La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/11/2005 | FRANCE | N°03NT01709

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ere chambre b, 28 novembre 2005, 03NT01709


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 12 novembre 2003, présentée pour M. Georges X, demeurant ..., par Me Lavelot, avocat au barreau de Nanterre ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 99.4938 en date du 20 juin 2003 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la réduction de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 1995 ;

2°) de prononcer la réduction demandée ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 150 euros sur le f

ondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative et au remboursement de...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 12 novembre 2003, présentée pour M. Georges X, demeurant ..., par Me Lavelot, avocat au barreau de Nanterre ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 99.4938 en date du 20 juin 2003 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la réduction de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 1995 ;

2°) de prononcer la réduction demandée ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 150 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative et au remboursement des frais de timbre de 15 euros ;

……………………………………………………………………………………………………...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 octobre 2005 :

- le rapport de M. Luc Martin, rapporteur ;

- et les conclusions de M. Hervouet, commissaire du gouvernement ;

Sur l'étendue du litige :

Considérant que, par décision du 2 juillet 2004, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur des services fiscaux de Loire-Atlantique a prononcé le dégrèvement, en droits et intérêts de retard, à concurrence d'une somme de 8 427,50 euros, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle M. X a été assujetti au titre de l'année 1995 ; que les conclusions de la requête de M. X sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant, en premier lieu, que la circonstance que le tribunal se serait fondé sur des motifs différents de ceux invoqués par l'administration dans la notification de redressements est, en tout état de cause, par elle-même sans incidence sur la régularité du jugement ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne résulte pas de l'examen du dossier de première instance que les premiers juges auraient soulevé d'office le moyen tiré de ce que l'abandon de créances consenti par M. X était constitutif d'un acte anormal de gestion ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le tribunal aurait irrégulièrement fait droit à une argumentation absente au soutien du redressement ;

Considérant, en dernier lieu, qu'en revanche, ainsi que le soutient M. X, il résulte de l'examen du jugement que le tribunal n'a pas suffisamment indiqué les motifs pour lesquels il confirmait le bien-fondé du redressement relatif à la réintégration d'une provision pour créance douteuse en se bornant à mentionner que lesdites créances étaient devenues définitivement irrécouvrables sans préciser les raisons qui l'amenaient à cette conclusion ; que, par suite, le jugement est entaché d'irrégularité et doit être annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions de la demande de M. X tendant à la décharge du supplément d'impôt sur le revenu procédant de ce chef de redressement ;

Considérant que, sur ce point, il y a lieu de se prononcer par voie d'évocation et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur le surplus des conclusions de la requête de M. X ;

Sur la régularité de la procédure :

Considérant qu'aux termes de l'article L.57 du livre des procédures fiscales : “L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation…” ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le service a notamment indiqué, dans la notification de redressements qu'il a adressée à M. X, le 27 juillet 1997, chef par chef, les motifs de droit et de fait sur lesquels il entendait se fonder pour justifier les redressements envisagés ; que, quelle que soit la pertinence au fond de ces motifs, cette notification permettait au contribuable de nouer avec l'administration une discussion contradictoire, qu'il a d'ailleurs en fait engagée ; que dès lors, M. X n'est pas fondé à soutenir que cette notification aurait méconnu les dispositions précitées de l'article L.57 du livre des procédures fiscales ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne les conclusions de la demande tendant à la décharge du complément d'impôt sur le revenu établi au titre de l'année 1995 à raison de la réintégration d'une provision pour créance douteuse :

Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts : “1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant… notamment… 5° les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des évènements en cours rendent probables” ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut valablement porter en provision et déduire de ses bénéfices imposables des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition, notamment, qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances de fait constatées à la date de clôture de l'exercice ;

Considérant que M. X, qui exerçait à titre individuel l'activité de loueur de fonds et de locaux commerciaux, a donné en location le 3 novembre 1993 à M. Y un local commercial dans lequel ce dernier a exploité un magasin de vente de matériels électroménagers ; que M. Y ayant cessé de verser ses loyers à compter du mois de février 1994, M. X lui a adressé une sommation à payer par voie d'huissier en septembre 1994, qui est restée sans effet ; que le requérant fait valoir qu'il a en définitive conclu un arrangement à l'amiable avec son locataire lui permettant de récupérer la disposition de son local ; qu'il résulte de l'instruction que M. X a versé courant 1995 la somme de 91 000 F à M. Y, lequel lui avait remis, le 2 janvier 1995, les clés du local, mettant ainsi un terme au contrat de location ; que, toutefois, à supposer même que ladite somme correspondait à une indemnité de résiliation du bail, M. X n'établit pas en tout état de cause que M. Y se trouvait, au 31 décembre 1995, après l'avoir encaissée, dans l'impossibilité de payer au moins partiellement les loyers dont il restait redevable ; que, dans ces conditions, l'administration a pu estimer à bon droit que le contribuable n'était pas fondé à constituer à la clôture de l'exercice, en 1995, une provision pour créance douteuse d'un montant de 217 037 F, égal à la somme des loyers dus par M. Y et restés impayés, dès lors qu'aucun événement en cours à cette date ne rendait probable la perte de la totalité de ces loyers ;

En ce qui concerne la déduction d'une charge :

Considérant que pour être admis en déduction des bénéfices imposables, les frais et charges de l'entreprise doivent être exposés dans l'intérêt direct de l'exploitation, correspondre à une charge effective et être appuyés de justifications suffisantes ;

Considérant qu'en se bornant à produire une facture, établie par M. Y, datée du 25 mai 1995, dont l'intitulé mentionne “matériel pris par M. X au magasin de vente pendant les périodes d'exploitation de M. Y, le forfait accepté par les parties en présence” et qui comporte un prix global de 84 317,03 F sans aucune indication sur la nature et la valeur du matériel en cause, M. X ne peut être regardé comme justifiant suffisamment du caractère déductible de cette somme de 84 317,03 F ;

En ce qui concerne l'abandon de créances :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X a donné en location, à compter du 25 septembre 1989, en vertu d'un bail d'une durée de 9 ans et moyennant un loyer mensuel de 40 000 F, un local commercial à usage de discothèque à la SA CLC dont le capital était détenu à 48 % par lui-même et son épouse et, pour les 52 % restants, par sa fille et son gendre ; que le montant dudit loyer a été ramené à 20 000 F à compter du 1er janvier 1990 ; que, nonobstant cette réduction, la SA CLC n'a versé aucun loyer depuis la conclusion du bail jusqu'en 1997 ; que M. X, qui avait comptabilisé les créances représentées par les loyers impayés, a déduit de ses résultats des exercices clos en 1994 et 1995 des pertes sur créances irrécouvrables correspondant aux loyers impayés par la SA CLC pour la période, respectivement, de novembre 1989 à décembre 1990 et de janvier à décembre 1991 ;

Considérant que M. X, qui n'avait d'ailleurs engagé aucune procédure contraignante à l'encontre de la SA CLC en vue du recouvrement des loyers, fait valoir que l'abandon partiel de créances auquel il a consenti visait à ne pas aggraver les difficultés financières du preneur, liées à l'échec commercial de son projet qui consistait à organiser dans l'ancienne discothèque des séminaires et des banquets ; que, toutefois, l'administration soutient sans être contredite que M. X, lorsqu'il a renoncé à percevoir une partie de ses créances, à la clôture des exercices 1994 et 1995, ne disposait d'aucune perspective sérieuse lui garantissant que cet abandon partiel de loyers serait de nature à permettre à son locataire d'assurer, dans un proche avenir, le versement régulier des loyers prévus au bail ; qu'il résulte en effet de l'instruction que la situation financière de la SA CLC s'est améliorée en 1997 du fait, non de la réduction de ses dettes de loyers, mais d'une réorientation de son activité vers l'organisation, dans l'ancienne discothèque, de thés dansants ; que, dès lors, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve que les abandons de créances litigieux n'étaient pas conformes à l'intérêt du requérant, en tant que propriétaire, et procédaient d'une gestion anormale ; que le moyen tiré par ailleurs par M. X de ce que l'administration aurait rattaché à tort à l'année d'imposition 1995 les créances que l'intéressé avait comptabilisées en perte à la clôture de l'exercice le 31 décembre 1994 manque en fait ;

Sur les pénalités :

Considérant que, pour apporter la preuve du bien-fondé des pénalités pour mauvaise foi dont elle a assorti, notamment, les droits supplémentaires d'impôt sur le revenu issus du redressement relatif à la perte de créances détenues sur la SA CLC, l'administration fait valoir sans être contredite que M. X s'est abstenu délibérément, dans un contexte de contrôle familial de la société locataire, de relancer pendant cinq ans son locataire défaillant et d'engager à son encontre une procédure d'expulsion ; qu'ainsi, il a voulu faire supporter à son entreprise une perte, tout en permettant à la société locataire de bénéficier de la déduction en charge des loyers non acquittés ; que si le requérant soutient qu'il n'est pas démontré qu'il n'avait pas, en sa qualité d'associé de la société locataire, un intérêt légitime à agir ainsi, l'abandon partiel de loyers auquel il a procédé ne répondait pas, comme il a été dit ci-dessus, à son intérêt de propriétaire, seule qualité dont il est fondé à se prévaloir dans le présent litige ; qu'il suit de là que l'administration doit être regardée comme apportant la preuve du bien-fondé des pénalités pour mauvaise foi ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, d'une part, les conclusions de la demande de M. X tendant à la décharge du complément d'impôt sur le revenu établi au titre de l'année 1995 à raison de la réintégration d'une provision pour créance douteuse doivent être rejetées, d'autre part, M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nantes a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante pour l'essentiel, soit condamné à payer à M. X la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : A concurrence de la somme de 8 427,70 euros (huit mille quatre cent vingt-sept euros soixante-dix centimes), en ce qui concerne la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle M. X a été assujetti au titre de l'année 1995, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. X.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Nantes en date du 20 juin 2003 est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions de la demande de M. X tendant à la réduction de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 1995 à raison du redressement correspondant à la réintégration d'une provision pour créance douteuse.

Article 3 : Les conclusions de la demande de M. X et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Georges X et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

N° 03NT01709

2

1


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ere chambre b
Numéro d'arrêt : 03NT01709
Date de la décision : 28/11/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : Mme MAGNIER
Rapporteur ?: M. Luc MARTIN
Rapporteur public ?: M. HERVOUET
Avocat(s) : LAVELOT

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2005-11-28;03nt01709 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award