Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 8 avril 2005, présentée pour M. Patrick Y, demeurant au lieudit ...), par Me Rousseau, avocat au barreau de Nantes ; M. Y demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 03-4527 du 30 septembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 août 2003 du maire de Crossac (Loire-Atlantique) accordant à M. et Mme un permis de construire pour l'édification d'une maison d'habitation au lieudit “La Ratelais” ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ledit arrêté ;
3°) de condamner la commune de Crossac à lui verser une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 mars 2006 :
- le rapport de M. Dupuy, rapporteur ;
- les observations de Me Deniau, substituant Me Rousseau, avocat de M. Y ;
- les observations de Me Henry, substituant Me Robet, avocat de la commune de Crossac ;
- et les conclusions de M. Artus, commissaire du gouvernement ;
Considérant que par jugement du 30 septembre 2004, le Tribunal administratif de Nantes a rejeté, comme irrecevable, la demande de M. Y tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 août 2003 du maire de Crossac (Loire-Atlantique) accordant à M. et Mme un permis de construire pour l'édification d'une maison d'habitation au lieudit “La Ratelais” ; que M. Y interjette appel de ce jugement ;
Sur la recevabilité de la requête :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le jugement du 30 septembre 2004 attaqué a été notifié à M. Y le 21 octobre suivant ; que le 1er décembre 2004, soit dans le délai d'appel de deux mois, l'intéressé a formé une demande d'aide juridictionnelle qui a eu pour effet de proroger ce délai qui a recommencé à courir à partir de la notification, le 7 juin 2005, de la décision du 19 mai 2005 de la section du bureau d'aide juridictionnelle de la Cour, lui allouant le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; qu'ainsi, la requête d'appel, enregistrée au greffe de la Cour le 8 avril 2005, n'était pas tardive ; qu'il suit de là, que le moyen tiré de son irrecevabilité doit être écarté ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
Considérant que pour rejeter, comme irrecevable, la demande de M. Y, le Tribunal administratif de Nantes s'est fondé sur ce que l'intéressé se bornait à se prévaloir de sa qualité d'exploitant agricole et ne justifiait pas que la construction autorisée porterait atteinte à ses intérêts à ce titre ;
Mais, considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Y est propriétaire d'une parcelle ZW 178, située à proximité du terrain d'assiette du projet autorisé ; qu'il justifiait, ainsi, d'un intérêt lui donnant qualité pour contester la légalité du permis de construire litigieux ; que, par suite, le jugement du Tribunal administratif de Nantes rejetant comme irrecevable la demande de M. Y doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu, pour la Cour, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. Y devant le Tribunal administratif de Nantes ;
Sur la légalité du permis de construire du 22 août 2003 :
Sur la légalité externe :
Considérant, en premier lieu, qu'à supposer que la parcelle cadastrée à la section ZW, sous le n° 25, destinée à accueillir le projet autorisé, ait été incluse dans une opération de remembrement décidée en 1981, et alors même qu'une telle information n'a pas figuré dans la demande de permis de construire, cette circonstance n'a pu être de nature à fausser l'appréciation portée par le maire sur la conformité de cette demande avec la réglementation applicable ;
Considérant, en deuxième lieu, que si le requérant soutient que les documents constituant le volet paysager exigé par les dispositions des 5°, 6° et 7° de l'article R. 421-2 du code de l'urbanisme n'étaient pas joints à la demande de permis de construire déposée par M. et Mme , il ressort des pièces du dossier que cette demande comportait en annexe au moins deux photographies situant le projet dans son environnement proche et lointain dont les angles de prises de vue étaient reportés sur un plan de repérage, plusieurs documents graphiques permettant de vérifier l'impact visuel du projet, ainsi qu'une notice descriptive et paysagère ; qu'ainsi, le moyen invoqué manque en fait ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du 3° de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1913 susvisée, alors en vigueur : “(…) Est considéré, pour l'application de la présente loi, comme étant situé dans le champ de visibilité d'un immeuble classé ou proposé pour le classement, tout autre immeuble, nu ou bâti, visible du premier ou visible en même temps que lui, et situé dans un périmètre n'excédant pas 500 mètres (…)” ;
Considérant que, contrairement à ce que soutient M. Y, l'architecte des bâtiments de France, qui a été consulté sur le projet litigieux, en application de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme, s'est prononcé, par son avis du 15 juillet 2003, sur la situation dudit projet dans le périmètre d'un monument classé ou inscrit, en estimant qu'il n'était pas en situation de co-visibilité avec les tombes mégalithiques de “La Barbière”, inscrites à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques ; que le requérant n'apporte aucun élément de nature à établir que le projet autorisé serait en situation de co-visibilité avec ces vestiges préhistoriques au sens des dispositions précitées de la loi du 31 décembre 1913 ; que le moyen tiré du caractère incomplet de l'avis de l'architecte des bâtiments de France et, ce faisant, du dossier de la demande de permis de construire, doit, dès lors, être écarté ;
Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes du 4° de l'article R. 421-15 du code de l'urbanisme : “Lorsque la délivrance du permis de construire aurait pour effet la création ou la modification d'un accès à une voie publique, l'autorité ou le service chargé de l'instruction de la demande consulte l'autorité ou le service gestionnaire de cette voie, sauf lorsque le plan local d'urbanisme ou le document d'urbanisme en tenant lieu réglemente de façon spécifique les conditions d'accès à ladite voie” ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté, que le projet autorisé par le permis de construire du 22 août 2003 ne comportera aucun accès à la route départementale n° 4 qui borde le terrain d'assiette, lequel ne sera accessible que par une voie communale ; que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions susmentionnées de l'article R. 421-15 du code de l'urbanisme pour défaut de consultation préalable du président du conseil général de la Loire-Atlantique est, dès lors, inopérant ; que, de même, est dépourvue d'influence sur la légalité du permis de construire contesté le moyen tiré de la dangerosité de l'accès à la route départementale n° 4, dès lors, qu'ainsi qu'il vient d'être dit, il n'existe pas d'accès direct par cette voie au terrain d'assiette du projet ;
Sur la légalité interne :
Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que la parcelle ZW 25, constituant l'assiette du projet autorisé, auparavant comprise dans la zone NAc d'urbanisation future du plan d'occupation des sols communal, a été classée en zone urbaine UC par la délibération du 12 septembre 2000 du conseil municipal de Crossac approuvant la révision dudit plan, dont le requérant excipe de l'illégalité ; que la parcelle concernée est située dans le prolongement d'une zone déjà urbanisée, qui s'étend au nord, à l'est et au sud selon un schéma de développement non linéaire, qu'elle est raccordable aux réseaux publics présents en front de parcelle et desservie par la voirie communale, contrairement aux autres parcelles incluses dans l'ancienne zone d'urbanisation future qui ont été classées en zone inconstructible, notamment, selon le rapport de présentation, “pour des problèmes de circulation (sécurité) lors des sorties sur les routes départementales (…)” ; qu'en outre, les zones de protection des espaces naturels, notamment, les zones naturelles d'intérêt écologique, faunistique et floristique, n'englobent pas le terrain d'assiette du projet ; que, dans ces conditions, le classement de la parcelle ZW 25 en zone UC n'apparaît pas d'entaché d'erreur manifeste d'appréciation et que le moyen tiré de l'illégalité, par voie d'exception, de la délibération du 12 septembre 2000 du conseil municipal de Crossac approuvant la révision du plan d'occupation des sols communal, doit être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article UC 3 du règlement du plan d'occupation des sols : “Toute autorisation peut être refusée (…) si les accès présentent un risque pour la sécurité des usagers des voies publiques ou pour celle des personnes utilisant ces accès. Cette sécurité doit être appréciée compte tenu, notamment, de la disposition des accès, de leur configuration ainsi que de la nature et de l'intensité du trafic” ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et, notamment, des plans produits, que l'accès à la construction autorisée s'effectuera, comme il est dit plus haut, non par un accès direct sur la route départementale n° 4, mais par un chemin communal, au demeurant peu fréquenté ; qu'ainsi, alors même que ce chemin communal est relié à ladite route départementale, le moyen tiré de ce que les conditions d'accès de la construction autorisée présenteraient des risques pour la sécurité, tant des personnes utilisant ces accès, que pour les usagers des voies publiques et, notamment de la route départementale, en violation des prescriptions de l'article UC 3 du règlement du plan d'occupation des sols, ne peut qu'être écarté ;
Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article UC 6-2 du règlement du plan d'occupation des sols, fixant les règles de recul des constructions pour la zone UC : “Hors agglomération : le nu des façades doit être implanté en retrait par rapport aux différentes voies dans les conditions minimales suivantes : - RD 4, 4D, 16 et 16D : 25 m par rapport à l'axe, - autres voies : 15 m de l'axe avec 5 m minimum de l'alignement” ; que l'article UC 6-3 précise : “Des implantations différentes sont possibles dans les cas suivants : (…) lorsque le projet de construction se situe en angle de voie ou qu'il existe des problèmes de visibilité sur la voie” ;
Considérant que le projet autorisé par le permis de construire contesté étant situé à l'angle de la route départementale n° 4 et d'une voie communale pouvait, en application des dispositions précitées de l'article UC 6-3, déroger aux règles d'implantation fixées à l'article UC 6-2 ; qu'un telle dérogation ne dépendait pas, contrairement à ce que soutient M. Y, exclusivement de problèmes de visibilité sur la voie, dont l'existence ouvre une possibilité de dérogation aux règles d'implantation fixées par l'article UC 6-2, distincte de celle induite par la situation du projet en angle de voie ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la demande présentée par M. Y devant le Tribunal administratif de Nantes doit être rejetée ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant, d'une part, que ces dispositions font obstacle à ce que la commune de Crossac, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à verser à l'avocat de M. Y, désigné au titre de l'aide juridictionnelle, la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Considérant, d'autre part, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces mêmes dispositions, de condamner M. Y à verser à la commune de Crossac la somme de 1 000 euros que cette dernière demande au titre des frais de même nature qu'elle a exposés ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 30 septembre 2004 du Tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. Y devant le Tribunal administratif de Nantes et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 3 : M. Y versera à la commune de Crossac une somme de 1 000 euros (mille euros) en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Patrick Y, à la commune de Crossac (Loire-Atlantique) et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.
N° 05NT00568
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