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20/01/2006 | FRANCE | N°05NT01771

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, Reconduite a la frontiere, 20 janvier 2006, 05NT01771


Vu la requête, enregistrée le 14 novembre 2005, présentée par le préfet d'Ille-et-Vilaine ; le préfet d'Ille-et-Vilaine demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 05-4406 du 2 novembre 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rennes a annulé sa décision du 2 septembre 2005 refusant à M. Oussama X le titre de séjour d'une durée de dix ans qu'il avait sollicité, ainsi que son arrêté du 13 octobre 2005 décidant la reconduite à la frontière de l'intéressé et fixant la Tunisie comme pays de destination de la reconduite

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2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administrat...

Vu la requête, enregistrée le 14 novembre 2005, présentée par le préfet d'Ille-et-Vilaine ; le préfet d'Ille-et-Vilaine demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 05-4406 du 2 novembre 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rennes a annulé sa décision du 2 septembre 2005 refusant à M. Oussama X le titre de séjour d'une durée de dix ans qu'il avait sollicité, ainsi que son arrêté du 13 octobre 2005 décidant la reconduite à la frontière de l'intéressé et fixant la Tunisie comme pays de destination de la reconduite ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Rennes ;

……………………………………………………………………………………………………...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du 5 septembre 2005 par laquelle le président de la Cour a délégué Mme Perrot pour statuer sur les appels interjetés contre les jugements rendus par les présidents de tribunaux administratifs ou leurs délégués en matière de reconduite à la frontière ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988, modifié ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

Vu le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié, portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 janvier 2006 :

- le rapport de Mme Perrot, magistrat délégué,

- les observations de Me Goubin substituant Me Le Verger, avocat de M. X,

- et les conclusions de M. Mornet, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant qu'aux termes de l'article L.512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : - L'étranger qui fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière peut, dans les quarante-huit heures suivant sa notification, lorsque l'arrêté est notifié par voie administrative, ou dans les sept jours, lorsqu'il est notifié par voie postale, demander l'annulation de cet arrêté au président du tribunal administratif - Le président ou son délégué statue dans un délai de soixante-douze heures à compter de sa saisine (…) ; qu'il ressort des dispositions précitées que la compétence spéciale attribuée au président du tribunal administratif ou à son délégué est limitée au jugement des recours formés contre les arrêtés de reconduite à la frontière ; qu'en annulant la décision du 2 septembre 2005 refusant à M. X un titre de séjour de dix ans, alors qu'en outre l'intéressé avait seulement excipé de son illégalité, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rennes a excédé sa compétence et statué au-delà des conclusions qui lui étaient soumises ; que le jugement attaqué doit être annulé sur ce point ;

Sur la légalité de la décision contestée :

Considérant qu'aux termes de l'article L.111-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Le présent code régit l'entrée et le séjour des étrangers en France métropolitaine, dans les départements d'outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon (…) Ses dispositions s'appliquent sous réserve des conventions internationales (…) ; que l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, modifié, fixe les conditions dans lesquelles il est délivré aux ressortissants tunisiens un titre de séjour d'une durée de dix ans ; qu'aux termes de l'article 10 de cet accord, dans sa version en vigueur depuis le 1er novembre 2003 : 1. Un titre de séjour d'une durée de dix ans, ouvrant droit à l'exercice d'une activité professionnelle, est délivré de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour sur le territoire français : a) Au conjoint tunisien d'un ressortissant français, marié depuis au moins un an, à condition que la communauté de vie entre époux n'ait pas cessé, que le conjoint ait conservé sa nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (…) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet d'Ille-et-Vilaine s'est, à tort, fondé sur les dispositions de l'article L.314-11 1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour rejeter, par sa décision du 2 septembre 2005, la demande de titre de séjour d'une durée de dix ans en qualité de conjoint de ressortissante française présentée par M. X, ressortissant tunisien ;

Considérant, toutefois, qu'il y a lieu, ainsi que l'a demandé le préfet en appel, de substituer les stipulations susapportées de l'article 10-1.a) de l'accord franco-tunisien modifié du 17 mars 1988 aux dispositions de l'article L.314-11 1° comme base légale de la décision susmentionnée du 2 septembre 2005, dès lors qu'à la date à laquelle cette décision a été prise, la communauté de vie entre M. X et son épouse française avait cessé depuis plusieurs mois, que M. X se trouvait donc dans la situation où le préfet pouvait légalement lui refuser un titre de séjour d'une durée de dix ans, et que cette substitution de base légale n'a pas pour effet de priver l'intéressé des garanties de procédure qui lui sont offertes par la loi ; que, par suite, la circonstance que le préfet d'Ille-et-Vilaine a pris sa décision du 2 septembre 2005 sur la base non de l'article 10-1.a) de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, modifié, mais de l'article L.314-11 1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'est pas de nature à entacher cette décision d'illégalité ; que, dans ces conditions, le préfet d'Ille-et-Vilaine est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rennes s'est fondé sur l'illégalité de sa décision du 2 septembre 2005 pour annuler l'arrêté décidant la reconduite à la frontière de M. X ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X devant le Tribunal administratif de Rennes et devant la Cour ;

En ce qui concerne la légalité externe de l'arrêté de reconduite :

Considérant que, contrairement à ce que soutient M. X, l'arrêté de reconduite à la frontière, en date du 13 octobre 2005, qui énonce les considérations de droit et de fait sur lesquels il se fonde, est suffisamment motivé ; que le préfet, qui a mentionné le recours gracieux présenté le 27 septembre 2005 par M. X et indiqué qu'il n'était pas porté une atteinte grave à la vie privée ou familiale de l'intéressé, a procédé à l'examen de la situation personnelle de l'intéressé ;

En ce qui concerne la légalité interne de l'arrêté de reconduite :

Sur l'exception d'illégalité du refus de séjour :

Considérant que la décision de refus de titre de séjour qui énonce les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivée ; que le préfet d'Ille-et-Vilaine a bien procédé à l'examen de la situation personnelle de l'intéressé ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est pas contesté que la communauté de vie de M. X avec son épouse avait cessé depuis plusieurs mois à la date de la décision contestée ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance, par la décision de refus de titre de séjour du 2 septembre 2005, des stipulations de l'article 10-1.a) de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, modifié, ne peut qu'être écarté ;

Considérant que, si M. X soutient qu'il est marié avec une ressortissante française, qu'il est bien intégré à la société française, et qu'il dispose d'un emploi, il ressort des pièces du dossier qu'en l'absence de vie commune avec sa femme, l'intéressé, qui n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, ne justifie d'aucune atteinte à sa vie familiale ; qu'ainsi, le préfet d'Ille-et-Vilaine, en lui refusant le séjour, n'a ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé ;

Sur les autres moyens :

Considérant que, pour les raisons déjà indiquées, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de M. X n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris ; que, par suite, il ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il n'est pas non plus entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet d'Ille-et-Vilaine est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 2 novembre 2005, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rennes a annulé sa décision du 2 septembre 2005 refusant le titre de séjour d'une durée de dix ans sollicité par M. X, ainsi que son arrêté du 13 octobre 2005 décidant la reconduite à la frontière de l'intéressé et désignant la Tunisie comme pays de destination de la reconduite ;

Sur les conclusions de M. X tendant à ce qu'il soit ordonné au préfet d'Ille-et-Vilaine de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour :

Considérant que le présent arrêt, qui fait droit à la requête du préfet d'Ille-et-Vilaine, et rejette la demande de M. X, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de M. X ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à M. X la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 05-4406 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rennes en date du 2 novembre 2005 est annulé.

Article 2 : La demande présentée devant le Tribunal administratif de Rennes par M. X ainsi que ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Oussama X et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire. Une copie sera transmise au préfet d'Ille-et-Vilaine.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : Reconduite a la frontiere
Numéro d'arrêt : 05NT01771
Date de la décision : 20/01/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme isabelle PERROT
Rapporteur public ?: M. MORNET
Avocat(s) : LE VERGER

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2006-01-20;05nt01771 ?
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