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28/11/2005 | FRANCE | N°02NT00337

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ere chambre b, 28 novembre 2005, 02NT00337


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 8 mars 2002, présentée pour la SARL ICOB, qui a son siège ..., par Me X..., avocat au barreau de Caen ; la SARL ICOB demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 00.1760 en date du 27 décembre 2001 du Tribunal administratif de Caen en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la décharge, d'une part, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1994, d'autre part, des cotisations supplémentaires d'impôt su

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Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 8 mars 2002, présentée pour la SARL ICOB, qui a son siège ..., par Me X..., avocat au barreau de Caen ; la SARL ICOB demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 00.1760 en date du 27 décembre 2001 du Tribunal administratif de Caen en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la décharge, d'une part, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1994, d'autre part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution forfaitaire sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1995 ;

2°) de lui accorder la décharge desdites impositions restant en litige ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 15 000 F en remboursement des frais engagés pour les besoins de l'instance ;

……………………………………………………………………………………………………...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 octobre 2005 :

- le rapport de M. Luc Martin, rapporteur ;

- et les conclusions de M. Hervouet, commissaire du gouvernement ;

Sur les ventes de matériels réalisées à prix coûtant au bénéfice de sociétés du même groupe :

Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur nature ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale ; que le résultat doit notamment être majoré du montant des recettes que l'entreprise a renoncé à percevoir sans que cette renonciation soit justifiée par son intérêt ; que si l'appréciation du caractère anormal d'un acte de gestion pose une question de droit, il appartient, en règle générale, à l'administration d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour invoquer ce caractère anormal ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SARL ICOB, qui exerce une activité de vente et de maintenance de matériels informatiques et bureautiques, a, durant les années 1994 et 1995, qui sont seules en litige, vendu à leur prix d'achat des matériels aux sociétés FICOBE, CIBLE et NAI, qui, quoique juridiquement indépendantes, appartenaient au même groupe que la société requérante ; que l'administration a estimé que les ventes de ces matériels à prix coûtant relevaient d'une gestion anormale ; qu'elle a en conséquence imposé à l'impôt sur les sociétés les bénéfices que la SARL ICOB aurait dû selon elle normalement réaliser sur ces ventes ;

Considérant, en premier lieu, que la société requérante, qui ne conteste pas les faits susrelatés, fait valoir que les recettes dont elle s'est privée en vendant des matériels à prix coûtant aux sociétés FICOBE et CIBLE ont été largement compensées par celles qu'elle a tirées des contrats de maintenance qu'elle a conclus avec les clients de ces deux sociétés ; que toutefois, en se bornant à fournir des listes de factures, elle n'établit pas l'existence d'un lien de causalité entre sa renonciation à percevoir une marge sur les ventes litigieuses de matériels et la conclusion ultérieure de contrats de maintenance ; que, dès lors, faute pour la SARL ICOB de justifier de l'existence de contreparties, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe de l'acte anormal de gestion qu'elle invoque ;

Considérant, en second lieu, que, s'agissant des ventes à prix coûtant réalisées au profit de la société NAI, la SARL ICOB conteste seulement le montant des réintégrations opérées par l'administration au titre des bénéfices qu'elle s'est anormalement abstenue de facturer ; que l'administration, pour calculer le coefficient de marge à appliquer, a divisé le produit des ventes réalisées par la SARL ICOB, tant à des utilisateurs finaux qu'à des revendeurs de matériels, ainsi que celles réalisées à prix coûtant, par le montant des achats revendus ; qu'elle soutient que les coefficients ainsi obtenus, de 1,316 pour 1994 et 1,32 pour 1995, correspondent à un taux de marge moyen, inférieur au taux maximal appliqué aux ventes de matériels à des utilisateurs finaux ; que la société requérante soutient que, dès lors que les matériels en cause étaient destinés à être revendus par la société NAI à des utilisateurs finaux, elle ne pouvait pratiquer sur les ventes de ces matériels qu'une marge, sinon nulle, du moins très réduite, l'essentiel de la marge étant pratiquée par la société NAI ; qu'elle demande, par suite, à la Cour de ne retenir que 10 % des réintégrations opérées par l'administration ; que l'invocation de ce taux de 10 % n'est cependant assortie d'aucune justification permettant d'en apprécier la pertinence ; que, dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve du bien fondé de l'imposition ;

Sur les provisions pour créances douteuses :

Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : “1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant… notamment… 5° les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des évènements en cours rendent probables” ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut porter en provision, au passif du bilan de clôture d'un exercice, des sommes correspondant à des pertes ou charges qu'elle ne supportera qu'ultérieurement, à la condition, notamment, que le mode de calcul de la provision soit propre à exprimer avec une approximation suffisante le montant probable desdites pertes ou charges ; qu'un mode de calcul global et purement forfaitaire ne peut satisfaire à cette condition ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SARL ICOB détenait, à la clôture de son exercice en 1994, diverses créances sur les sociétés FICOBE et CIBLE correspondant à des règlements d'achat non effectués, malgré la proposition, adressée auxdites sociétés par courriers du 31 juillet 1992, d'un plan d'apurement du passif sur 36 mois ; qu'il n'est pas contesté que les deux sociétés précitées présentaient une situation nette négative en 1992 et que leurs difficultés financières ont perduré au cours des exercices suivants, la société FICOBE ayant d'ailleurs fait l'objet d'une liquidation amiable en juin 1996 ; qu'ainsi, à la date de clôture de l'exercice 1994, la SARL ICOB était fondée à estimer que le remboursement desdites créances était compromis et, par suite, à constituer des provisions destinées à couvrir le risque de leur non-recouvrement ; qu'elle a fixé le montant de ces provisions à 40 % du montant des créances détenues sur chacune des deux entreprises ; qu'à la clôture de l'exercice suivant, elle a porté ce taux à 100 % en ce qui concerne la société FICOBE et à 60 % s'agissant de la société CIBLE ; que l'administration, qui reconnaît que ces créances présentaient un caractère douteux dès 1992, soutient que l'évaluation forfaitaire des provisions litigieuses par l'application d'un pourcentage au montant total des créances a méconnu les dispositions précitées de l'article 39 du code général des impôts selon lesquelles les provisions doivent être nettement précisées ; que, toutefois, les pourcentages appliqués aux créances détenues sur chacune des deux sociétés ne procèdent pas d'une appréciation globale portée par la SARL ICOB sur l'ensemble de sa clientèle mais correspondent au risque de non recouvrement tel qu'estimé par la société requérante en fonction des difficultés financières rencontrées par les sociétés FICOBE et CIBLE ; que, par suite, les provisions litigieuses doivent être regardées comme nettement précisées au sens des dispositions précitées ; que la double circonstance, invoquée par l'administration, que la SARL ICOB n'a pas engagé, avant la constitution desdites provisions et après l'envoi des courriers susmentionnés en date du 31 juillet 1992, de nouvelles démarches pour recouvrer ses créances et que les sociétés CIBLE et FICOBE auraient désintéressé d'autres créanciers au détriment de la société requérante, ne saurait suffire à justifier la réintégration desdites provisions, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, lequel a par ailleurs admis que la société requérante comptabilise en perte au titre de son exercice clos en 1996 les créances qu'elle détenait sur la société FICOBE au motif que cet abandon de créances permettait d'éviter une liquidation judiciaire de cette dernière société et la reprise de sa clientèle par la SARL ICOB ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL ICOB est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Caen a rejeté la totalité du surplus de sa demande ;

Sur l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de condamner l'Etat à payer à la SARL ICOB une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La SARL ICOB est déchargée de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1994 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution forfaitaire sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1995 à raison de la réintégration dans ses bénéfices imposables de provisions pour créances douteuses.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Caen en date du 27 décembre 2001 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL ICOB est rejeté.

Article 4 : L'Etat versera à la SARL ICOB une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL ICOB et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

N° 02NT00337

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ere chambre b
Numéro d'arrêt : 02NT00337
Date de la décision : 28/11/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : Mme MAGNIER
Rapporteur ?: M. Luc MARTIN
Rapporteur public ?: M. HERVOUET
Avocat(s) : PRIGENT

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2005-11-28;02nt00337 ?
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