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17/04/2006 | FRANCE | N°04NT00087

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ere chambre, 17 avril 2006, 04NT00087


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 23 janvier 2004, présentée pour la société Bruno X (société à responsabilité limitée), dont le siège est 36 rue des Halles à Tours (37000), par Me Chauvin, avocat au barreau de Rennes ; La société Bruno X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 01-4039 et 01-4040 du 2 décembre 2003 par lequel le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses demandes tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt qui lui ont été assignés au titre des exe

rcices clos en 1996 et 1997 ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;

3°...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 23 janvier 2004, présentée pour la société Bruno X (société à responsabilité limitée), dont le siège est 36 rue des Halles à Tours (37000), par Me Chauvin, avocat au barreau de Rennes ; La société Bruno X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 01-4039 et 01-4040 du 2 décembre 2003 par lequel le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses demandes tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt qui lui ont été assignés au titre des exercices clos en 1996 et 1997 ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

……………………………………………………………………………………………………..

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 mars 2006 :

- le rapport de Mme Magnier, rapporteur ;

- les observations de M. X ;

- les conclusions de M. Lalauze, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que, lorsqu'il est saisi, postérieurement à la clôture de l'instruction et au prononcé des conclusions du commissaire du gouvernement, d'une note en délibéré émanant d'une des parties à l'instance, il appartient dans tous les cas au juge administratif d'en prendre connaissance avant la séance au cours de laquelle sera rendue la décision ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Bruno X a produit une note en délibéré assortie de pièces justificatives, reçue par le Tribunal administratif le 27 novembre 2003, soit avant la date de lecture du jugement attaqué ; que ladite note n'a pas été visée dans le jugement ; que, dans ces conditions, les premiers juges ne peuvent être regardés comme ayant pris connaissance de cette note ; que la société Bruno X est, par suite, fondée à soutenir que le jugement a été pris à la suite d'une procédure irrégulière et doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de la société Bruno X présentée devant le Tribunal administratif d'Orléans ;

Sur l'année 1996 :

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en 1995, la société Bruno X restait débitrice envers la banque CEPME de la somme de 545 803,12 F (83 207,15 euros) représentant le solde d'un emprunt et que cet emprunt a été totalement remboursé par un chèque émis par l'indivision successorale X en octobre 1995 ; que, suite à ce remboursement, la société Bruno X a annulé cette dette et crédité de la même somme le compte courant de M. X, son dirigeant et associé ; que l'administration a réintégré la somme en question dans le bénéfice imposable de la société, en application de l'article 38-2 du code général des impôts, au motif que l'opération constituait un abandon de créance augmentant d'autant son actif net ;

Considérant qu'il est constant que le changement du titulaire de la créance n'a pas fait l'objet d'un acte de cession de créance selon les formalités prévues par l'article 1690 du code civil ; qu'il résulte toutefois de l'instruction, et notamment de l'acte authentique de partage du 12 avril 1996, que M. X, membre de l'indivision successorale X, devait notamment recevoir la somme de 1 100 000 F ; qu'il ressort d'une attestation en date du 30 octobre 1995, émise par les notaires chargés de la succession et dont une erreur matérielle a été corrigée par une nouvelle attestation en date du 12 octobre 1999, que l'indivision a remboursé la banque au moyen d'un acompte à valoir sur les droits de M. X sur la succession ; que, dans ces conditions, la société requérante doit être regardée comme établissant que M. X a personnellement acquitté la dette sociale à l'égard de la banque sans que l'administration puisse utilement faire valoir les circonstances que l'indivision aurait procédé à la vente de SICAV pour financer le remboursement et que l'acte authentique de partage de l'indivision est postérieur au remboursement litigieux ; que cette prise en charge de la dette par M. X justifie son inscription au crédit du compte courant de l'intéressé ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête concernant cet exercice, c'est à tort que l'administration a réintégré ladite somme dans le bénéfice imposable de la société Bruno X ; que la base imposable doit, par suite, être réduite, au titre de l'exercice clos le 31 janvier 1996, de la somme de 83 207,15 euros ;

Sur l'année 1997 ;

En ce qui concerne la procédure d'imposition :

Considérant, en premier lieu, qu'aucune disposition ne fait obligation à l'administration de notifier à la société mère d'un groupe de sociétés au sens de l'article 223 A du code général des impôts, les notifications de redressements qui sont adressées à ses filiales ; que le moyen tiré par la société Bruno X de ce qu'elle n'aurait pas été rendue destinataire de la notification de redressements adressée à la société Chaussures Arnaud, sa filiale, est, par suite, sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition ; que la société requérante ne saurait utilement invoquer à cet égard l'instruction du 1er avril 1995 (13 L-1513) laquelle traitant de la procédure d'imposition ne comporte pas d'interprétation de la loi fiscale au sens de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales ;

Considérant, en second lieu, que la société Bruno X soutient qu'elle aurait fait l'objet, sans bénéficier des garanties qui lui sont attachées, d'une véritable vérification de comptabilité ; que, toutefois, il ne résulte pas de l'instruction, et notamment des termes de la réponse aux observations du contribuable adressée à la société Chaussures Arnaud en date du 30 septembre 1999 sur laquelle se fonde la société requérante, que l'administration aurait confronté sa propre comptabilité avec ses déclarations ; qu'il apparaît seulement que l'administration a examiné les comptes de la société filiale en présence du conseil des deux sociétés et de leur dirigeant commun ; que ce moyen doit, par suite, être écarté ;

En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :

Considérant qu'il est constant que la société Chaussures Arnaud, société filiale de la société Bruno X était débitrice de la société Clodic Varella d'une somme de 487 587,29 F représentant le solde d'opérations diverses de cessions de parts ; que l'administration a constaté que la société Chaussures Arnaud avait débité de cette somme le compte courant de la société Clodic Varella et crédité le compte courant de M. X de la même somme en invoquant un transfert de sa dette de la société Clodic Varella vers M. X ; que la société Bruno X, qui est redevable de l'impôt à raison des bénéfices de sa filiale, soutient que M. X, associé de la société Chaussures Arnaud, a pris à sa charge la créance litigieuse ; qu'il est toutefois constant que ce supposé transfert de créance de la société Chaussures Arnaud à M. X n'a pas fait l'objet des formalités prévues par l'article 1690 du code civil en matière de cession de créances ; que la société Bruno X ne fait état, par ailleurs, d'aucune circonstance qui établirait ledit transfert ; que si elle fait valoir qu'elle n'était pas tenue de respecter les formalités prévues par l'article 1690 du code civil, dès lors qu'elle n'entendait pas se placer sous le régime prévu par ces dispositions mais dans le cadre du paiement pour le compte d'autrui prévu par l'article 1236 du même code, elle n'établit pas davantage, en tout état de cause, avoir procédé à une telle opération ; qu'enfin, le moyen tiré par la société de ce que ses écritures commerciales sont régulières et sincères est sans portée utile, dès lors que l'administration n'a pas remis en cause lesdites écritures mais en a seulement tiré les conséquences fiscales ; que l'administration était, par suite, fondée à regarder l'opération litigieuse comme un abandon de créance ayant accru l'actif net de la société au titre de l'exercice clos le 31 janvier 1997 et à réintégrer la somme correspondante dans la base de l'impôt sur les sociétés ;

En ce qui concerne les pénalités :

Considérant que l'intérêt de retard institué par les dispositions de l'article 1727 du code général des impôts vise essentiellement à réparer les préjudices de toute nature subis par l'Etat à raison du non respect par les contribuables de leurs obligations de déclarer et payer l'impôt aux dates légales ; que si l'évolution des taux du marché a conduit à une hausse relative de cet intérêt depuis son institution, cette circonstance ne lui confère pas pour autant la nature d'une sanction, dès lors que son niveau n'est pas devenu manifestement excessif au regard du taux moyen pratiqué par les prêteurs privés pour un découvert non négocié ; qu'il s'ensuit que, contrairement à ce que soutient la société Bruno X, les intérêts de retard litigieux n'avaient pas à être motivés, y compris pour la part de leur montant excédant celui des intérêts calculés au taux légal ; que la société requérante ne saurait, par ailleurs, utilement invoquer, ni la réponse à Mme IDRAC, députée (AN 23 novembre 1998), ni celle adressée à M. VOISIN, député (AN 7 juin 1999) sur le fondement de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales, lequel ne concerne que l'assiette de l'impôt ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que la société Bruno X est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés qui lui a été assignée au titre de l'exercice clos en 1996 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de condamner l'Etat à payer à la société Bruno X une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif d'Orléans du 2 décembre 2003 est annulé.

Article 2 : La base de l'imposition à l'impôt sur les sociétés de la société à responsabilité limitée Bruno X au titre de l'exercice clos en 1996 est réduite de la somme de 83 207,15 euros (quatre-vingt-trois mille deux cent sept euros et quinze centimes).

Article 3 : La société à responsabilité limitée Bruno X est déchargée des cotisations d'impôt sur les sociétés et de la contribution additionnelle à cet impôt formant surtaxe par rapport à celles résultant de l'application de l'article 2 du présent arrêt.

Article 4 : Le surplus de la demande et des conclusions de la requête de la société à responsabilité limitée Bruno X en tant qu'il concerne l'année 1997 est rejeté.

Article 5 : L'Etat versera à la société à responsabilité limitée Bruno X une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Bruno X et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

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N° 04NT00087

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ere chambre
Numéro d'arrêt : 04NT00087
Date de la décision : 17/04/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. LEMAI
Rapporteur ?: Mme Françoise MAGNIER
Rapporteur public ?: M. LALAUZE
Avocat(s) : CHAUVIN

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2006-04-17;04nt00087 ?
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