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30/01/2006 | FRANCE | N°03NT00458

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre b, 30 janvier 2006, 03NT00458


Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour le 24 mars 2003, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 9804990 en date du 15 octobre 2002 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a prononcé la décharge des cotisations de taxe forestière mises à la charge de la SA AD Production ;

2°) de remettre à la charge de la SA AD Production les cotisations de taxe forestière dont la décharge a été ordonnée par le t

ribunal administratif, au titre de la période du 1er mai 1993 au 31 juillet 19...

Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour le 24 mars 2003, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 9804990 en date du 15 octobre 2002 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a prononcé la décharge des cotisations de taxe forestière mises à la charge de la SA AD Production ;

2°) de remettre à la charge de la SA AD Production les cotisations de taxe forestière dont la décharge a été ordonnée par le tribunal administratif, au titre de la période du 1er mai 1993 au 31 juillet 1994 ;

……………………………………………………………………………………………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu le code forestier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 janvier 2006 :

- le rapport de M. Degommier, rapporteur ;

- et les conclusions de M. Hervouet, commissaire du gouvernement ;

Sur la fin de non-recevoir opposée en défense :

Considérant qu'aux termes de l'article R.200-18 du livre des procédures fiscales : “A compter de la notification du jugement du tribunal administratif qui a été faite au directeur du service de l'administration des impôts… qui a suivi l'affaire, celui-ci dispose d'un délai de deux mois pour transmettre, s'il y a lieu, le jugement et le dossier au ministre chargé du budget. Le délai imparti pour saisir la cour administrative d'appel court, pour le ministre, de la date à laquelle expire le délai de transmission prévu à l'alinéa précédent ou de la date de la signification faite au ministre” ; que le jugement attaqué a été notifié au directeur du contrôle fiscal ouest le 29 novembre 2002 ; que le recours du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, contenant l'exposé de conclusions et de moyens, a été adressé par télécopie, enregistrée au greffe de la Cour le 24 mars 2003, soit dans le délai prévu par les dispositions de l'article R.200-18 du livre des procédures fiscales ; qu'il a été régularisé le 31 mars 2003 par le dépôt d'un exemplaire original ; que, dès lors, contrairement à ce que soutient la SA AD Production, le recours est recevable ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article 9, devenu article 23, du traité instituant la Communauté européenne : “I - La Communauté est fondée sur une union douanière qui s'étend à l'ensemble des échanges de marchandises et qui comporte l'interdiction entre les États membres des droits de douane à l'importation et à l'exportation et de toutes taxes d'effet équivalent…” ; qu'aux termes de l'article 12, devenu article 25, du même traité : “Les États membres s'abstiennent d'introduire entre eux de nouveaux droits de douane à l'importation et à l'exportation ou taxes d'effet équivalent…” ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 95, devenu article 90, dudit traité : “Aucun État membre ne frappe directement ou indirectement les produits des autres États membres d'impositions intérieures, de quelque nature qu'elles soient supérieures à celles qui frappent directement ou indirectement les produits nationaux similaires” ;

Considérant par ailleurs qu'aux termes de l'article 1609 sexdecies du code général des impôts, alors applicable : “I. Il est institué une taxe forestière sur les sciages, éléments de charpente, menuiseries industrielles du bâtiment, parquets, lambris, moulures, baguettes, bois de placage, bois contre ;plaqués, panneaux, palettes, emballages en bois, papiers et cartons fabriqués faisant l'objet d'une acquisition intracommunautaire ou importés en France métropolitaine.(...) III. Le produit de cette taxe est versé au compte spécial du Trésor intitulé : “Fonds forestier national”. IV. 1. La taxe forestière est due en France métropolitaine par les entreprises qui fabriquent et par les personnes qui importent un des produits énumérés au I ou qui réalisent des acquisitions intracommunautaires portant sur ces mêmes produits. 2. (...) Pour les produits fabriqués en France, le fait générateur de la taxe est constitué soit par leur livraison en France métropolitaine, soit par leur utilisation (…) Pour les acquisitions intracommunautaires, l'assiette de la taxe est constituée par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le vendeur de la part de l'acheteur. La taxe est due lors de l'acquisition. La taxe est constatée dans les conditions définies à l'article 287 et recouvrée avec les sanctions et garanties prévues à l'article 1697. 3. Pour les produits importés, le fait générateur de la taxe est constitué par l'importation. La taxe est assise et recouvrée par le service des douanes selon les mêmes règles, sous les mêmes garanties et les mêmes sanctions qu'en matière douanière. (...)” ;

Considérant que constitue une taxe d'effet équivalent à un droit de douane, au sens des stipulations précitées du Traité, toute charge unilatéralement imposée, quelles que soient son appellation et sa technique, et frappant les marchandises en raison du fait qu'elles franchissent la frontière ; qu'il en va de même lorsque les ressources procurées par une taxe, frappant simultanément les produits nationaux ou importés ou issus d'une acquisition intracommunautaire, sont ensuite affectées de manière à compenser intégralement la charge supportée par les seuls produits nationaux ;

Considérant que la taxe forestière frappe de la même manière les produits visés au I de l'article 1609 sexdecies précité, fabriqués en France, importés ou faisant l'objet d'une acquisition intracommunautaire ; que le produit de cette taxe est affecté au compte spécial du Trésor “Fonds forestier national” ; que les actions financées par ce fonds, et définies notamment par les articles L.531-1, R.532-1 et suivants du code forestier, visent à assurer l'organisation de travaux de boisement et reboisement, la mise en valeur et la conservation de terrains boisés, la meilleure utilisation des produits de la forêt et en général, tout ce qui a pour but d'accroître les ressources forestières et de faciliter l'écoulement des produits forestiers ; que ces actions ne bénéficient pas aux entreprises du secteur du travail mécanique du bois dont les produits constituent l'assiette de la taxe forestière ; qu'ainsi les actions financées par le Fonds forestier national grâce au produit de la taxe forestière ne peuvent être regardées comme une compensation intégrale, ni même partielle des charges subies par les redevables de la taxe ; que, dans ces conditions, la taxe forestière contestée ne peut être regardée comme ayant un effet équivalent à un droit de douane au sens des stipulations précitées du traité instituant la Communauté européenne ;

Considérant dès lors que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur ce que la taxe forestière constitue une taxe d'effet équivalent à un droit de douane pour ordonner la décharge des rappels de ladite taxe auxquels la société AD Production a été assujettie ;

Considérant qu'il y a lieu néanmoins pour la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen invoqué par la SA AD Production devant le tribunal administratif ;

Considérant que l'article 1609 sexdecies précité du code général des impôts dispose, en son IV, 2, que “Toutefois, les livraisons de produits énumérés au I faites en France à des exportateurs ou à des personnes qui effectuent des livraisons exonérées en vertu du I de l'article 262 ter ou des livraisons dans un lieu situé dans un autre Etat membre de la Communauté européenne en application de l'article 258 A, ne sont pas à comprendre dans l'assiette. Les importations et les acquisitions destinées à ces mêmes exportateurs ou expéditeurs ne sont pas imposables. Le fabricant, l'importateur ou la personne qui réalise les acquisitions intracommunautaires, justifie le non-paiement de la taxe en produisant l'attestation visée à l'article 275. Cette attestation doit comporter l'engagement d'acquitter la taxe dans le cas où les produits ne recevraient pas la destination ayant motivé l'exclusion de l'assiette ou l'exonération (...)” ; que le bénéfice de l'exonération de la taxe forestière est subordonné à la production d'une attestation qui, en vertu de l'article 275 du code général des impôts, doit certifier que les biens en cause sont destinés à faire l'objet d'une livraison à l'exportation ou d'une livraison intracommunautaire ou exonérée en vertu de l'article 262 ter ;

Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que les rappels de taxe forestière contestés grèvent les acquisitions de moulures faites par la société auprès de fournisseurs d'autres Etats membres de la Communauté européenne ; que ces acquisitions intracommunautaires entrent dans l'assiette de la taxe ; qu'il n'est pas établi que les produits en cause auraient été acquis pour être réexportés ou faire l'objet d'une livraison intracommunautaire ; qu'ainsi la société n'est pas fondée à invoquer à son profit les dispositions de l'article 275 du code général des impôts ;

Considérant, d'autre part, que la SA AD Production n'établit pas l'existence d'une prise de position formelle de l'administration sur sa situation de fait au regard de l'article 275 du code général des impôts ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nantes a prononcé la décharge des cotisations de taxe forestière mises à la charge de la SA AD Production ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à la société AD Production la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement en date du 15 octobre 2002 du Tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : Les cotisations de taxe forestière dont la décharge a été ordonnée par le tribunal administratif, au titre de la période du 1er mai 1993 au 31 juillet 1994, sont remises à la charge de la SA AD Production.

Article 3 : Les conclusions de la SA AD Production tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à Me MARTIN TOUCHAIS, en sa qualité de liquidateur de la SA AD Production.

N° 03NT00458

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre b
Numéro d'arrêt : 03NT00458
Date de la décision : 30/01/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : Mme MAGNIER
Rapporteur ?: M. Sébastien DEGOMMIER
Rapporteur public ?: M. HERVOUET
Avocat(s) : BERGERES

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2006-01-30;03nt00458 ?
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