La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/12/2005 | FRANCE | N°04NT00033

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2eme chambre, 13 décembre 2005, 04NT00033


Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 8 janvier 2004, présentée pour M. Laurent X, demeurant ... par Me Rio, avocat au barreau de Paris ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 01-2719 et 01-2887 du 11 décembre 2003 du Tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 14 août 2001 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a notifié un retrait de huit points du capital des points affectés à son permis de conduire, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au ministre de lui r

estituer les points litigieux dans un délai de 15 jours à compter de l...

Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 8 janvier 2004, présentée pour M. Laurent X, demeurant ... par Me Rio, avocat au barreau de Paris ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 01-2719 et 01-2887 du 11 décembre 2003 du Tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 14 août 2001 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a notifié un retrait de huit points du capital des points affectés à son permis de conduire, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au ministre de lui restituer les points litigieux dans un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de procéder à la reconstitution des points litigieux et à la restitution du titre de conduite dans les quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser, outre le remboursement du timbre fiscal, une somme de 1 824 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

……………………………………………………………………………………………………..

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu le code de la route ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 novembre 2005 :

- le rapport de M. Dupuy, rapporteur ;

- et les conclusions de M. Artus, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X interjette appel du jugement du 11 décembre 2003 du Tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 14 août 2001 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a notifié un retrait de huit points du capital des points affectés à son permis de conduire, d'autre part, à ce que ledit ministre lui restitue les points litigieux dans un délai maximal de 15 jours ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que M. X a, à l'appui de ses conclusions de première instance tendant à l'annulation de la décision du 14 août 2001 du ministre de l'intérieur, soulevé le moyen tiré de l'illégalité de cette décision, au motif qu'elle lui a notifié globalement et tardivement plusieurs retraits de points, réduisant à zéro le capital des points de son permis de conduire ; qu'il ressort de l'examen du jugement attaqué que le tribunal administratif a omis d'examiner ce moyen qui n'était pas inopérant ; que, par suite, le jugement attaqué doit être annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. X dirigées contre ladite décision en ce qu'elle porte sur les retraits de points consécutifs aux infractions des 1er mai 1999 et 4 octobre 2000 ; qu'il y a lieu d'évoquer, dans cette mesure, et de statuer immédiatement sur lesdites conclusions présentées par M. X devant le Tribunal administratif de Rennes ;

Sur la légalité de la décision du 14 août 2001 du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 223-1 du code de la route, dans sa rédaction alors en vigueur : “Le permis de conduire est affecté d'un nombre de points. Celui-ci est réduit de plein droit si le titulaire du permis a commis une infraction pour laquelle cette réduction est prévue. Lorsque le nombre de points est nul, le permis perd sa validité. La réalité d'une infraction entraînant retrait de points est établie par le paiement d'une amende forfaitaire, l'exécution d'une composition pénale ou par une condamnation définitive. Le contrevenant est dûment informé que le paiement de l'amende entraîne reconnaissance de la réalité de l'infraction et par là même réduction de son nombre de points.” ; qu'aux termes de l'article L. 223-3 dudit code : “Lorsque l'intéressé est avisé qu'une des infractions entraînant retrait de points a été relevée à son encontre, il est informé du retrait de points qu'il est susceptible d'encourir, de l'existence d'un traitement automatisé de ces points et de la possibilité pour lui d'exercer le droit d'accès. Ces mentions figurent sur le formulaire qui lui est communiqué. Le retrait de points est porté à la connaissance de l'intéressé par lettre simple quand il est effectif.” ; que ces dispositions sont reprises et précisées à l'article R. 223-3 du même code aux termes duquel : “I. Lors de la constatation d'une infraction, l'auteur de celle-ci est informé que cette infraction est susceptible d'entraîner le retrait d'un certain nombre de points si elle est constatée par le paiement d'une amende forfaitaire ou par une condamnation définitive. II. Il est informé également de l'existence d'un traitement automatisé des retraits et reconstitutions de points et la possibilité pour lui d'accéder aux informations le concernant. Ces mentions figurent sur le document qui lui est remis par l'agent verbalisateur ou communiqué par les services de police ou de gendarmerie. Le droit d'accès aux informations ci-dessus mentionnées s'exerce dans les conditions fixées par les articles L. 225-1 à L. 225-9. III. Lorsque le ministre de l'intérieur constate que la réalité d'une infraction entraînant une perte de points est établie (…), il réduit en conséquence le nombre de points affectés au permis de conduire de l'auteur de cette infraction et en informe ce dernier par lettre simple. (…) IV. En cas de retrait de la totalité des points, le préfet du département (…) du lieu de résidence, enjoint à l'intéressé, par lettre recommandée, de restituer son titre de conduite dans un délai d'une semaine à compter de la réception de cette lettre.” ; qu'aux termes de l'article R. 223-1 de ce code : “Le permis de conduire exigible pour la conduite des véhicules terrestres à moteur est affecté d'un nombre initial de douze points.” ;

Considérant qu'en application de ces dispositions, le ministre de l'intérieur a, par la décision contestée du 14 août 2001, porté à la connaissance de M. X la perte de quatre points de son permis de conduire, en conséquence d'une infraction au code de la route commise le 4 octobre 2000 à Ploumagoar (Côtes d'Armor) et dont la réalité a été établie par une condamnation devenue définitive du Tribunal de grande instance de Guingamp ; que cette décision informe également l'intéressé que ce retrait réduit à zéro le capital des points affectés à son titre de conduite, compte tenu des infractions commises le 1er mai 1999 à Remouillé (Loire-Atlantique) et le 18 mars 2000 à Parne-sur-Roc (Mayenne), établies par jugements définitifs respectivement, du 16 septembre 1999 du Tribunal de police de Nantes et du 10 avril 2000 du Tribunal de police de Laval, et ayant entraîné, chacune, la perte de quatre points qui lui ont été préalablement notifiés par lettres simples ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions précitées du code de la route que l'administration ne peut légalement prendre une décision retirant des points affectés à un permis de conduire à la suite d'une infraction dont la réalité a été établie, que si l'auteur de l'infraction s'est vu préalablement délivrer par elle un document contenant les informations prévues aux articles L. 223-3 et R. 223-3 dudit code, lesquelles constituent une garantie essentielle permettant à l'intéressé de contester la réalité de l'infraction et d'en mesurer les conséquences sur la validité de son permis ; qu'il appartient à l'administration d'apporter la preuve, par tout moyen, qu'elle a satisfait à cette obligation d'information ; qu'en vertu des dispositions des articles 537 et 429 du code de procédure pénale, les procès-verbaux établis par les officiers ou agents de police judiciaire pour constater des infractions au code de la route ne font foi jusqu'à preuve contraire qu'en ce qui concerne la constatation des faits constitutifs des infractions ; que la mention portée sur ces procès-verbaux, selon laquelle le contrevenant a reçu l'information prévue par les articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route, n'est pas revêtue de la même force probante ; que, toutefois, même contredite par le contrevenant, cette indication peut emporter la conviction du juge si elle est corroborée par d'autres éléments ;

Considérant, d'une part, qu'il ressort de la copie du procès-verbal établi le 1er mai 1999 à l'occasion de l'infraction au code de la route commise le même jour par M. X, qu'y figurent, notamment, la mention “Je reconnais avoir reçu l'imprimé Cerfa relatif au retrait de points”, et celle selon laquelle le contrevenant “a refusé de signer” ; que par ce refus qu'il a, dans ses écritures produites devant le tribunal et renouvelées devant la Cour, confirmé avoir opposé, l'intéressé doit être regardé comme ayant pris connaissance, au préalable, du contenu du document qu'il refusait de signer et, notamment, de la mention précitée qu'il n'a, alors, pas expressément contestée, relative à l'information reçue ;

Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de l'infraction qu'il a commise le 4 octobre 2000, M. X a signé, sans réserve, le 15 décembre 2000, un avis de contravention au code de la route lequel mentionne que le document “Cerfa n° 90 ;0204” lui a été remis et que le contrevenant est susceptible de perdre quatre points du capital des points de son permis de conduire ; qu'il ressort de la copie de l'imprimé vierge “Cerfa n° 90-0204” produit par l'administration, que ce document comporte les mentions permettant de donner l'ensemble des informations exigées par les dispositions précitées du code de la route, et notamment, le nombre de points susceptibles de faire l'objet d'un retrait du capital des points affectés à son permis de conduire ; que la circonstance que ce formulaire ne mentionne pas que le conducteur peut reconstituer son capital de points en effectuant un stage, est sans incidence sur la régularité de la procédure, dès lors que cette information ne figure pas au nombre de celles qui doivent être portées à la connaissance du contrevenant en application de l'article R. 223-3 du code de la route ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, dans les circonstances particulières de l'espèce et alors même que M. X affirme ne pas avoir reçu les informations prévues aux articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route, l'administration doit être regardée comme établissant avoir remis au contrevenant, pour chacune des infractions en litige, le formulaire “Cerfa n° 90-0204” d'information sur le retrait de points et avoir satisfait à l'obligation d'information requise par les textes ci-dessus ;

Considérant, en second lieu, que s'il appartient au ministre de l'intérieur de porter à la connaissance des intéressés les décisions de retrait de points les concernant dans les délais les plus brefs, la durée de ce délai de même, plus généralement, que les conditions de la notification des retraits de points, sont sans influence sur la légalité de la décision elle-même ; que, par suite, la circonstance que l'administration n'établisse pas avoir informé M. X, antérieurement à la décision contestée du 14 août 2001, des pertes de points consécutives aux infractions qu'il a commises, ne faisait pas obstacle à ce que le ministre de l'intérieur régularisât la procédure, ainsi qu'il l'a fait par ladite lettre du 14 août 2001, en portant à la connaissance de M. X les différents retraits de points dont il avait fait l'objet, sous la forme d'un tableau mentionnant, pour chacune d'elles, la date, l'heure et le lieu de leur commission, la sanction pénale prononcée et le nombre de points retirés ; que ces décisions de retrait de points étaient opposables à M. X à la date du 14 août 2001 à laquelle l'administration établit qu'elles ont été portées à sa connaissance et le ministre de l'intérieur pouvait, à partir de cette même date, légalement se fonder sur ces décisions de retrait de points pour constater la perte de validité du permis de conduire du contrevenant ; que M. X n'a pas été privé de la possibilité de demander la reconstitution partielle du nombre de points initial affectés à son permis de conduire, dès lors qu'il pouvait en avoir connaissance, notamment, après la constatation des infractions commises, en utilisant le droit d'accès au traitement automatisé des retraits de points ;

Considérant qu'il ressort des développements qui précèdent que la décision du 14 août 2001 du ministre de l'intérieur, en tant qu'elle porte sur les deux retraits de quatre points litigieux n'est pas entachée d'illégalité ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : “Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution” ;

Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions de M. X tendant à l'annulation de la décision du 14 août 2001 du ministre de l'intérieur, en tant qu'elle porte sur les retraits de points relatifs aux infractions des 1er mai 1999 et 4 octobre 2000, n'appelle, à ce titre, aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions du requérant tendant à ce qu'il soit enjoint audit ministre de lui restituer, sous astreinte, les huit points litigieux, ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur l'appel incident du ministre de l'intérieur :

Considérant que les conclusions du ministre de l'intérieur tendant à “la réformation” du jugement attaqué en tant qu'il concerne la contestation “de la notification globale du nombre de points par ma lettre 48 S”, soulèvent, en tout état de cause, un litige relatif à la décision contestée du 14 août 2001 en ce qu'elle réduit à zéro le capital de points affecté au permis de conduire de M. X, distinct de celui faisant l'objet de l'appel principal portant sur ladite décision en tant qu'elle prononce le retrait de huit points ; qu'elles sont, par suite, irrecevables pour ce seul motif et ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de condamner l'Etat à verser à M. X la somme que ce dernier demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 29 avril 2004 du Tribunal administratif de Rennes est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. X dirigées contre la décision du 14 août 2001 du ministre de l'intérieur, en ce qu'elle porte sur les retraits d'un nombre total de huit points consécutifs aux infractions des 1er mai 1999 et 4 octobre 2000.

Article 2 : La demande de M. X devant le Tribunal administratif de Rennes tendant à l'annulation de ladite décision en tant qu'elle porte sur les retraits de points précités et le surplus des conclusions de la requête sont rejetés.

Article 3 : Les conclusions incidentes du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Laurent X et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

N° 04NT00033

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2eme chambre
Numéro d'arrêt : 04NT00033
Date de la décision : 13/12/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DUPUY
Rapporteur ?: M. Roger-Christian DUPUY
Rapporteur public ?: M. ARTUS
Avocat(s) : RIO

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2005-12-13;04nt00033 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award