Vu la requête, enregistrée le 10 janvier 2001, présentée pour la société civile d'exploitation agricole (SCEA) du Rond, dont le siège est La ferme du Rond à Vallenay (18190), représentée par son gérant en exercice, par Me X... ; La SCEA du Rond demande à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 99-1276 du 17 octobre 2000 par laquelle le président de la 3ème chambre du Tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet du Cher en date du 4 février 1999 rejetant sa demande d'aide compensatoire aux surfaces cultivées pour la campagne 1998-1999 ;
2°) d'annuler ladite décision ;
3°) d'enjoindre au préfet du Cher de statuer sur sa demande d'aide compensatoire et d'y faire droit ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 15 000 F au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le règlement (CEE) n° 1765/92 du Conseil des communautés européennes du 30 juin 1992 ;
Vu le code de justice administrative et le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 janvier 2006 :
- le rapport de M. d'Izarn de Villefort, rapporteur ;
- les observations de Me Y..., substituant la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de SCEA du Rond ;
- les conclusions de M. Millet, commissaire du gouvernement ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, pour notifier à la société civile d'exploitation agricole (SCEA) du Rond la décision attaquée en date du 4 février 1999, le préfet du Cher lui en a adressé un exemplaire par un pli recommandé qui lui a été retourné ; que si la liasse du formulaire d'envoi en recommandé mentionnait que le pli avait été présenté le 6 février 1999, elle comportait toujours l'avis de passage destiné à être détaché par le préposé pour être mis dans la boîte aux lettres du destinataire, afin de l'informer de la présentation du pli en son absence ; que la SCEA du Rond a, en revanche, accusé réception le 16 avril 1999 d'un deuxième envoi en recommandé de la même décision dont la notification régulière n'est donc intervenue qu'à cette date ; qu'elle a contesté cette décision devant le Tribunal administratif d'Orléans en présentant une demande enregistrée le 10 juin 1999, soit dans le délai de recours prévu par l'article R.102 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel alors en vigueur ; qu'ainsi, la SCEA du Rond est fondée à soutenir que c'est à tort que, faisant droit à la fin de non-recevoir opposée par le préfet du Cher, le président de la 3ème chambre du Tribunal administratif d'Orléans a, par l'ordonnance du 17 octobre 2000 dont elle relève appel, jugé que sa demande était tardive ; que cette ordonnance doit être annulée du fait de cette irrégularité ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SCEA du Rond devant le Tribunal administratif d'Orléans ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
Considérant qu'il résulte des dispositions du règlement (CEE) n°1765/92 du Conseil des communautés européennes du 30 juin 1992 que, pour les producteurs ayant opté pour le régime général de paiement compensatoire, le gel de terres est une condition nécessaire à l'éligibilité de leurs surfaces cultivées au versement de paiements compensatoires ; qu'il ressort des pièces du dossier que la SCEA du Rond a déposé le 27 avril 1998 auprès des services de la direction départementale de l'agriculture et de la forêt du Cher une déclaration de surfaces pour l'année 1998, la superficie déclarée atteignant 193 ha 24 a, dont 56 ha 32 de surfaces gelées ; que cette déclaration indiquait que la parcelle cadastrée B 185 sise à Vallenay, d'une superficie de 18 ha 15, était ensemencée en orge de printemps ; que, dès le 19 mai 1998 cependant, la société exploitante a fait parvenir à l'administration une modification de sa déclaration, retirant cinq parcelles des surfaces déclarées initialement, dont la totalité des surfaces gelées, reprises par un autre exploitant en vertu d'un contrat de bail, enregistré ultérieurement le 27 mai 1998 mais dont le principe et la conclusion étaient acquis depuis le début de l'année ; que cette nouvelle déclaration maintenait en outre partiellement la nature de la parcelle cadastrée B 185 en culture d'orge de printemps, en y réservant cependant une surface gelée de 3,75 ha ;
Considérant que l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée, est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision ; qu'il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif ; que dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué ;
Considérant que la décision attaquée du 4 février 1999 par laquelle le préfet du Cher a refusé de faire bénéficier la SCEA du Rond d'aide compensatoire aux surfaces cultivées pour la campagne 1998-1999 vise la déclaration modificative susmentionnée qu'elle avait adressée le 19 mai 1998 et est fondée sur le motif tiré de ce que cette modification retire des surfaces éligibles la totalité des parcelles en gel ; que, comme il a été dit, ce document réservait, au sein de la parcelle B 185 exploitée par la demanderesse, une surface de 3,75 ha en nature de gel ; qu'ainsi, la décision du 4 février 1999 repose sur un motif erroné en fait ;
Considérant que, pour établir la légalité de la décision attaquée, l'administration invoque en défense un nouveau motif tiré de ce que la modification de la déclaration de surfaces présentée par la SCEA du Rond pour l'année 1998 ne pouvait être admise sur le fondement de l'article 4 du règlement (CEE) n° 3887/92 de la commission du 23 décembre 1992 ; qu'aux termes de cet article, dans sa rédaction résultant de l'article 1er du règlement (CEE) n° 229/95 du 3 février 1995 : …2 a/ Après la date limite pour son introduction, la demande d'aide surfaces peut être modifiée à condition que les autorités compétentes reçoivent les modifications au plus tard aux dates visées aux articles 10, 11 et 12 du règlement (CEE) n° 1765/92 du Conseil. En ce qui concerne les parcelles agricoles, les modifications ne peuvent être apportées à la demande d'aides surfaces que dans des cas particuliers dûment justifiés comme, notamment, le décès, le mariage, l'achat ou la vente, la conclusion d'un contrat de location. Les Etats membres déterminent les conditions y relatives. Toutefois, une parcelle faisant l'objet d'un gel de terres ou de superficies fourragères ne peut être ajoutée aux parcelles déjà déclarées, sauf dans des cas dûment justifiés en conformité avec les dispositions concernées, à condition que cette parcelle soit déjà reprise en tant que gel de terres ou superficies fourragères dans une demande d'aides d'un autre exploitant, cette dernière demande d'aides étant corrigée en conséquence… ;
Considérant néanmoins qu'aux termes de l'article 5 bis du même règlement, dans sa rédaction issue du règlement susmentionné du 3 février 1995 : Sans préjudice des dispositions prévues aux articles 4 et 5, une demande d'aides peut être adaptée à tout moment après son introduction en cas d'erreur manifeste reconnue par l'autorité compétente. ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la totalité des surfaces gelées retirées par la SCEA du Rond de sa déclaration de surfaces présentée initialement ont été reprises par un autre exploitant en vertu d'un contrat de bail, enregistré ultérieurement le 27 mai 1998 mais dont le principe et la conclusion étaient acquis depuis le début de l'année ; que sa déclaration de surfaces modificative mentionnait que c'est par erreur qu'elle avait omis d'indiquer que la parcelle B 185 serait en partie gelée ; qu'elle justifie en appel de ce qu'une surface de 3,75 ha de cette parcelle, en jachère depuis la moisson précédente, n'a été ni affectée par les travaux agricoles effectués au cours du mois de janvier 1998 sur cette partie de l'exploitation, ni ensemencée au printemps ; qu'elle se trouvait toujours en jachère au cours du mois de juillet 1998 ; qu'ainsi, les dispositions de l'article 5 bis du règlement du 23 décembre 1992 autorisaient la SCEA du Rond à adapter sa demande d'aides à tout moment en raison de l'erreur manifeste commise qu'il appartenait au préfet du Cher de reconnaître ; qu'il suit de là que le nouveau motif invoqué par l'administration ne peut légalement justifier la décision attaquée ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la décision du 4 février 1999 par laquelle le préfet du Cher a refusé à la SCEA du Rond de la faire bénéficier d'aide compensatoire aux surfaces cultivées pour la campagne 1998-1999 doit être annulée ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant qu'eu égard aux motifs du présent arrêt, l'exécution de celui-ci n'implique pas nécessairement pour le préfet du Cher de faire droit à la demande d'aide compensatoire formulée par la SCEA du Rond mais seulement d'y statuer à nouveau ; qu'une injonction en ce sens doit donc lui être adressée dans un délai de deux mois ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de condamner l'Etat à payer à la SCEA du Rond une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par celle-ci et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'ordonnance en date du 17 octobre 2000 du président de la 3ème chambre du Tribunal administratif d'Orléans, ensemble la décision en date du 4 février 1999 par laquelle le préfet du Cher a refusé à la société civile d'exploitation agricole du Rond de la faire bénéficier d'aide compensatoire aux surfaces cultivées pour la campagne 1998-1999 sont annulées.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Cher de statuer sur la demande d'aide compensatoire formulée par la société civile d'exploitation agricole du Rond, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société civile d'exploitation agricole du Rond est rejeté.
Article 4 : L'Etat versera à la société civile d'exploitation agricole du Rond une somme de 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile d'exploitation agricole du Rond et au ministre de l'agriculture et de la pêche.
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N° 05NT01428
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