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17/06/2005 | FRANCE | N°05NT00416

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, Reconduite a la frontiere, 17 juin 2005, 05NT00416


Vu la requête, enregistrée le 15 mars 2005, présentée pour Mlle Khadi X, demeurant ..., par Me Rouxel, avocat au barreau de Nantes ;

Mlle X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0500699 du 17 février 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 janvier 2005 par lequel le préfet de la Mayenne a décidé sa reconduite à la frontière et de la décision du même jour fixant le pays de destination de la reconduite ;

2°) d'annuler cet arrêté

et cette décision pour excès de pouvoir ;

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Vu le...

Vu la requête, enregistrée le 15 mars 2005, présentée pour Mlle Khadi X, demeurant ..., par Me Rouxel, avocat au barreau de Nantes ;

Mlle X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0500699 du 17 février 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 janvier 2005 par lequel le préfet de la Mayenne a décidé sa reconduite à la frontière et de la décision du même jour fixant le pays de destination de la reconduite ;

2°) d'annuler cet arrêté et cette décision pour excès de pouvoir ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du 26 janvier 2005 par laquelle le président de la Cour a délégué M. Martin pour statuer sur les appels interjetés contre les jugements rendus par les présidents de tribunaux administratifs ou leurs délégués en matière de reconduite à la frontière ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu la loi n° 91-547 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 juin 2005 :

- le rapport de M. Martin, magistrat délégué,

- les observations de Me Rouxel, avocat de Mlle X,

- et les conclusions de M. Mornet, commissaire du gouvernement ;

Sur la légalité de l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle X :

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle Khadi X, de nationalité sénégalaise, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 3 août 2004, de la décision du préfet de la Mayenne en date du 27 juillet 2004 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'elle entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;

Considérant que le moyen tiré de que Mlle X encourrait, ainsi que ses deux filles, des risques en cas de retour au Sénégal est inopérant à l'encontre de l'arrêté de reconduite à la frontière ;

Considérant que, si Mlle X soutient que l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière serait contraire aux dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, elle n'assortit ce moyen d'aucune précision permettant au juge d'en apprécier le bien-fondé ; que ce moyen doit, par suite, être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mlle X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 janvier 2005 par lequel le préfet de la Mayenne a décidé sa reconduite à la frontière ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ; qu'aux termes du second alinéa de l'article 27 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (…) ;

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;

Considérant que Mlle X soutient qu'en cas de retour dans son pays d'origine, ses deux filles, nées les 7 janvier 1999 et 17 juin 2003, seraient menacées d'excision et qu'elle encourrait, elle-même, des risques pour son intégrité physique de la part de sa belle-famille, favorable à cette mutilation coutumière ; que la pratique traditionnelle de l'excision demeure largement répandue au Sénégal, notamment au sein de l'ethnie Diakhanké à laquelle Mlle X appartient par sa belle-famille ; que la réalité des risques d'excision auxquels ses filles sont exposées et des menaces encourues personnellement par la requérante, qui a elle-même été excisée dans son enfance, est établie par les pièces du dossier ; qu'il ressort également des pièces du dossier que Mlle X a clairement manifesté, alors qu'elle se trouvait au Sénégal, qu'elle refusait que sa fille première née soit excisée ; qu'ainsi, et nonobstant le fait que le Sénégal, par l'intervention d'une loi en date du 24 janvier 1999, prétend interdire et sanctionner la pratique de l'excision, la décision du 21 janvier 2005 par laquelle le préfet de la Mayenne a ordonné la reconduite de Mlle X vers son pays d'origine est intervenue en méconnaissance des dispositions de l'article 27 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mlle X est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Nantes a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision du 21 janvier 2005 par laquelle le préfet de la Mayenne a ordonné sa reconduite vers son pays d'origine ;

DÉCIDE :

Article 1er : La décision du préfet de la Mayenne en date du 21 janvier 2005, fixant le Sénégal comme pays de renvoi de Mlle X, est annulée.

Article 2 : Le jugement n° 05699 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Nantes est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de la demande de Mlle X tendant à l'annulation de la décision du préfet de la Mayenne en date du 21 janvier 2005 fixant le Sénégal comme pays de renvoi de l'intéressée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle Khadi X, au préfet de la Mayenne et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

N° 05NT00416

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : Reconduite a la frontiere
Numéro d'arrêt : 05NT00416
Date de la décision : 17/06/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Laurent MARTIN
Rapporteur public ?: M. MORNET
Avocat(s) : ROUXEL

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2005-06-17;05nt00416 ?
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