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13/10/2005 | FRANCE | N°03NT00749

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3eme chambre, 13 octobre 2005, 03NT00749


Vu la requête, enregistrée le 22 mai 2003, présentée pour Mme Suzanne X, demeurant ..., par Me Blazy ; Mme Suzanne X demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 99-4701 du 9 janvier 2003 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a condamné le centre hospitalier général (CHG) de Laval à lui verser la somme de 20 000 euros, qu'elle estime insuffisante, en réparation du préjudice résultant des transfusions sanguines pratiquées au cours de son hospitalisation du 29 octobre 1986 ;

2°) de condamner l'Établissement français du sang (EFS) à lui verser la

somme totale de 152 450 euros au titre du préjudice subi ;

3°) de condamner l'...

Vu la requête, enregistrée le 22 mai 2003, présentée pour Mme Suzanne X, demeurant ..., par Me Blazy ; Mme Suzanne X demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 99-4701 du 9 janvier 2003 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a condamné le centre hospitalier général (CHG) de Laval à lui verser la somme de 20 000 euros, qu'elle estime insuffisante, en réparation du préjudice résultant des transfusions sanguines pratiquées au cours de son hospitalisation du 29 octobre 1986 ;

2°) de condamner l'Établissement français du sang (EFS) à lui verser la somme totale de 152 450 euros au titre du préjudice subi ;

3°) de condamner l'EFS à lui verser une somme de 1 525 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu la loi n° 98-535 du 1er juillet 1998 ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 septembre 2005 :

- le rapport de M. d'Izarn de Villefort, rapporteur ;

- les observations de Me Adde-Daniel, substituant Me Billaud, avocat de l'EFS - Pays de la Loire ;

- les conclusions de M. Millet, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, présentant un placenta prævia, Mme X a été admise au centre hospitalier général (CHG) de Laval pour y accoucher par césarienne ; qu'une importante hémorragie étant apparue dans les suites de cet accouchement pratiqué le 29 octobre 1986, une transfusion sanguine a dû être mise en oeuvre, nécessitant l'utilisation de quinze concentrés globulaires et dix-neuf plasmas frais ; qu'une augmentation des transaminases a été constatée au cours du mois de janvier 1989 ; que le diagnostic de la contamination par le virus de l'hépatite C a été posé le 23 mars 1993 ; que, par le jugement attaqué du 9 janvier 2003, le Tribunal administratif de Nantes a condamné le CHG de Laval à verser à Mme X la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice résultant de cette contamination et à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Mayenne la somme de 5 605,87 euros au titre des débours exposés dans l'intérêt de son assurée ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par l'Établissement français du sang (EFS) :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le pli contenant la requête d'appel de Mme X a été remis aux services postaux à Bordeaux le 13 mai 2003, soit, compte tenu du délai normal d'acheminement du courrier, en temps utile pour parvenir à la Cour à Nantes dans le délai d'appel, lequel expirait le mardi 20 mai 2003 ; que, par suite, alors même que la requête n'a été enregistrée au greffe de la Cour que le 22 mai 2003, la fin de non-recevoir opposée par l'EFS tirée de la tardiveté de l'appel doit être écartée ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 18, point B de la loi du 1er juillet 1998 susvisée que l'ensemble des activités exercées par les établissements de transfusion sanguine est transféré à l'EFS lorsque des conventions, fixant les conditions dans lesquelles les droits et obligations, créances et dettes liés à ces activités lui sont transférés, ont été conclues entre, d'une part, ce dernier, et, d'autre part, chaque personne morale concernée ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le CHG de Laval était partie à une convention de transfert de biens, droits et obligations, créances et dettes au profit de l'EFS, signée le 25 novembre 1999 en application des dispositions de l'article 18 de la loi du 1er juillet 1998 ; que le transfert opéré inclut celui des dettes nées des contentieux transfusionnels recensés dans un état dressé à la date du 30 septembre 1999 ; qu'en l'espèce, Mme X avait saisi en référé le président du Tribunal administratif de Nantes d'une demande tendant à ce que soit ordonnée une mesure d'expertise, à laquelle il a été fait droit par ordonnance du 1er décembre 1995 ; qu'elle avait adressé au CHG de Laval une demande d'indemnité datée du 9 juin 1999 ; que, par suite, seul l'EFS pouvait être tenu responsable des conséquences dommageables de la mauvaise qualité des produits fournis au cours de l'hospitalisation de Mme X en 1986 ; qu'ainsi, c'est à tort que, par le jugement appelé du 9 janvier 2003, le Tribunal administratif de Nantes a considéré que l'EFS avait la qualité d'intervenant en défense et non de défendeur ; que ce jugement doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme X devant le Tribunal administratif de Nantes ;

Sur la responsabilité :

Considérant, qu'en vertu de la loi du 21 janvier 1952 modifiée par la loi du 2 août 1961, les centres de transfusion sanguine ont le monopole des opérations de contrôle médical des prélèvements sanguins, du traitement, du conditionnement et de la fourniture aux utilisateurs des produits sanguins ; qu'eu égard tant à la mission qui leur est confiée par la loi, qu'aux risques que présente la fourniture de produits sanguins, les centres de transfusion sont responsables, même en l'absence de faute, des conséquences dommageables de la mauvaise qualité des produits fournis ;

Considérant qu'aux termes de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 susvisée : En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur. ;

Considérant qu'aucun élément tiré du mode de vie de Mme X ou de son entourage et qu'aucun événement antérieur ou postérieur aux transfusions pratiquées en 1986 n'expliquent sa contamination par le virus de l'hépatite C ; que l'augmentation des transaminases a été constatée le 4 janvier 1989 après ces transfusions ; que ces éléments permettent de présumer que cette contamination a pour origine les transfusions opérées ; que l'enquête transfusionnelle n'a pas permis de retrouver sept personnes sur les trente-quatre donneurs qui sont à l'origine de l'élaboration par le CHG de Laval des produits sanguins utilisés pour procéder aux transfusions litigieuses ; qu'ainsi, l'EFS, qui n'établit pas l'innocuité des produits sanguins incriminés, n'apporte pas la preuve contraire, nonobstant la circonstance qu'un seul donneur identifié se soit révélé positif selon le test Elisa mais toujours négatif par la suite au test Riba ; qu'il ne peut utilement exciper de la circonstance selon laquelle la traçabilité des produits sanguins n'était pas en vigueur avant qu'une circulaire du 15 janvier 1992 ne l'impose ; qu'il s'ensuit que le lien de causalité entre les transfusions et la contamination de Mme X par le virus de l'hépatite C doit être regardé comme étant établi ;

Sur le préjudice :

Considérant que Mme X a été hospitalisée au centre hospitalier régional et universitaire de Rennes du 6 au 7 juillet 1995 pour qu'y soit effectuée une biopsie hépatique de fin de traitement ; que les frais correspondants, auxquels s'ajoutent les frais médicaux, pharmaceutiques et de transport pris en charge par la CPAM de la Mayenne avant le jugement du Tribunal administratif de Nantes et directement imputables au traitement de l'affection dont Mme X est atteinte s'élèvent, dans le dernier état de ses écritures, à la somme de 5 459,25 euros ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise et des pièces médicales qu'elle a produites, que Mme X est atteinte d'une hépatite chronique d'activité modérée ; que si le traitement par l'interféron n'a pas empêché cette activité, il a néanmoins permis à terme une stabilisation des transaminases ; que l'architecture du foie était normale en 1995, en dépit de la présence d'une fibrose fine, qualifiée de minime en 2001 ; que, s'élevant à quatorze au mois de septembre 1993, le score de Knodell obtenu à cette époque n'était plus que de quatre en 1995 ; qu'alors même qu'une hépatite C chronique active est susceptible d'entraîner l'apparition d'une cirrhose, aucun élément n'indique au cas présent que l'état de la requérante évolue dans ce sens ; que, par la seule justification de la persistance de l'activité de l'hépatite, Mme X n'établit pas devant la Cour que son état se serait aggravé depuis le rapport d'expertise ; qu'ainsi, le taux de 20 % proposé par l'expert pour évaluer son incapacité permanente partielle ne peut être remis en cause ; que l'asthénie, les troubles digestifs fonctionnels à type de nausées et de vomissements, le retentissement psychologique important nécessitant un traitement découlant de sa maladie, ayant influé sur le cours de sa vie familiale, et se traduisant, en particulier, par l'inquiétude quant à l'évolution possible de son état de santé, l'incapacité temporaire totale pendant le traitement par l'interféron sont par ailleurs la cause de troubles dans ses conditions d'existence ; que son état a eu un retentissement sur sa vie professionnelle, notamment en faisant obstacle à son reclassement en vue de retrouver un emploi ; que ces préjudices doivent être réparés par l'allocation d'une somme de 25 000 euros, dont 15 000 euros au titre des troubles physiologiques ; que la requérante a éprouvé, en outre, des souffrances physiques en rapport avec les biopsies hépatiques et les examens pratiqués, ainsi qu'avec le traitement par l'interféron de janvier à octobre 1994 ; que l'indemnisation correspondante doit être fixée à la somme de 5 000 euros ;

Sur les droits de la CPAM de la Mayenne :

Considérant que la CPAM de la Mayenne a droit au remboursement des frais médicaux, pharmaceutiques, d'hospitalisation et de transport, qu'elle a pris en charge et qui sont en relation avec le traitement de l'affection dont Mme X est atteinte ; que le montant total de ces frais est de 5 459,25 euros ; qu'il y a lieu, en outre, de condamner l'EFS à lui verser la somme de 760 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par le dernier alinéa de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale ; que la CPAM de la Mayenne n'est cependant recevable ni à solliciter pour la première fois en appel le remboursement de frais d'hospitalisation du 24 au 26 avril 2001, dont elle aurait pu réclamer le montant auprès des premiers juges, ni à demander le remboursement de frais futurs, chiffrés pour la première fois en appel ;

Sur les droits de Mme X :

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X a droit au versement d'une somme de 30 000 euros ;

Sur les dépens :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'EFS les frais de l'expertise ordonnée en référé par le président du Tribunal administratif de Nantes, liquidés et taxés à la somme de 2 500 F (381,12 euros) par ordonnance du 3 décembre 1996 ;

Sur l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que Mme X, qui n'est pas la

partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à payer à l'EFS la somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'elles font également obstacle à ce que le CHG de Laval, qui n'est pas non plus la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à la CPAM de la Mayenne la somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de condamner l'EFS à payer à Mme X et à la CPAM de la Mayenne une somme, chacun, de 1 500 euros au titre des frais exposés par ceux-ci et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 9 janvier 2003 du Tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : L'Établissement français du sang est condamné à payer à Mme X la somme de 30 000 euros (trente mille euros).

Article 3 : L'Établissement français du sang est condamné à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de la Mayenne la somme de 5 459,25 euros (cinq mille quatre cent cinquante-neuf euros et vingt-cinq centimes), outre celle de 760 euros (sept cent soixante euros) au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme X et de sa demande devant le Tribunal administratif de Nantes, le surplus des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Mayenne devant la Cour et le Tribunal administratif de Nantes et les conclusions incidentes de l'Établissement français du sang sont rejetés.

Article 5 : Les dépens exposés en première instance sont mis à la charge de l'Établissement français du sang.

Article 6 : L'Établissement français du sang versera à Mme X et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Mayenne une somme, chacun, de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Suzanne X, à l'Établissement français du sang, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Mayenne et au ministre de la santé et des solidarités.

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N° 03NT00749

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3eme chambre
Numéro d'arrêt : 03NT00749
Date de la décision : 13/10/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. SALUDEN
Rapporteur ?: M. Philippe D IZARN de VILLEFORT
Rapporteur public ?: M. MILLET
Avocat(s) : BLAZY

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2005-10-13;03nt00749 ?
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