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17/06/2005 | FRANCE | N°05NT00400

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, Reconduite a la frontiere, 17 juin 2005, 05NT00400


Vu la requête, enregistrée le 14 mars 2005, présentée pour Mme Gizela X, élisant domicile chez Mme Floare Y, ..., par Me Marie-Françoise Blot de la Iglesia, avocat au barreau de Saint-Brieuc ;

Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°05-582 du 16 février 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 février 2005 du préfet des Côtes-d'Armor décidant sa reconduite à la frontière et fixant la Roumanie comme pays de destination de la reconduite

;

2°) d'annuler cet arrêté pour excès de pouvoir ;

3°) de condamner l'Etat à lui ...

Vu la requête, enregistrée le 14 mars 2005, présentée pour Mme Gizela X, élisant domicile chez Mme Floare Y, ..., par Me Marie-Françoise Blot de la Iglesia, avocat au barreau de Saint-Brieuc ;

Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°05-582 du 16 février 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 février 2005 du préfet des Côtes-d'Armor décidant sa reconduite à la frontière et fixant la Roumanie comme pays de destination de la reconduite ;

2°) d'annuler cet arrêté pour excès de pouvoir ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

……………………………………………………………………………………………………...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du 26 janvier 2005 par laquelle le président de la Cour a délégué M. Martin pour statuer sur les appels interjetés contre les jugements rendus par les présidents de tribunaux administratifs ou leurs délégués en matière de reconduite à la frontière ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 juin 2005 :

- le rapport de M. Martin, magistrat délégué,

- et les conclusions de M. Mornet, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant qu'aux termes du quatrième alinéa de l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France : L'audience est publique. Elle se déroule sans conclusion du commissaire du gouvernement, en présence de l'intéressé, sauf si celui-ci, dûment convoqué, ne se présente pas et qu'aux termes de l'article R. 776-10 du code de justice administrative : Les parties doivent être averties par tous moyens de la date, de l'heure et du lieu de l'audience. ; qu'il résulte de ces dispositions que l'étranger qui a formé un recours contre l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière doit, même s'il est assisté d'un avocat, être personnellement convoqué à l'audience ;

Considérant que, si le jugement du 16 février 2005 mentionne que les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience, et que l'avocat de Mme X a été entendu en ses observations orales, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme X ait été elle-même convoquée à l'audience au cours de laquelle a été examinée sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet des Côtes-d'Armor ordonnant sa reconduite à la frontière ; qu'il suit de là que le jugement attaqué est intervenu sur une procédure irrégulière et doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée devant le tribunal administratif par Mme X ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X, de nationalité roumaine, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 5 octobre 2004, de la décision du préfet des Côtes-d'Armor du 4 octobre 2004 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'elle entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;

Sur l'exception d'illégalité de la décision de refus de carte de résident :

Considérant qu'à l'appui de sa requête dirigée contre l'arrêté du 4 février 2005 décidant sa reconduite à la frontière, Mme X soulève, par la voie de l'exception, le moyen tiré de l'illégalité de la décision du 4 octobre 2005 du préfet des Côtes-d'Armor lui refusant le renouvellement de sa carte de résident ;

Considérant que Mme X ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, lesquelles ne s'appliquent pas aux cas où il est statué sur une demande, pour soutenir que la décision par laquelle le préfet des Côtes-d'Armor a refusé de lui délivrer une carte de résident serait irrégulière faute d'avoir été précédée d'une procédure contradictoire ;

Considérant qu'aux termes de l'article 16 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée : La carte de résident est valable dix ans. Sous réserve des dispositions de l'article 15 bis et de l'article 18, elle est renouvelable de plein droit ; qu'en vertu du 4 de l'article 3 du décret du 30 juin 1946 susvisé, la demande de renouvellement du titre de séjour doit être présentée par l'intéressé dans le courant des deux derniers mois précédant son expiration ;

Considérant qu'il résulte de la combinaison des dispositions précitées qu'une demande de renouvellement de carte de résident doit être présentée, à peine d'irrecevabilité, au cours des deux derniers mois précédant l'expiration de cette carte ; que Mme X n'a sollicité le renouvellement de sa carte de résident, laquelle avait expiré le 1er juillet 1997, que le 4 mars 2004 ; que cette demande était tardive, et donc irrecevable ;

Considérant qu'aux termes de l'article 14 de l'ordonnance susvisée du 2 novembre 1945 : Tout étranger qui justifie d'une résidence non interrompue conforme aux lois et règlements en vigueur, d'au moins cinq années en France, peut obtenir une carte de résident… ; que, lorsque le préfet est saisi d'une demande de renouvellement d'un titre de séjour après expiration du délai mentionné au 4 de l'article 3 sus-rappelé du décret du 30 juin 1946, cette demande doit être regardée comme tendant à la première délivrance d'un titre de séjour de même nature ; que Mme X ne justifiant pas, à la date de l'arrêté contesté, par les documents qu'elle produit, d'une résidence non interrompue d'une durée de cinq ans, ne peut se prévaloir de ces dispositions pour contester l'arrêté, lequel n'est entaché d'aucune erreur de fait, par lequel le préfet des Côtes-d'Armor a refusé de lui délivrer une carte de résident ;

Sur la légalité externe de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Jacques Z, secrétaire général de la préfecture des Côtes-d'Armor, qui a signé l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué, avait reçu du préfet des Côtes-d'Armor, par arrêté du 26 août 2004 publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, délégation de signature à l'effet de signer en toutes matières, tous actes et correspondances incombant au préfet, à l'exclusion de certains actes au nombre desquels ne figurent ni les arrêtés de reconduite à la frontière, ni ceux fixant le pays de destination de la reconduite ; que le moyen tiré de ce que l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de Mme X et fixant la Roumanie comme pays de destination de sa reconduite aurait été signé par une autorité incompétente doit dès lors être écarté ;

Considérant qu'aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 susvisée : Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi nº 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix (...). Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables : (...) 3º Aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble des dispositions des articles 22 et 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relatives à la reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière, lesquelles ouvrent un recours suspensif devant le juge administratif, organisent les garanties dont bénéficie l'étranger pour pouvoir exercer utilement ledit recours et fixent les délais dans lesquels ces recours doivent être présentés et jugés, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions pouvant faire l'objet de ces recours et, par suite, exclure l'application des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 selon lesquelles les décisions qui doivent être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979 ne peuvent légalement intervenir qu'après que l'intéressé a été mis à même de présenter des observations écrites ou orales ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la mesure de reconduite serait illégale faute d'avoir été précédée du recueil des observations de Mme A doit être écarté ;

Sur la légalité interne de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant que, si Mme X fait valoir que tous les membres de sa famille ont fui avec elle la Roumanie, il ne ressort pas des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment des conditions de séjour de Mme X en France, qui est célibataire et sans enfant et qui ne démontre pas l'absence d'attache familiale dans son pays d'origine, l'arrêté du préfet des Côtes-d'Armor, en date du 4 février 2005, ait porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant que si la requérante fait valoir que son état de santé nécessite un suivi médical régulier, il ne résulte pas des pièces du dossier que l' affection dont elle souffre ne puisse être soignée dans un autre pays ; que le préfet des Côtes-d'Armor a donc pu, sans entacher son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cette mesure sur la situation personnelle de Mme X, décider qu'elle serait reconduite à la frontière ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande présentée par Mme X devant le Tribunal administratif de Rennes doit être rejetée ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à Mme X la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 16 février 2005 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rennes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme X devant le Tribunal administratif de Rennes et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Gizela X, au préfet des Côtes-d'Armor et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

N° 05NT00400

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : Reconduite a la frontiere
Numéro d'arrêt : 05NT00400
Date de la décision : 17/06/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Laurent MARTIN
Rapporteur public ?: M. MORNET
Avocat(s) : BLOT DE LA IGLESIA

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2005-06-17;05nt00400 ?
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