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10/08/2005 | FRANCE | N°05NT00829

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, Reconduite a la frontiere, 10 août 2005, 05NT00829


Vu la requête, enregistrée le 27 mai 2005, présentée pour M. Ali X, demeurant ..., par Me Marie-Françoise Blot de la Iglesia, avocat au barreau de Saint-Brieuc ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 05-1615 du 28 avril 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Côtes-d'Armor, en date du 11 avril 2005, décidant sa reconduite à la frontière et fixant la Turquie comme pays à destination duquel l'intéressé devait être reconduit ;
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3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1...

Vu la requête, enregistrée le 27 mai 2005, présentée pour M. Ali X, demeurant ..., par Me Marie-Françoise Blot de la Iglesia, avocat au barreau de Saint-Brieuc ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 05-1615 du 28 avril 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Côtes-d'Armor, en date du 11 avril 2005, décidant sa reconduite à la frontière et fixant la Turquie comme pays à destination duquel l'intéressé devait être reconduit ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

……………………………………………………………………………………………………...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 juillet 2005 :

- le rapport de M. Vandermeeren, président de la Cour ;

- et les conclusions de M. Mornet, commissaire du gouvernement ;

En ce qui concerne la légalité de la décision de reconduite à la frontière :

Considérant qu'aux termes de l'article L.511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) - 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité turque, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 21 juin 2004, de l'arrêté du préfet des Côtes-d'Armor, en date du 16 juin 2004, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il entrait, ainsi, dans le champ d'application de la disposition précitée ;

Sur l'exception d'illégalité de la décision de refus de séjour :

Considérant que l'arrêté du 16 juin 2004 par lequel le préfet des Côtes-d'Armor a refusé à M. X la délivrance d'un titre de séjour, comporte l'exposé des faits et des considérations de droit sur lesquels il se fonde ; que, dès lors, le préfet, qui n'avait pas à préciser les raisons pour lesquelles la situation de l'intéressé ne pouvait pas être régularisée, a suffisamment motivé sa décision ;

Sur les autres moyens :

Considérant qu'il ressort du rapprochement des dispositions des articles L. 511-1 et L.513-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité administrative compétente pour prendre des mesures de reconduite à la frontière, l'est également pour prendre, sur le fondement de l'article L.513-3, les décisions fixant le pays de renvoi des personnes faisant l'objet d'une mesure de reconduite ; qu'ainsi, nonobstant la circonstance que la décision fixant le pays de renvoi constitue, aux termes de l'article L.513-3 du code, une décision distincte, M. Jacques Michelot, secrétaire général de la préfecture des Côtes-d'Armor, qui avait régulièrement reçu délégation de signature du préfet des Côtes-d'Armor, par arrêté en date du 26 août 2004, régulièrement publié au recueil des actes administratifs du département du même jour, pour signer les arrêtés de reconduite à la frontière prévus à l'article L.511-1 du même code, tenait de cette délégation compétence pour signer la décision fixant le pays de renvoi de M. X, lequel avait fait, le même jour, l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ; qu'il suit de là que le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté et la décision contestés aurait été pris par une autorité incompétente ;

Considérant que, si M. X, de nationalité turque, fait valoir que sa famille est parfaitement intégrée à la société française, que ses deux enfants sont scolarisés, que plusieurs membres de sa famille sont titulaires d'un titre de séjour et que sa femme suit des cours de français et participe à des activités associatives, il ressort, toutefois, des pièces du dossier que l'intéressé n'est entré en France qu'en mars 2002 et que son épouse, elle-même de nationalité turque, est également en situation irrégulière ; que, dans ces circonstances, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du 11 avril 2005 n'a pas porté au droit de M.X au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le préfet des Côtes-d'Armor n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision contestée sur la situation personnelle de l'intéressé ;

En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L.513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (…) ; que ce dernier texte énonce que : Nul ne peut être soumis à la torture ni des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ; que ces dispositions combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement, un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait des personnes ou groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;

Considérant que M. X fait valoir qu'il est recherché par les autorités turques en raison de ses origines kurdes et ses activités de militant au sein du MLKP, qu'il a déjà été arrêté à deux reprises et a subi des violences et tortures, qu'il a dû fuir après avoir été condamné à trois ans et neuf mois de prison et que sa maison d'Antalya a été détruite par les autorités de son pays ; que, si le requérant produit une copie d'un mandat d'arrêt émanant du procureur de la République près de la Cour de sûreté de l'Etat de Turquie et faisant état d'une condamnation, ce document, qui ne comporte, toutefois, ni le nom de ce procureur, ni la date de cette condamnation, ne présente pas un degré d'authenticité suffisant ; que les autres pièces produites par l'intéressé, et, notamment, les photographies d'une maison en cours de démolition, ne sont pas davantage de nature à établir la réalité des risques auxquels l'intéressé serait personnellement exposé en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'ainsi, le moyen tiré par M. X de ce que le préfet des Côtes-d'Armor ne pouvait légalement fixer la Turquie comme pays de destination sans méconnaître les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à M. X la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. X, au préfet des Côtes-d'Armor et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

N° 05NT00829

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : Reconduite a la frontiere
Numéro d'arrêt : 05NT00829
Date de la décision : 10/08/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. le Prés Roland VANDERMEEREN
Rapporteur public ?: M. MORNET
Avocat(s) : BLOT DE LA IGLESIA

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2005-08-10;05nt00829 ?
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