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14/11/2005 | FRANCE | N°01NT00582

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4eme chambre, 14 novembre 2005, 01NT00582


Vu l'arrêt en date du 20 juin 2003 par lequel la Cour a annulé le jugement n° 99-1520 du 30 janvier 2001 du Tribunal administratif d'Orléans rejetant la demande de M. Pascal X tendant à la condamnation du centre hospitalier régional d'Orléans à l'indemniser du préjudice qu'il a subi à la suite de l'intervention chirurgicale du 8 janvier 1998, déclaré ledit centre hospitalier responsable des conséquences dommageables de cette intervention chirurgicale et, avant de statuer sur le montant de l'indemnité due au requérant par le centre hospitalier régional d'Orléans et à la caisse

nationale militaire de sécurité sociale, prescrit une expertise,...

Vu l'arrêt en date du 20 juin 2003 par lequel la Cour a annulé le jugement n° 99-1520 du 30 janvier 2001 du Tribunal administratif d'Orléans rejetant la demande de M. Pascal X tendant à la condamnation du centre hospitalier régional d'Orléans à l'indemniser du préjudice qu'il a subi à la suite de l'intervention chirurgicale du 8 janvier 1998, déclaré ledit centre hospitalier responsable des conséquences dommageables de cette intervention chirurgicale et, avant de statuer sur le montant de l'indemnité due au requérant par le centre hospitalier régional d'Orléans et à la caisse nationale militaire de sécurité sociale, prescrit une expertise, tout en condamnant le centre hospitalier régional d'Orléans à verser à M. X une provision de 15 000 euros ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l'Etat et de certaines autres personnes publiques ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 octobre 2005 :

- le rapport de M. Laurent Martin, rapporteur ;

- les observations de Me Singer substituant Me Casadei-Jung, avocat de M. X ;

- et les conclusions de M. Mornet, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, dans le but de rechercher l'origine des cervicalgies avec douleurs et paresthésie du membre supérieur gauche dont M. X souffrait depuis plusieurs mois, il lui a été prescrit de subir un examen par imagerie par résonance magnétique nucléaire ; qu'une intervention chirurgicale a été pratiquée le 8 janvier 1998 au centre hospitalier régional d'Orléans afin d'extraire un corps métallique étranger potentiellement dangereux pour cet examen, logé dans l'orbite de son oeil droit ; qu'au lendemain de cette intervention pratiquée sous anesthésie générale, M. X a été victime d'un accident vasculaire cérébral entraînant une hémiplégie gauche évoluant progressivement vers la spasticité ;

Considérant que par un arrêt avant dire droit en date du 20 juin 2003, la Cour a annulé le jugement du Tribunal administratif d'Orléans du 30 janvier 2001 rejetant la demande d'indemnisation formulée par M. X et, prenant en compte la circonstance que l'intéressé n'avait pas été informé des risques que comportait ladite intervention chirurgicale qui ne présentait pas de caractère d'urgence, a déclaré le centre hospitalier régional d'Orléans responsable des conséquences dommageables de l'intervention subie par M. X, prescrit une expertise médicale et a condamné ledit établissement à verser à M. X une provision de 15 000 euros ;

Sur la recevabilité des conclusions du ministre de la défense :

Considérant que, lorsque la victime d'un accident est un agent de l'Etat, l'article 3 de l'ordonnance du 7 janvier 1959 susvisée crée pour le juge administratif l'obligation de mettre en cause l'Etat en vue de l'exercice, par celui-ci, de l'action subrogatoire qui lui est ouverte de plein droit par l'article 1er de la même ordonnance, contre le tiers responsable de l'accident ;

Considérant que M. X a saisi le Tribunal administratif d'Orléans d'une demande dirigée contre le centre hospitalier régional d'Orléans et tendant à la réparation du préjudice qu'il a subi du fait de l'intervention pratiquée dans cet établissement le 8 janvier 1998 ; qu'à cette occasion, il avait indiqué sa double qualité d'assuré social et d'agent de l'Etat ; que si les premiers juges ont communiqué cette demande à la caisse nationale militaire de sécurité sociale, ils se sont, en revanche, abstenus de mettre en cause l'Etat ; que, toutefois, ce dernier a été appelé à la cause le 10 juillet 2003 par la Cour lorsque lui a été notifié l'arrêt avant dire droit susmentionné ; que dès lors, le ministre de la défense est recevable à présenter, pour la première fois en appel, des conclusions indemnitaires ;

Sur la recevabilité des conclusions présentées en appel de la caisse nationale militaire de sécurité sociale :

Considérant qu'aux termes de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale : Lorsque, sans entrer dans les cas régis par les dispositions législatives applicables aux accidents du travail, la lésion dont l'assuré social ou son ayant droit est atteint est imputable à un tiers, l'assuré ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé conformément aux règles du droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du présent livre. (…) Si la responsabilité du tiers est entière ou si elle est partagée avec la victime, la caisse est admise à poursuivre le remboursement des prestations mises à sa charge à due concurrence de la part d'indemnité mise à la charge du tiers qui répare l'atteinte à l'intégrité physique de la victime, à l'exclusion de la part d'indemnité, de caractère personnel, correspondant aux souffrances physiques ou morales par elle endurées et au préjudice esthétique et d'agrément… (…) La personne victime, les établissements de santé, le tiers responsable et son assureur sont tenus d'informer la caisse de la survenue des lésions causées par un tiers dans des conditions fixées par décret. (…) L'intéressé ou ses ayants droit doivent indiquer, en tout état de la procédure, la qualité d'assuré social de la victime de l'accident ainsi que les caisses de sécurité sociale auxquelles celle-ci est ou était affiliée pour les divers risques. Ils doivent appeler ces caisses en déclaration de jugement commun. A défaut du respect de l'une de ces obligations, la nullité du jugement sur le fond pourra être demandée pendant deux ans, à compter de la date à partir de laquelle ledit jugement est devenu définitif, soit à la requête du ministère public, soit à la demande des caisses de sécurité sociale intéressées ou du tiers responsable, lorsque ces derniers y auront intérêt (…) ;

Considérant que compte tenu, d'une part, du lien qu'établissent ces dispositions entre la détermination des droits de la victime et celle des droits de la caisse et, d'autre part, de l'obligation qu'elles instituent de mettre en cause la caisse de sécurité sociale à laquelle est affiliée la victime en tout état de la procédure afin de la mettre en mesure de poursuivre le remboursement de ses débours par l'auteur de l'accident, une caisse régulièrement mise en cause en première instance mais qui n'a pas interjeté appel dans les délais de jugement rejetant aussi bien ses conclusions que celles de la victime tendant à la condamnation de l'auteur de l'accident, est néanmoins recevable à reprendre ses conclusions tendant au remboursement de ses frais, augmentés le cas échéant des prestations nouvelles servies depuis l'intervention du jugement de première instance, lorsque la victime a elle-même régulièrement exercé cette voie de recours ;

Considérant qu'il suit de là que la caisse nationale militaire de sécurité sociale est recevable à demander, par un mémoire enregistré après l'expiration du délai d'appel, le remboursement des débours résultant pour elle de l'intervention subie par son assuré ;

Sur l'évaluation du préjudice :

Considérant que la réparation du dommage résultant pour M. X de la perte d'une chance de se soustraire au risque dont il n'a pas été informé et qui s'est réalisé doit être fixée à une fraction des différents chefs de préjudice subis ; que, compte tenu du rapprochement entre, d'une part, les risques inhérents à l'intervention chirurgicale sous anesthésie et, d'autre part, les risques encourus en cas de renoncement à celle-ci, cette fraction doit être fixée à 50 % ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le montant des divers frais d'hospitalisation, médicaux, infirmiers et pharmaceutiques exposés s'élève à la somme non contestée de 87 084,10 euros ;

Considérant qu'il résulte du rapport d'expertise effectué à la suite de l'intervention de l'arrêt avant dire droit susvisé, que la consolidation a été acquise à la date du 9 janvier 2002 et que le taux d'incapacité permanente résultant de l'hémiplégie gauche complète, de la perte de vision latérale gauche, de la négligence de l'hémi-espace gauche et des crises d'épilepsie partielles dont M. X est atteint, en relation directe avec l'accident vasculaire cérébral dont il a été victime à la suite de l'intervention chirurgicale du 8 janvier 1998, doit être évalué à 80 % ; que, par suite, il sera fait, eu égard à l'ensemble des circonstances de l'espèce, une juste appréciation du préjudice résultant de l'incapacité permanente de M. X en l'évaluant à 80 000 euros ; qu'ainsi, le montant total du préjudice corporel subi s'élève à 167 084,10 euros ;

Considérant qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice résultant de la part non-physiologique des troubles dans les conditions de l'existence à caractère personnel, du préjudice résultant des souffrances physiques endurées à la suite de l'intervention ainsi que du préjudice esthétique, en les fixant, au total, à 40 000 euros ;

Considérant que le requérant n'a présenté, en première instance, aucune demande relative à un préjudice économique lié à une perte de revenus alors même qu'il était à demi-solde depuis le 22 avril 1999 ; qu'il est ainsi irrecevable à exposer, pour la première fois en appel, des conclusions relatives à la perte de revenus professionnels ;

Considérant que, compte tenu de la fraction de 50 % qu'il convient de retenir ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par M. X en le fixant, en définitive, à la somme de 83 542,05 euros au titre du préjudice relatif à l'atteinte à l'intégrité physique et à 20 000 euros au titre des autres dommages ;

Sur les droits de la caisse nationale militaire de sécurité sociale :

Considérant que la caisse justifie de débours s'élevant à 87 084,10 euros au titre des divers frais d'hospitalisation, médicaux, infirmiers et pharmaceutiques qu'elle a exposés pour M. X ; que le total de sa créance est supérieur à la somme de 83 542,05 euros sur laquelle elle peut s'imputer ; qu'il y a lieu, par suite, de fixer l'indemnité due à la caisse à cette dernière somme ;

Sur les droits de M. X :

Considérant que les droits de la caisse nationale militaire de sécurité sociale ci-dessus déterminés absorbant l'intégralité de la somme de 83 542,05 euros sur laquelle ils peuvent s'imputer, M. X ne peut prétendre au versement d'une somme au titre de l'indemnisation du préjudice relatif à l'atteinte à son intégrité physique ; que l'indemnité à laquelle a droit M. X, correspondant au préjudice personnel qu'il a subi, s'élève ainsi à la somme de 20 000 euros ; qu'il y a lieu dès lors de condamner le centre hospitalier régional d'Orléans à verser à M. X cette dernière somme dont il convient de déduire la provision de 15 000 euros qui lui a été allouée par l'arrêt susvisé du 20 juin 2003 ;

Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :

Considérant que M. X a droit aux intérêts de la somme de 20 000 euros à compter du 1er mars 1999, date de la réception par le centre hospitalier régional d'Orléans de sa demande préalable ; qu'il y a lieu de lui accorder la capitalisation de ces intérêts au 10 août 2001, date à laquelle il a demandé cette capitalisation, alors que les intérêts étaient dus pour au moins une année entière ;

Sur les droits de l'Etat :

Considérant que l'Etat, qui a continué à verser à M. X sa rémunération d'activité du 8 janvier 1998 au 21 avril 2001, date de la mise à la retraite d'office de cet agent, d'abord à taux plein jusqu'au 21 avril 1999, puis, pour moitié, du 22 avril 1999 au 21 avril 2001, est fondé à demander au centre hospitalier régional d'Orléans le remboursement de la somme de 85 319,77 euros correspondant aux soldes, indemnités et charges patronales payées pendant la période d'indisponibilité de M. X ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant qu'ainsi que le demande le requérant, il y a lieu de mettre les frais d'expertise de première instance, liquidés et taxés à la somme de 3 000 F (457,35 euros) pour le docteur Y et à la somme de 6 500 F (990,92 euros) pour le docteur Z, à la charge du centre hospitalier régional d'Orléans ; que, de même, les frais de l'expertise prescrite par la Cour liquidés et taxés à la somme de 600 euros seront supportés par cet établissement ;

Sur l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que M. X, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer au centre hospitalier régional d'Orléans la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des mêmes dispositions, de condamner le centre hospitalier régional d'Orléans à payer à M. X une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le centre hospitalier régional d'Orléans est condamné à verser à M. X la somme de 20 000 euros, de laquelle sera déduite la provision de 15 000 euros déjà versée en exécution de l'arrêt de la Cour du 29 juin 2003. L'indemnité globale de 20 000 euros sera assortie des intérêts légaux à compter du 1er mars 1999. Les intérêts des sommes dues à M. X, échus à la date du 10 août 2001 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés.

Article 2 : Le centre hospitalier régional d'Orléans versera à la caisse nationale militaire de sécurité sociale une somme de 83 542,05 euros (quatre vingt trois mille cinq cent quarante deux euros et cinq centimes).

Article 3 : Le centre hospitalier régional d'Orléans versera à l'Etat une somme de 85 319,77 euros (quatre vingt cinq mille trois cent dix neuf euros et soixante dix sept centimes).

Article 4 : Les frais d'expertise de première instance et d'appel qui s'élèvent à la somme totale de 2 048,27 euros (deux mille quarante huit euros et vingt sept centimes) sont mis à la charge du centre hospitalier régional d'Orléans.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.

Article 6 : Le centre hospitalier régional d'Orléans versera à M. X une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Les conclusions du centre hospitalier régional d'Orléans tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à M. Pascal X, au centre hospitalier régional d'Orléans, à la caisse nationale militaire de sécurité sociale, au ministre de la défense et au ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Une copie de l'arrêt sera transmise aux docteurs Y, Z et A, experts, et au ministre de la santé et des solidarités.

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N° 01NT00582

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4eme chambre
Numéro d'arrêt : 01NT00582
Date de la décision : 14/11/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. PIRON
Rapporteur ?: M. Didier péano
Rapporteur public ?: M. MORNET
Avocat(s) : CASADEI-JUNG

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2005-11-14;01nt00582 ?
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