exploitation de ce navire, et en outre, pour l'année 1995, de sa quote-part de l'investissement réalisé pour l'acquisition dudit navire sur le fondement de l'article 238 bis HA du code général des impôts ; que l'administration, à la suite d'une vérification de comptabilité de la copropriété, a remis en cause pour l'année 1995 la déduction par M. X du seul investissement réalisé, et pour l'année 1996, la déduction du déficit d'exploitation ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L.47 du livre des procédures fiscales : “Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix. (…)” ; qu'aux termes de l'article 8 quater du code général des impôts : “Chaque membre des copropriétés de navires régies par le chapitre IV de la loi nº 67-5 du 3 janvier 1967 modifiée portant statut des navires et autres bâtiments de mer est personnellement soumis à l'impôt sur le revenu à raison de la part correspondant à ses droits dans les résultats déclarés par la copropriété.” ; qu'aux termes de l'article 73-I de la loi susvisée du 30 décembre 1977 “1° les copropriétés de navire… sont tenues aux obligations qui incombent aux exploitants individuels soumis au régime du bénéfice réel… La procédure de vérification des déclarations est suivie directement entre l'administration et la copropriété…” ; qu'il résulte de ces dispositions que l'administration, lorsqu'elle engage une vérification de comptabilité d'une copropriété de navire, n'est pas tenue d'adresser à chaque copropriétaire l'avis de vérification de comptabilité prévu par l'article L.47 du livre des procédures fiscales ; que par suite le moyen tiré de l'absence d'envoi d'un avis de vérification à chaque quirataire ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L.10 du livre des procédures fiscales : “Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L.12 et L.13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration” ; que le paragraphe 5 du chapitre III de ladite charte indique que “Si le vérificateur a maintenu totalement ou partiellement les redressements envisagés, des éclaircissements supplémentaires peuvent vous être fournis si nécessaire par l'inspecteur principal. Si après ces contacts des divergences importantes subsistent, vous pouvez faire appel à l'interlocuteur départemental qui est un fonctionnaire de rang élevé spécialement désigné par le directeur dont dépend le vérificateur” ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, dans le cadre de la vérification de comptabilité de la copropriété, le représentant de celle-ci a été reçu à sa demande par l'interlocuteur départemental le 26 septembre 2000, avant que n'intervienne le 30 novem-bre 2000 la mise en recouvrement des impositions contestées ; que les dispositions de la charte du contribuable vérifié n'imposent pas que l'interlocuteur départemental informe le contribuable des résultats de sa démarche ; que si le représentant a adressé à l'interlocuteur, après la mise en recouvrement, des documents complémentaires, cette circonstance n'a pas eu pour effet, contrairement à ce qui est soutenu, de prolonger l'entretien du 26 septembre 2000, qui s'est achevé à cette date ; qu'il suit de là que M. X ne peut, en tout état de cause, soutenir que la garantie tenant à la possibilité de faire appel à l'interlocuteur départemental a été méconnue ; qu'il ne peut davantage utilement invoquer, sur le fondement des dispositions de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales, une instruction 13 L- 9-76 du 18 juin 1976 et la documentation administrative 13 L-1311 du 15 août 1994 qui, traitant de la procédure d'imposition, ne contiennent pas sur ce point d'interprétation formelle de la loi fiscale au sens de ces dispositions ;

Sur le bien fondé des impositions :

En ce qui concerne l'année 1995 :

Considérant qu'aux termes de l'article 238 bis HA du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : “I- Les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés ou assujetties à un régime réel d'imposition peuvent déduire de leurs résultats imposables une somme égale au montant total des investissements productifs réalisés dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion à l'occasion de la création ou l'extension d'exploitations appartenant aux secteurs d'activité de l'industrie, de la pêche, de l'hôtellerie, du tourisme, des énergies nouvelles, de l'agriculture, du bâtiment et des travaux publics, des transports et de l'artisanat. La déduction est opérée sur le résultat de l'exercice au cours duquel l'investissement est réalisé, le déficit éventuel de l'exercice étant reporté dans les conditions prévues au I des articles 156 et 209 (…)” ; qu'aux termes de l'article 46 quaterdecies D de l'annexe III au code général des impôts, pris pour l'application de l'article 238 bis HA précité dudit code, “La déduction est pratiquée par l'entreprise propriétaire. Elle est opérée sur les résultats imposables, déterminés avant toute autre déduction ou abattement, de l'exercice au cours duquel l'immobilisation a été livrée à l'entreprise ou créée par elle…” ; qu'aux termes de l'article 6 de la loi n° 67-5 du 3 janvier 1967 portant statut des navires et autres bâtiments de mer : “Sauf convention contraire, le constructeur est propriétaire du navire en construction jusqu'au transfert de propriété au client. Ce transfert se réalise avec la recette du navire après essais” ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le navire Viking Explorer a été commandé le 18 mai 1995 par la société anonyme Compagnie Viking aux chantiers navals Océa, installés aux Sables d'Olonne (Vendée) ; que, par acte du 26 décembre 1995, a été constituée une copropriété du navire Viking Explorer comprenant parmi ses fondateurs la société anonyme Compagnie Viking porteur à l'origine de 1 021 des 1 099 parts de copropriété ou quirats ; que si M. X produit un “procès-verbal de recettes” du navire daté du 26 décembre 1995 signé par le constructeur et la Compagnie Viking en qualité d'armateur, ce document, qui n'a pas de date certaine, est sujet à caution dès lors qu'un autre “procès-verbal de recettes” produit au dossier, rédigé dans les mêmes termes que le précédent, est daté du 3 mai 1996 ; que l'administration fait valoir que la facture de vente n'a été établie que le 2 mai 1996, après que des appels d'acomptes relatifs à la peinture et à la mise à l'eau ont été émis les 19 février et 20 mars 1996, que le rapport de visite de mise en service, le permis de navigation et l'acte de francisation n'ont été délivrés que le 26 avril 1996, et que le navire n'a été assuré par la copropriété qu'à compter du 3 mai 1996 ; que si le requérant soutient que le procès-verbal de recettes du 3 mai 1996 est consécutif à des travaux complémentaires réalisés dans le cadre de la garantie après-vente afin de réparer des avaries constatées lors des premiers essais effectués en 1995, et que la facture du 2 mai 1996 ne concerne qu'une retenue de garantie, il n'apporte aucun élément au soutien de ces allégations ; que le permis provisoire de navigation du 28 décembre 1995 n'est pas de nature à établir une livraison effective du navire à cette date dès lors qu'il a été délivré à la société Océa, constructeur du navire, en vue de faire des essais en mer ; que ce permis apparaît au surplus en contradiction avec le procès-verbal de recettes invoqué du 26 décembre 1995 selon lequel le navire avait déjà subi à cette date avec succès les essais prévus au contrat ; qu'une attestation établie par le constructeur le 6 décembre 1995 s'engageant à livrer le navire dans l'avant-dernière semaine de l'année et l'acte de vente de parts de copropriété ou quirats produit au dossier, daté du 30 décembre 1995, ne permettent pas d'établir, nonobstant la forme authentique de l'acte de vente, que le navire avait à cette date fait l'objet d'une livraison effective ; que, dans ces conditions, le navire ne pouvant être regardé comme achevé et en état de marche antérieurement au 31 décembre 1995, la recette effective de celui-ci doit être réputée intervenue postérieurement à cette date ; qu'il suit de là que l'administration était fondée à remettre en cause, au regard de la loi fiscale, la déduction opérée par M. X au titre de ses résultats de l'année 1995 de l'investissement réalisé dans l'achat de parts de copropriété du navire Viking Explorer ; que les instructions administratives du 1er septembre 1993 (4 A 2133) et du 22 octobre 1996 (4-H-3-96 n° 6) ne contiennent pas, par ailleurs, d'interprétation formelle de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application ;

En ce qui concerne l'année 1996 :

Considérant qu'aux termes de l'article 156 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 72 de la loi de finances pour 1996 : “L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé eu égard aux propriétés et aux capitaux que possèdent les membres du foyer fiscal désignés à l'article 6-1 et 3, aux professions qu'ils exercent, aux traitements, salaires, pensions et rentes viagères dont ils jouissent ainsi qu'aux bénéfices de toutes opérations lucratives auxquelles ils se livrent, sous déduction : I. Du déficit constaté pour une année dans une catégorie de revenus ; si le revenu global n'est pas suffisant pour que l'imputation puisse être intégralement opérée, l'excédent du déficit est reporté successivement sur le revenu global des années suivantes jusqu'à la cinquième année inclusivement. Toutefois, n'est pas autorisée l'imputation… 1° bis - des déficits provenant, directement ou indirectement, des activités relevant des bénéfices industriels ou commerciaux lorsque ces activités ne comportent pas la participation personnelle, continue et directe de l'un des membres du foyer fiscal à l'accomplissement des actes nécessaires à l'activité. Il en est ainsi, notamment, lorsque la gestion de l'activité est confiée en droit ou en fait à une personne qui n'est pas membre du foyer fiscal par l'effet d'un mandat, d'un contrat de travail ou de toute autre convention. Les déficits non déductibles pour ces motifs peuvent cependant être imputés sur les bénéfices tirés d'activités de même nature exercées dans les mêmes conditions, durant la même année ou les cinq années suivantes… Les dispositions du premier alinéa ne sont pas applicables au déficit ou à la fraction de déficit provenant de l'exploitation… - de biens meubles corporels acquis à l'état neuf, non encore livrés au 1er janvier 1996 et ayant donné lieu avant cette date à une commande accompagnée du versement d'acomptes au moins égaux à 50 p. 100 de leur prix…” ; qu'aux termes du III bis de l'article 238 bis HA du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la même loi de finances pour 1996 : “… les dispositions du 1° bis du I de l'article 156 ne sont pas applicables aux déficits provenant de la déduction des investissements visée au I et de leur exploitation…, et qui reçoivent un agrément préalable du ministre chargé du budget dans les conditions fixées au deuxième alinéa du III ter…” ;

Considérant qu'il est constant que M. X, qui réside dans le département d'Ille-et-Vilaine, ne participe pas de manière personnelle, continue et directe à l'exploitation du navire de pêche Viking Explorer basé à La Réunion ; que si, comme il a été dit ci-dessus, ce navire ne peut être regardé comme ayant été livré avant le 1er janvier 1996, il ne résulte pas de l'instruction que sa commande en 1995 aurait donné lieu, avant le 1er janvier 1996, au versement d'acomptes au moins égaux à 50 % de son prix ; qu'il est constant que cet investissement n'a pas fait l'objet d'un agrément préalable du ministre chargé du budget ; qu'il suit de là que les déficits nés de l'exploitation du navire en 1996 ne peuvent, au regard de la loi fiscale, être imputés sur le revenu global de M. X ; que l'instruction administrative du 14 août 1996 (BOI 4 A-7-96), qui ne déroge pas à la règle légale de livraison avant le 1er janvier 1996, ne comporte pas d'interprétation formelle différente de la loi que le contribuable pourrait utilement opposer à l'administration dès lors que le navire n'a pas été livré avant cette date ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le démarrage effectif de l'activité aurait débuté avant la fin du premier semestre 1996 au sens de l'instruction susmentionnée est inopérant ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à M. X la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jean-Pierre X et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

N° 04NT01272

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ere chambre b
Numéro d'arrêt : 04NT01272
Date de la décision : 22/05/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. GRANGE
Rapporteur ?: M. Sébastien DEGOMMIER
Rapporteur public ?: M. HERVOUET
Avocat(s) : DESURMONT

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2006-05-22;04nt01272 ?
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