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14/02/2006 | FRANCE | N°05NT00175

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2eme chambre, 14 février 2006, 05NT00175


Vu I) la requête enregistrée au greffe de la Cour le 27 janvier 2005, sous le n° 05NT00175, présentée pour la commune de Guichen, représentée par son maire en exercice, par Me Martin, avocat au barreau de Rennes ; la commune de Guichen demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 001304 du 2 décembre 2004 du Tribunal administratif de Rennes en tant qu'il l'a condamnée à verser à M. et Mme , la somme de 42 666,67 euros en réparation de la moitié des conséquences dommageables de l'illégalité fautive entachant l'arrêté du 20 juillet 1992 par lequel le maire de Guic

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Vu I) la requête enregistrée au greffe de la Cour le 27 janvier 2005, sous le n° 05NT00175, présentée pour la commune de Guichen, représentée par son maire en exercice, par Me Martin, avocat au barreau de Rennes ; la commune de Guichen demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 001304 du 2 décembre 2004 du Tribunal administratif de Rennes en tant qu'il l'a condamnée à verser à M. et Mme , la somme de 42 666,67 euros en réparation de la moitié des conséquences dommageables de l'illégalité fautive entachant l'arrêté du 20 juillet 1992 par lequel le maire de Guichen a accordé à ces derniers un permis de construire une maison d'habitation ;

2°) de rejeter la demande d'indemnité présentée par M. et Mme devant le Tribunal administratif de Rennes ;

3°) subsidiairement, de retenir la faute de M. et Mme , comme cause exonérant totalement la commune de toute responsabilité et de condamner l'Etat à la garantir de l'intégralité des condamnations prononcées à son encontre ;

4°) de condamner M. et Mme à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu II) la requête sous le n° 05NT00178 et le mémoire rectificatif enregistrés au greffe de la Cour, respectivement, les 1er et 4 février 2005, présentés pour M. et Mme , demeurant ... par Me X..., avocat au barreau de Rennes ; M. et Mme demandent à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 001304 du 2 décembre 2004 du Tribunal administratif de Rennes en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à leurs conclusions indemnitaires tendant à la réparation des conséquences dommageables de l'illégalité du permis de construire du 20 juillet 1992 ;

2°) de condamner la commune de Guichen à leur verser la somme de 164 253,26 euros en réparation des préjudices qu'ils ont subis ;

3°) de condamner la commune de Guichen à leur verser une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 janvier 2006 :

- le rapport de Mme Buffet, rapporteur ;

- les observations de Me Y..., substituant Me X..., avocat M. et Mme ;

- les observations de Me Donais, substituant Me Martin, avocat de la commune de Guichen ;

- et les conclusions de M. Artus, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la requête n° 04NT00175 de la commune de Guichen (Ille-et-Vilaine) et la requête n° 05NT00178 de M. et Mme sont dirigées contre un même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Considérant que par un premier arrêté du 1er décembre 1987, puis par un second arrêté du 20 juillet 1992, pris sur une nouvelle demande des intéressés à la suite de la démolition de la construction précédemment édifiée, le maire de Guichen a délivré à M. et Mme un permis de construire une maison d'habitation sur un terrain situé ..., au lieudit “Pont-Réan”, où il est cadastré à la section AB sous le numéro 190 ; que le 29 décembre 1999, le rez-de-chaussée et le garage de la maison de M. et Mme ont été inondés à la suite de la crue de la Vilaine qui a atteint la cote de 18,05 mètres ; que par jugement du 2 décembre 2004, le Tribunal administratif de Rennes a, d'une part, condamné la commune de Guichen à verser à M. et Mme la somme de 42 666,67 euros en réparation des deux tiers des conséquences dommageables de l'illégalité du permis de construire du 20 juillet 1992 précité, d'autre part, condamné l'Etat à garantir ladite commune à hauteur de 25 % de la condamnation prononcée à son encontre ; que la commune de Guichen interjette appel de ce jugement dont elle demande l'annulation ; que, pour leur part, M. et Mme interjettent appel de ce jugement dont ils demandent la réformation en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à leurs conclusions indemnitaires ;

Sur la responsabilité de la commune de Guichen :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 123-18 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date de la révision du plan d'occupation des sols de la commune de Guichen : “(…) II - Les documents graphiques font apparaître, s'il y a lieu : “1° Toute partie de zone où les nécessités du fonctionnement des services publics, de l'hygiène, de la protection contre les nuisances et de la préservation des ressources naturelles ou l'existence de risques naturels tels que : inondations, érosion, affaissements, éboulements, avalanches, justifient que soient interdites ou soumises à des conditions spéciales les constructions et installations de toute nature, permanentes ou non, les plantations, dépôts, affouillements, forages et exhaussements des sols” ; qu'aux termes de l'article R. 111-3 dudit code, alors applicable : “La construction sur des terrains exposés à un risque tel que : inondation, érosion, affaissement, éboulement, avalanche, peut, si elle est autorisée, être subordonnée à des conditions spéciales. Ces terrains sont délimités par arrêté préfectoral pris après consultation des services intéressés et enquête dans les formes prévues par le décret n° 59-701 du 6 juin 1959 relatif à la procédure d'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique et avis du conseil municipal” ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le terrain d'assiette de la construction autorisée par l'arrêté du 20 juillet 1992 du maire de Guichen, compte tenu de sa situation à une distance de seulement 100 mètres environ de la Vilaine, le plaçant dans le champ d'expansion des crues de cette rivière, se trouve exposé à un fort risque d'inondation ;

Considérant qu'il est constant que les documents graphiques annexés au plan d'occupation des sols de la commune de Guichen, approuvé le 4 mars 1985, ne font pas apparaître l'existence d'un tel risque dans la zone où se situe ledit terrain ; qu'ainsi, ledit plan d'occupation des sols sur la base duquel le permis de construire du 20 juillet 1992 a été délivré à M. et Mme est entaché d'illégalité au regard des dispositions de l'article R. 123 ;18 du code de l'urbanisme ; que, dès lors, le permis du 20 juillet 1992 est entaché d'illégalité pour ce premier motif ;

Considérant que l'absence de délimitation, dans les conditions prévues par le second alinéa de l'article R. 111-3 précité du code de l'urbanisme, d'une zone de risque d'inondation ne fait pas obstacle à ce que la délivrance d'un permis pour une construction effectivement exposée à un tel risque soit subordonnée au respect de conditions spéciales ; qu'il est constant que le permis de construire du 20 juillet 1992 ne comportait aucune prescription particulière de nature à prévenir le risque d'inondation auquel se trouve exposé ledit terrain ; qu'il s'ensuit que l'arrêté du 20 juillet 1992 du maire de Guichen a été pris en méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 111- 3 du code de l'urbanisme et est entaché d'illégalité pour ce second motif ;

Considérant que l'illégalité du permis de construire du 20 juillet 1992 constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Guichen à l'égard de M. et Mme ; que ces derniers, qui ont fait édifier leur maison en se conformant à la cote de 17,75 mètres dont faisait mention le permis de construire du 1er décembre 1987 sus-évoqué qui leur avait été initialement délivré et, ce faisant, doivent être regardés comme ayant pu considéré qu'ils s'étaient valablement prémunis contre le risque d'inondation, n'ont, contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal administratif de Rennes, commis aucune faute de nature à atténuer la responsabilité de la commune de Guichen ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, d'une part, que la commune de Guichen n'est fondée à soutenir, ni qu'elle n'aurait commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité envers M. et Mme , ni que ces derniers auraient adopté un comportement fautif de nature à l'exonérer même partiellement de sa responsabilité, d'autre part, que ces derniers sont fondés à demander que ladite commune soit déclarée entièrement responsable des conséquences dommageables de l'illégalité fautive entachant le permis de construire du 20 juillet 1992 ;

Sur le préjudice :

Considérant qu'eu égard, d'une part, à l'évaluation notariale de la maison d'habitation de M. et Mme établie en 2000, ainsi qu'aux prix de vente de maisons situées dans le même secteur et présentant des caractéristiques comparables à celle des intéressés, d'autre part, à l'importance des désordres causés par les inondations de la Vilaine à la propriété des requérants et aux inconvénients qui en sont résultés pour eux, le tribunal administratif n'a fait une appréciation, ni insuffisante, ni exagérée, des circonstances de l'espèce en évaluant à la somme totale de 62 000 euros les préjudices subis par M. et Mme au titre de la perte de valeur vénale de leur maison d'habitation et des troubles apportés dans leurs conditions d'existence, lesquels incluent les troubles de jouissance ; que, de même, en l'absence de justificatifs précis des aménagements extérieurs réalisés par les intéressés avant les inondations de 1999, le Tribunal administratif de Rennes a fait une exacte appréciation des circonstances de l'espèce en évaluant à 2 000 euros les préjudices subis par M. et Mme au titre des dégâts extérieurs causés à leur habitation et non indemnisés par leur compagnie d'assurance ;

Considérant, enfin, que M. et Mme , qui ne justifient pas d'un lien direct de causalité entre la diminution du chiffre d'affaires du commerce exploité, à Bruz, par M. et les inondations causées à leur maison d'habitation, ne peuvent prétendre à une indemnisation à ce titre ;

Sur les conclusions de la commune de Guichen tendant à obtenir la garantie de l'Etat :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 421-2-6 du code de l'urbanisme dans sa rédaction issue de la loi 83-8 du 7 janvier 1983 : “Le maire ou le président de l'établissement public compétent peut disposer gratuitement et en tant que de besoin des services extérieurs de l'Etat pour instruire les demandes de permis de construire sur lesquelles il a compétence pour statuer. Pendant la durée de cette mise à disposition, les services et les personnels agissent en concertation permanente avec le maire ou le président de l'établissement public qui leur adresse toutes instructions nécessaires pour l'exécution des tâches qu'il leur confie” ; qu'il résulte de ces dispositions que les services de la direction départementale de l'équipement mis à la disposition gratuite de la commune pour l'instruction des permis de construire, agissent sous l'autorité du maire qui leur adresse toutes instructions nécessaires pour l'exécution des tâches qui leur sont ainsi confiées ; que la responsabilité de l'Etat ne peut, en ce cas, être engagée envers la commune que lorsqu'un agent de l'Etat commet une faute en refusant ou en négligeant d'exécuter un ordre ou une instruction du maire ; que la commune de Guichen n'établit, ni même n'allègue, qu'un agent de l'Etat aurait commis une faute de cette nature ; que, par suite, c'est à bon droit que le Tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de la commune de Guichen tendant à la condamnation de l'Etat à la garantir, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 421-2-6 du même code, des condamnations prononcées contre elle ;

Considérant, d'autre part, que le préfet d'Ille-et-Vilaine, en ne mettant pas en oeuvre, dans le secteur concerné par la construction autorisée, à la date de la délivrance du permis litigieux, la procédure de délimitation des zones exposées à des risques naturels prévue par les dispositions précitées de l'article R. 111-3 du code de l'urbanisme, a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard de la commune de Guichen ; qu'il n'est pas contesté, toutefois, que ladite commune avait connaissance du caractère inondable dudit secteur, lequel, s'il n'était pas mentionné dans le plan d'occupation des sols approuvé par délibération du conseil municipal du 4 mars 1985, apparaissait dans le plan d'occupation des sols communal approuvé par arrêté préfectoral du 23 novembre 1979 et avait conduit le maire à assortir le permis de construire du 1er décembre 1987 d'une prescription relative à l'implantation de la construction autorisée à une cote de 17,75 mètres ; qu'ainsi, en fixant au quart la part de responsabilité de l'Etat à raison de son manquement aux obligations prévues par les dispositions de l'article R. 111-3 précité et en condamnant celui-ci à garantir la commune de Guichen dans cette proportion, le Tribunal administratif de Rennes n'a pas fait une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce ; que, dans ces conditions, les conclusions de la commune de Guichen tendant à être garantie par l'Etat dans une plus grande proportion doivent être rejetées ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que la commune de Guichen n'est la somme de 42 666,67 euros en réparation des deux tiers des conséquences dommageables de l'illégalité du permis de construire du 20 juillet 1992 et a condamné l'Etat à la garantir de 25 % de la condamnation prononcée à son encontre, d'autre part, que M. et Mme sont fondés à demander la réformation de ce jugement en ce qu'il n'a pas condamné la commune de Guichen à leur verser la somme de 64 000 euros en réparation de leurs préjudices ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant, d'une part, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de condamner la commune de Guichen à verser à M. et Mme une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Considérant, d'autre part, que ces mêmes dispositions font obstacle à ce que M. et Mme , qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, soient condamnés à verser à la commune de Guichen la somme que cette dernière demande au titre des frais de même nature qu'elle a exposés ;

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 42 666,67 euros (quarante deux mille six cent soixante six euros soixante sept centimes) que, par le jugement du 2 décembre 2004 du Tribunal administratif de Rennes, la commune de Guichen a été condamnée à verser à M. et Mme , est portée à celle de 64 000 euros (soixante quatre mille euros).

Article 2 : Le jugement du 2 décembre 2004 du Tribunal administratif de Rennes est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La requête de la commune de Guichen est rejetée.

Article 4 : La commune de Guichen versera à M. et Mme une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Guichen (Ille-et-Vilaine), à M. et Mme et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.

N°s 05NT00175 et 05NT00178

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2eme chambre
Numéro d'arrêt : 05NT00175
Date de la décision : 14/02/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DUPUY
Rapporteur ?: Mme Catherine BUFFET
Rapporteur public ?: M. ARTUS
Avocat(s) : COUDRAY ; COUDRAY ; COUDRAY ; COUDRAY ; COUDRAY ; COUDRAY ; COUDRAY

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2006-02-14;05nt00175 ?
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