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14/02/2006 | FRANCE | N°05NT00123

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2eme chambre, 14 février 2006, 05NT00123


Vu I) la requête enregistrée au greffe de la Cour le 24 janvier 2005, sous le n° 05NT00123, présentée pour la commune de Guichen (IIle-et-Vilaine), représentée par son maire en exercice, par Me Martin, avocat au barreau de Rennes ; la commune de Guichen demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 001292 du 2 décembre 2004 du Tribunal administratif de Rennes en tant qu'il l'a condamnée à verser à M. et Mme la somme de 26 666,67 euros en réparation des conséquences dommageables de l'illégalité fautive entachant l'arrêté du 27 novembre 1989 par lequel le maire de G

uichen a accordé à ces derniers un permis de construire une maison d'habi...

Vu I) la requête enregistrée au greffe de la Cour le 24 janvier 2005, sous le n° 05NT00123, présentée pour la commune de Guichen (IIle-et-Vilaine), représentée par son maire en exercice, par Me Martin, avocat au barreau de Rennes ; la commune de Guichen demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 001292 du 2 décembre 2004 du Tribunal administratif de Rennes en tant qu'il l'a condamnée à verser à M. et Mme la somme de 26 666,67 euros en réparation des conséquences dommageables de l'illégalité fautive entachant l'arrêté du 27 novembre 1989 par lequel le maire de Guichen a accordé à ces derniers un permis de construire une maison d'habitation ;

2°) de rejeter la demande d'indemnité présentée par M. et Mme devant le Tribunal administratif de Rennes ;

3°) subsidiairement, de retenir la faute de M. et Mme comme cause exonérant totalement la commune de toute responsabilité et de condamner l'Etat à la garantir de l'intégralité des condamnations prononcées à son encontre ;

4°) de condamner M. et Mme à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

……………………………………………………………………………………………………...

Vu II) la requête enregistrée au greffe de la Cour le 31 janvier 2005, sous le n° 05NT00176, présentée pour Mme A... , X demeurant ..., Mme Y... , demeurant ..., M. Z... , demeurant ... et Mme X... , demeurant ..., par Me Coudray, avocat au barreau de Rennes ; les consorts demandent à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 001292 du 2 décembre 2004 du Tribunal administratif de Rennes en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à leurs conclusions indemnitaires tendant à la réparation des conséquences dommageables de l'illégalité de l'arrêté du 27 novembre 1989 par lequel le maire de Guichen leur a accordé un permis de construire une maison d'habitation ;

2°) de condamner la commune de Guichen à leur verser la somme de 40 000 euros en réparation des préjudices qu'ils ont subis ;

3°) de condamner la commune de Guichen à leur verser une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

…………………………………………………………………………………………………….

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 janvier 2006 :

- le rapport de Mme Buffet, rapporteur ;

- les observations de Me Guillon, substituant Me Coudray, avocat des consorts ;

- les observations de Me Donais, substituant Me Martin, avocat de la commune de Guichen ;

- et les conclusions de M. Artus, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la requête n° 05NT00123 de la commune de Guichen (Ille-et-Vilaine) et la requête n° 05NT00176 des consorts sont dirigées contre un même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Considérant que par arrêté du 27 novembre 1989, le maire de Guichen a délivré à M. et Mme un permis de construire une maison d'habitation sur un terrain situé ..., au lieudit “Pont-Réan”, où il est cadastré à la section AB sous le n° 191 ; que le 29 décembre 1999, le rez-de-chaussée et le garage de la maison de M. et Mme , ont été inondés à la suite de la crue de la Vilaine qui a atteint la cote de 18,05 mètres ; que par jugement du 2 décembre 2004, le Tribunal administratif de Rennes a, d'une part, condamné la commune de Guichen à verser à M. et Mme la somme de 26 666,67 euros en réparation des deux tiers des conséquences dommageables de l'illégalité du permis de construire du 27 novembre 1989 précité, d'autre part, condamné l'Etat à garantir ladite commune de 25 % de la condamnation prononcée à son encontre ; que la commune de Guichen interjette appel de ce jugement dont elle demande l'annulation ; que, pour leur part, les consorts demandent la réformation de ce même jugement en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à leurs conclusions indemnitaires ;

Sur la responsabilité de la commune de Guichen :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 123-18 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date de la révision du plan d'occupation des sols de la commune de Guichen : “(…) II - Les documents graphiques font apparaître, s'il y a lieu : “1° Toute partie de zone où les nécessités du fonctionnement des services publics, de l'hygiène, de la protection contre les nuisances et de la préservation des ressources naturelles ou l'existence de risques naturels tels que : inondations, érosion, affaissements, éboulements, avalanches, justifient que soient interdites ou soumises à des conditions spéciales les constructions et installations de toute nature, permanentes ou non, les plantations, dépôts, affouillements, forages et exhaussements des sols” ; qu'aux termes de l'article R. 111-3 dudit code, alors applicable : “La construction sur des terrains exposés à un risque tel que : inondation, érosion, affaissement, éboulement, avalanche, peut, si elle est autorisée, être subordonnée à des conditions spéciales. Ces terrains sont délimités par arrêté préfectoral pris après consultation des services intéressés et enquête dans les formes prévues par le décret n° 59-701 du 6 juin 1959 relatif à la procédure d'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique et avis du conseil municipal.” ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le terrain dont M. et Mme sont propriétaires et pour lequel ils ont obtenu, par arrêté du 27 novembre 1989 du maire de Guichen, l'autorisation de construire leur maison d'habitation, compte tenu de sa situation à une distance de seulement 100 mètres environ de la Vilaine, le plaçant dans le champ d'expansion des crues de cette rivière, se trouve exposé à un fort risque d'inondation ; qu'il est constant que les documents graphiques annexés au plan d'occupation des sols de la commune de Guichen approuvé le 4 mars 1985 ne font pas apparaître l'existence d'un tel risque dans la zone où se situe ledit terrain ; qu'ainsi, le plan d'occupation des sols du 4 mars 1985 de la commune de Guichen est entaché d'illégalité au regard des dispositions de l'article R. 123-18 du code de l'urbanisme ; que le permis de construire du 27 novembre 1989 délivré aux intéressés sur le fondement de ce plan d'occupation des sols illégal, est lui-même entaché d'illégalité ; que cette illégalité est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Guichen à l'égard de M. et Mme ; qu'à supposer même que ces derniers aient eu connaissance du risque d'inondation auquel était exposé le terrain en cause, ils doivent être regardés comme ayant pu considéré qu'ils s'étaient valablement prémunis contre ce risque en ayant respecté la cote de 17,75 mètres prescrite par le permis du 27 novembre 1989 ; que, dans ces conditions, contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal administratif de Rennes, M. et Mme n'ont commis aucune faute de nature à atténuer la responsabilité de la commune de Guichen ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, d'une part, que la commune de Guichen n'est fondée à soutenir, ni qu'elle n'aurait commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité envers M. et Mme , ni que ces derniers auraient commis une faute de nature à l'exonérer même partiellement de sa responsabilité, d'autre part, que ces derniers sont fondés à demander que ladite commune soit déclarée entièrement responsable des conséquences dommageables de l'illégalité fautive entachant le permis de construire du 27 novembre 1989 ;

Sur le préjudice :

Considérant qu'eu égard à l'évaluation notariale de la maison d'habitation de M. et Mme établie en 1998, ainsi qu'aux prix de vente de maisons situées dans le même secteur et présentant des caractéristiques comparables à celle des intéressés, les premiers juges n'ont fait une appréciation, ni insuffisante, ni exagérée, des circonstances de l'espèce en évaluant à 40 000 euros le préjudice subi par les requérants au titre de la perte de valeur vénale de leur maison d'habitation ;

Considérant qu'il suit de là que M. et Mme sont fondés à demander que la commune de Guichen soit condamnée à leur verser la somme précitée de 40 000 euros en réparation des conséquences dommageables de l'illégalité fautive entachant le permis de construire du 27 novembre 1989 ;

Sur les conclusions de la commune de Guichen tendant à obtenir la garantie de l'Etat :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 421-2-6 du code de l'urbanisme dans sa rédaction issue de la loi 83-8 du 7 janvier 1983 : “Le maire ou le président de l'établissement public compétent peut disposer gratuitement et en tant que de besoin des services extérieurs de l'Etat pour instruire les demandes de permis de construire sur lesquelles il a compétence pour statuer. Pendant la durée de cette mise à disposition, les services et les personnels agissent en concertation permanente avec le maire ou le président de l'établissement public qui leur adresse toutes instructions nécessaires pour l'exécution des tâches qu'il leur confie” ; qu'il résulte de ces dispositions que les services de la direction départementale de l'équipement mis à la disposition gratuite de la commune pour l'instruction des permis de construire, agissent sous l'autorité du maire qui leur adresse toutes instructions nécessaires pour l'exécution des tâches qui leur sont ainsi confiées ; que la responsabilité de l'Etat ne peut, en ce cas, être engagée envers la commune que lorsqu'un agent de l'Etat commet une faute en refusant ou en négligeant d'exécuter un ordre ou une instruction du maire ; que la commune de Guichen n'établit, ni même n'allègue, qu'un agent de l'Etat aurait commis une faute de cette nature ; que, par suite, c'est à bon droit que le Tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de la commune de Guichen tendant à la condamnation de l'Etat à la garantir, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 421-2-6 du même code, des condamnations prononcées contre elle ;

Considérant, d'autre part, que le préfet d'Ille-et-Vilaine, en ne mettant pas en oeuvre, dans le secteur concerné par la construction autorisée, à la date de la délivrance du permis litigieux, la procédure de délimitation des zones exposées à des risques naturels prévue par les dispositions précitées de l'article R. 111-3 du code de l'urbanisme, a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard de la commune de Guichen ; qu'il n'est pas contesté, toutefois, que ladite commune avait connaissance du caractère inondable dudit secteur, lequel, s'il n'était pas mentionné dans le plan d'occupation des sols approuvé par délibération du conseil municipal du 4 mars 1985, apparaissait dans le plan d'occupation des sols communal approuvé par arrêté préfectoral du 23 novembre 1979 et avait conduit le maire à assortir le permis de construire du 27 novembre 1989 d'une prescription relative à l'implantation de la construction autorisée à une cote de 17,75 mètres ; qu'ainsi, en fixant au quart la part de responsabilité de l'Etat à raison de son manquement aux obligations prévues par les dispositions de l'article R. 111-3 précité et en condamnant celui-ci à garantir la commune de Guichen dans cette proportion, le Tribunal administratif de Rennes n'a pas fait une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce ; que, dans ces conditions, les conclusions de la commune de Guichen tendant à être garantie par l'Etat dans une plus grande proportion doivent être rejetées ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que la commune de Guichen n'est la somme de 26 666,67 euros en réparation des deux tiers des conséquences dommageables de l'illégalité du permis de construire du 27 novembre 1989 précité et a condamné l'Etat à la garantir de 25 % de la condamnation prononcée à son encontre, d'autre part, que M. et Mme sont fondés à demander la réformation de ce jugement en ce qu'il n'a pas condamné la commune de Guichen à leur verser la somme de 40 000 euros en réparation de leur préjudice ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant, d'une part, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de condamner la commune de Guichen à verser à M. et Mme une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Considérant, d'autre part, que ces mêmes dispositions font obstacle à ce que à M. et Mme , qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnés à verser à la commune de Guichen la somme que cette dernière demande au titre des frais de même nature qu'elle a exposés ;

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 26 666,67 euros (vingt six mille six cent soixante six euros soixante sept centimes) que, par le jugement du 2 décembre 2004 du Tribunal administratif de Rennes, la commune de Guichen a été condamnée à verser à M. et Mme , est portée à celle de 40 000 euros (quarante mille euros).

Article 2 : Le jugement du 2 décembre 2004 du Tribunal administratif de Rennes est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La requête de la commune de Guichen est rejetée.

Article 4 : La commune de Guichen versera aux consorts une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Guichen (Ille-et-Vilaine), à Mme A... , à Mme Y... , à M. Z... , à Mme X... et au ministre de transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.

N°s 05NT00123 et 05NT00176

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2eme chambre
Numéro d'arrêt : 05NT00123
Date de la décision : 14/02/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DUPUY
Rapporteur ?: Mme Catherine BUFFET
Rapporteur public ?: M. ARTUS
Avocat(s) : COUDRAY ; COUDRAY ; COUDRAY ; COUDRAY ; COUDRAY ; COUDRAY ; COUDRAY

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2006-02-14;05nt00123 ?
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