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20/12/2004 | FRANCE | N°03NT01624

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre b, 20 décembre 2004, 03NT01624


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 14 octobre 2003, présentée pour la société SAUR France dont le siège est 1 avenue Freyssinet à Saint-Quentin-en-Yvelines (78064), par Me Laurent, avocat au barreau de Paris ; la société SAUR France demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 02-731 du 25 juin 2003 par lequel le Tribunal administratif de Nantes ne lui a accordé qu'une réduction partielle de la taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1998 dans les rôles de la commune de Landevieille ;

2°) de lui accorde

r la réduction de l'imposition restant en litige ;

3°) de condamner l'Etat à lui...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 14 octobre 2003, présentée pour la société SAUR France dont le siège est 1 avenue Freyssinet à Saint-Quentin-en-Yvelines (78064), par Me Laurent, avocat au barreau de Paris ; la société SAUR France demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 02-731 du 25 juin 2003 par lequel le Tribunal administratif de Nantes ne lui a accordé qu'une réduction partielle de la taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1998 dans les rôles de la commune de Landevieille ;

2°) de lui accorder la réduction de l'imposition restant en litige ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés ;

……………………………………………………………………………………………………...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 novembre 2004 :

- le rapport de Mme Stefanski, rapporteur ;

- les observations de Me Laurent, avocat de la société SAUR France et les observations de M. Pasquier, représentant le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;

- et les conclusions de M. Hervouet, commissaire du gouvernement ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

Considérant que, par contrat de gérance conclu le 29 février 1956 et avenants n°s 9 et 10, le syndicat intercommunal d'alimentation en eau potable du pays de Brem a confié à la Compagnie de services et d'environnement (CISE) aux droits de laquelle vient la société SAUR France, l'exploitation d'une usine de production et de distribution d'eau potable située à Landevieille ainsi que d'un château d'eau situé au lieudit “La Nathalinière” ; que l'administration a redressé les bases d'imposition de la société à la taxe professionnelle en ce qui concerne les biens passibles de taxe foncière et les biens non passibles de taxe foncière ; que la société SAUR, qui admet désormais le principe de son imposition à la taxe professionnelle, demande la réformation du jugement attaqué en tant que le Tribunal administratif de Nantes ne lui a accordé qu'une réduction partielle de la taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1998 ; que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie demande, par la voie du recours incident, l'annulation des articles 2 et 3 du même jugement par lesquels le tribunal administratif a déchargé la société des droits et pénalités correspondant à une réduction de la valeur locative des équipements et outillages ;

En ce qui concerne les bases de l'imposition :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 1467 du code général des impôts : “La taxe professionnelle a pour base… a) la valeur locative, telle qu'elle est définie aux articles 1469, 1518 A et 1518 B, des immobilisations corporelles dont le contribuable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence…” ; que les immobilisations dont la valeur locative est ainsi intégrée dans l'assiette de la taxe professionnelle sont les biens placés sous le contrôle du redevable et que celui-ci utilise matériellement pour la réalisation des opérations qu'il effectue ;

Considérant qu'il résulte notamment de l'article 2 de la convention susmentionnée et de l'article 3 de l'avenant n° 9 que le syndicat met à la disposition de son cocontractant l'ensemble des installations du réseau de production et de distribution d'eau et que celui-ci assure seul la fourniture des services ; qu'en application de l'article 3 de la convention, le cocontractant prend en charge les installations, dont il assure le fonctionnement et le bon état de marche ; qu'en vertu de l'article 12 de la convention, il perçoit les redevances auprès des usagers ; que, dans ces conditions, quelle que soit la nature juridique des contrats conclus entre le syndicat et la société requérante, la CISE doit être regardée comme ayant eu, au cours des années en cause, la disposition de l'ensemble de ces biens pour la réalisation des opérations qu'elle effectue ; que la circonstance qu'une partie des recettes du service n'entre pas dans sa rémunération et ait pour objet de compenser le coût des investissements exposés par le syndicat, est sans influence sur l'application des dispositions précitées alors qu'il est constant que la CISE a disposé de l'ensemble des immobilisations de l'usine de production d'eau potable pour son activité ; que, par suite, c'est par une exacte application des dispositions précitées de l'article 1467 du code général des impôts, que la valeur locative de l'ensemble de ces immobilisations a été intégrée dans les bases d'imposition de la taxe professionnelle de la CISE ;

Considérant, d'autre part, que l'article 1467 du code général des impôts se fonde sur le critère de la disposition des biens pour définir la base d'imposition de la taxe professionnelle du contribuable et non sur la qualité de propriétaire de ces biens ; que, dès lors qu'au regard de ce critère de mise à disposition, le concessionnaire et le fermier se trouvent dans la même situation, la société SAUR France ne peut utilement soutenir que les stipulations combinées de l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er de son premier protocole additionnel seraient méconnues, en ce qu'un fermier, qui n'est pas propriétaire de ces biens, serait imposé selon les mêmes modalités qu'un concessionnaire qui en serait propriétaire ;

Considérant que la société requérante ne saurait utilement se prévaloir, sur le fondement des dispositions de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales, des dispositions du paragraphe 2 de la documentation administrative 6-C-211 qui ne concernent que les propriétaires de ce type d'installations ;

En ce qui concerne le calcul de la valeur locative des différents éléments entrant dans la base d'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article 1469 du code général des impôts : “La valeur locative est déterminée comme suit : 1° Pour les biens passibles d'une taxe foncière, elle est calculée suivant les règles fixées pour l'établissement de cette taxe…” ; que les règles suivant lesquelles est déterminée la valeur locative des biens passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties sont différemment définies, notamment, à l'article 1499 en ce qui concerne les “immobilisations industrielles” et à l'article 1498 en ce qui concerne les biens autres que les locaux d'habitation ou à usage professionnel et les établissements industriels ;

Considérant que la société SAUR France fait valoir, en premier lieu, que les biens passibles de la taxe foncière dont elle dispose, étant affectés à un service public, ne peuvent être regardés comme des biens industriels et doivent être exonérés en application du 1° de l'article 1382 du code général des impôts ; que les immeubles dont elle dispose ne sont toutefois pas au nombre de ceux dont ce texte donne la liste ; que la société requérante ne peut davantage invoquer à son profit ni les dispositions de l'article 1449 du code général des impôts, qui exonèrent de taxe professionnelle les collectivités locales et les ports autonomes, ni celles de l'article 1463 qui concernent les concessionnaires de mines, ni enfin et en tout état de cause, celles de l'article 1654 du même code qui assujettissent les établissements publics aux impôts et taxes de toute nature auxquels sont assujetties les entreprises privées ;

Considérant, en second lieu, que la société SAUR France soutient que si elle doit être prise en compte, la valeur locative de ces biens passibles de la taxe foncière doit être calculée conformément aux dispositions du 3° de l'article 1498 du code général des impôts relatifs aux locaux commerciaux et biens divers ; que, toutefois, le caractère industriel de l'activité d'une entreprise s'apprécie au regard de la nature des opérations qu'elle effectue ainsi que de l'importance des moyens techniques qu'elle met en oeuvre ; qu'il résulte de l'instruction que l'activité de la société requérante comporte des opérations de transformation des eaux afin de produire de l'eau potable ; qu'il est constant qu'elle a disposé, au cours des années litigieuses, d'outillages et matériels importants ; qu'ainsi, les opérations qu'effectue la société requérante présentent, eu égard à leur nature et à l'importance des moyens techniques mis en oeuvre, un caractère industriel au sens de l'article 1499 du code général des impôts ;

Considérant par ailleurs que les instructions 6 E-131, 6 C-112, 6 C-123 et 6 C-1213 ainsi que le III du A de la note 6 M-10-73 du 14 août 1973 et le paragraphe 41 de l'instruction 6 E-7-75 du 30 octobre 1975 ne concernent pas, en tout état de cause, l'exploitation de services de production d'eau potable par une entreprise de droit privé réalisant des opérations à caractère lucratif ; que la société ne saurait, dès lors, utilement s'en prévaloir sur le fondement de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales ; qu'en tout état de cause, l'instruction 6 E-7-75 susmentionnée est un document interne à l'administration, qui n'ayant pas fait, de la part de celle-ci, l'objet d'une diffusion destinée aux contribuables, ne peut être regardée comme comportant une interprétation formelle d'un texte fiscal ;

S'agissant de l'application de la loi fiscale aux constructions :

Considérant qu'aux termes de l'article 1501 du code général des impôts : “Des modalités particulières d'évaluation peuvent être fixées par décret en Conseil d'Etat pour des catégories de locaux, établissements ou installations de caractère industriel ou commercial, lorsqu'il existe dans différentes communes des biens de cette nature présentant des caractéristiques analogues” ; que l'administration a fait application de ces dispositions pour déterminer la valeur locative des installations de production et de distribution d'eau potable et a retenu les indications du tarif prévu par l'arrêté interministériel du 9 janvier 1976 pris en application de l'article 310 A de l'annexe II au code général des impôts ;

Considérant que le moyen tiré par la société SAUR France de ce que l'article 1501 du code général des impôts ne serait pas applicable au cas d'espèce au motif que les installations qu'elle exploite ne seraient pas de nature industrielle doit être écarté dès lors que, comme il vient d'être dit, les installations litigieuses sont de nature industrielle ;

Considérant, de la même manière, qu'à supposer même que le château d'eau mis à la disposition de la société CISE soit situé sur une parcelle éloignée de celle de l'usine de production d'eau potable, cette circonstance est sans incidence en l'espèce, dès lors que les modalités particulières d'évaluation prévues par l'article 1501 s'appliquent aux bâtiments comme aux réservoirs destinés à la production d'eau potable, quelle que soit leur situation géographique ;

Considérant que les taux d'intérêts et abattements prévus par les articles 324 AB et 324 AC de l'annexe III au code général des impôts s'appliquent aux évaluations effectuées en vertu de l'article 1498 du même code et non dans le cadre de l'article 1501, le barème prévu par cet article ayant déjà intégré de telles atténuations ;

S'agissant de l'application de la loi fiscale aux outillages et matériels :

Considérant que, contrairement à ce que soutient la société SAUR France, la valeur des outillages et matériels ne peut être regardée comme comprise dans la valeur locative des locaux ; que l'administration était par suite fondée à en calculer la valeur locative spécifique pour la comprendre dans la base de la taxe litigieuse ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1469 du code général des impôts : “La valeur locative est déterminée comme suit : … 2° Les équipements et biens mobiliers dont la durée d'amortissement est au moins égale à trente ans sont évalués suivant les règles applicables aux bâtiments industriels… ; 3° Pour les autres biens… la valeur locative est égale à 16 pour 100 du prix de revient…” ; que l'administration a évalué les outillages et matériels non passibles de taxe foncière en appliquant les règles définies au 3° de l'article 1469 du code au motif que leur durée d'amortissement était inférieure à trente ans ;

Considérant, d'une part, que si la société requérante fait valoir qu'en raison de leur nature, ces équipements devraient être évalués en fonction des règles posées par le premier alinéa du 1° de l'article 1469 du code général des impôts, ce moyen doit en tout état de cause être écarté dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que ces équipements seraient constitués d'immeubles passibles de la taxe foncière ;

Considérant, d'autre part, que lorsque des matériels et outillages ne font pas, comme en l'espèce l'objet d'un amortissement comptable, faute d'être inscrits au bilan d'une entreprise, le choix entre le 2° et le 3° de l'article 1469 du code général des impôts doit être effectué en fonction de la durée de vie probable de ces biens ; que si la société SAUR France fait valoir que certains des matériels et outillages qu'elle utilise, ont une durée d'amortissement supérieure ou égale à trente ans et doivent, par suite, être évalués en fonction des règles définies par le 2° de l'article 1469 du code général des impôts, il résulte au contraire de la liste annexée à la convention que la durée d'utilisation de l'ensemble de ces matériels est inférieure à trente ans ; que l'administration était, par suite, fondée à faire application du 3° de ce même article alors même que la collectivité publique aurait décidé d'amortir l'ensemble des installations sur une période supérieure ou égale à trente ans ; que, dès lors, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a déchargé la société requérante en estimant qu'elle était fondée à revendiquer l'application du 2° de l'article 1469 ; que, s'agissant de la détermination de la valeur locative des matériels et outillages en application de la loi fiscale, la société SAUR France ne soulevait, devant les premiers juges, aucun autre moyen dont la Cour serait saisie par l'effet dévolutif de l'appel ;

S'agissant du bénéfice de l'interprétation de la loi fiscale donnée par l'administration :

Considérant que la société requérante ne peut invoquer, pour l'évaluation de la valeur locative de l'usine de production d'eau potable et de ses matériels et outillages, sur le fondement de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales, les dispositions des documentations administratives de base 6 B-1211, 6 C-112, 6 C-1212, 6 C-1213, 6 C-123, 6 C-124, 6 C-211, 6 C-2331, 6 C-2332, 6 C-2333, 6 C-2532, 6 C-262 et du paragraphe 41 de l'instruction 6 E-7-75 qui ne donnent pas d'autre interprétation de la loi fiscale que celle dont il est fait application dans le présent arrêt ; que la société requérante ne saurait davantage utilement invoquer la réponse ministérielle faite à M. Arthuis, sénateur (Sénat, 4 avril 1991) dès lors que celle-ci ne concerne pas le même type de biens ;

Considérant que, s'agissant des impositions restant en litige, il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que la société SAUR France n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nantes a rejeté le surplus des conclusions de sa demande et, d'autre part, que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie est fondé à demander l'annulation des articles 2 et 3 du même jugement ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à la société SAUR France la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 2 et 3 du jugement du Tribunal administratif de Nantes en date du 25 juin 2003 sont annulés.

Article 2 : La taxe professionnelle assignée à la société SAUR France au titre de l'année 1998 est rétablie à concurrence des sommes déchargées par le Tribunal administratif de Nantes.

Article 3 : Les conclusions de la requête de la société SAUR France sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société SAUR France et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

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N° 03NT01624

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre b
Numéro d'arrêt : 03NT01624
Date de la décision : 20/12/2004
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : Mme MAGNIER
Rapporteur ?: Mme Colette STEFANSKI
Rapporteur public ?: M. HERVOUET
Avocat(s) : LAURENT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2004-12-20;03nt01624 ?
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