Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 1er juin 2001, complétée par un mémoire enregistré le 12 juin 2001, présentés par Mme Josiane X, demeurant ... ; Mme Josiane X demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement n° 00.963, en date du 5 avril 2001, par lequel le Tribunal administratif de Caen a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1996 et 1997 ;
2°) de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre des années 1996 et 1997 à raison de la réintégration dans ses revenus imposables de ses frais de double résidence ;
3°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 novembre 2004 :
- le rapport de M. Luc Martin, rapporteur ;
- et les conclusions de M. Hervouet, commissaire du gouvernement ;
Sur l'appel principal de Mme X :
Considérant qu'aux termes de l'article 83 du code général des impôts, le montant net du revenu imposable dans la catégorie des traitements et salaires est déterminé en déduisant du montant brut des sommes payées et des avantages en argent et en nature accordés : 3°- Les frais inhérents à la fonction ou à l'emploi lorsqu'ils ne sont pas couverts par des allocations spéciales. La déduction à effectuer du chef des frais professionnels est calculée forfaitairement en fonction du revenu brut ... ; elle est fixée à 10 % du montant de ce revenu... Les bénéficiaires de traitements et salaires sont également admis à justifier du montant de leurs frais réels... ;
Considérant qu'en vertu de ces dispositions les frais de transport réellement exposés par les contribuables pour se rendre à leur lieu de travail et en revenir doivent, en règle générale et à condition qu'ils ne soient pas couverts par des allocations spéciales, être regardés comme inhérents à leur fonction ou à leur emploi et, par suite, admis, sur demande, en déduction de leurs rémunérations brutes ; qu'il n'en va autrement que lorsque, sauf circonstances particulières, l'installation ou le maintien du domicile dans un lieu différent du lieu de travail entraînant des frais de transport importants ainsi éventuellement que des frais de double résidence, présente un caractère anormal ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme X, divorcée avec deux enfants à charge, après avoir connu une période de chômage dans la région de Chartres, a trouvé un emploi salarié en région parisienne ; qu'elle a pris en location un logement à proximité de son lieu de travail tout en séjournant, au moins chaque fin de semaine et lors des congés, dans une maison lui appartenant à Condeau, dans le département de l'Orne ; qu'elle a déduit de ses revenus imposables des années 1996 et 1997 les frais réels qu'elle a exposés pour la location de son logement en région parisienne, sis à Colombes puis à Levallois-Perret, et à l'occasion de ses déplacements hebdomadaires, entre la région parisienne et sa résidence ornaise ; que l'administration a remis en cause ces déductions et a redressé le revenu imposable de la requérante après avoir appliqué la déduction forfaitaire de 10 % prévue par les dispositions précitées de l'article 83-3° du code général des impôts ;
Considérant qu'après avoir occupé plusieurs emplois précaires, Mme X a obtenu un emploi stable dans la société Alcatel à l'automne 1995, lui permettant d'envisager un emménagement définitif à proximité de son lieu de travail situé à Colombes (Hauts de Seine), puis à Vélizy (Yvelines) ; qu'elle soutient cependant avoir dû renoncer à ce projet compte tenu de la difficulté de réinsérer à bref délai en région parisienne sa fille mineure, handicapée, qui était scolarisée dans un institut spécialisé près de Chartres et hébergée dans une famille d'accueil le soir, en semaine ; que, contrairement à ce que soutient l'administration, le domicile de Condeau était plus proche et plus facilement accessible de Chartres que ne l'était la résidence de Mme X en région parisienne ; qu'ainsi, grâce à un aménagement de ses horaires de travail confirmé par une attestation de son employeur, Mme X pouvait parfois rejoindre en semaine sa maison de Condeau pour y retrouver sa fille handicapée ; que, par suite, le ministre ne contestant pas sérieusement la réalité des allégations de la requérante, la nécessité pour cette dernière de maintenir son domicile à proximité du centre où était scolarisée sa fille, alors même que celle-ci était prise en charge par une famille d'accueil, est de nature à autoriser la déduction, sous réserve qu'ils soient justifiés, des frais réels de transport et de double résidence exposés par Mme X au cours des années 1996 et 1997 ;
Considérant que les frais de transport que Mme X a exposés à l'occasion de ses déplacements entre Condeau et la région parisienne ne sont pas contestés et doivent par suite être admis en déduction ; que doivent également être admis les frais inhérents au logement dont disposait Mme X en région parisienne, à l'exclusion toutefois des dépenses dites d'équipement, lesquelles ne peuvent être regardées comme ayant été exposées pour l'acquisition ou la conservation d'un revenu ; qu'ainsi, les frais professionnels déductibles doivent être fixés respectivement à 84 954 F (12 951,15 euros) pour 1996 et 84 641 F (12 903,44 euros) pour 1997 ;
Sur le recours incident du ministre :
Considérant que les dispositions alors applicables des articles 199 sexies, 199 sexies C et 199 sexies D du code général des impôts ouvrent droit à des réductions d'impôt sur le revenu au titre de certaines dépenses exposées par le contribuable à la condition, notamment, qu'elles soient afférentes à son habitation principale ;
Considérant que Mme X a entendu bénéficier de ces dispositions au titre des années 1996 et 1997 à raison d'intérêts d'emprunt ainsi que de dépenses de grosses réparations afférentes à sa maison sise à Condeau et dont elle a supporté la charge ; que les réductions d'impôt n'ont pas été admises par le service au seul motif que ladite maison ne constituait pas l'habitation principale de l'intéressée au sens des dispositions susmentionnées du code général des impôts ; que le tribunal administratif a, par le jugement attaqué, accordé la décharge des impositions supplémentaires auxquelles la requérante a été assujettie à raison de la remise en cause de ces réductions d'impôt ; que le ministre, par la voie de l'appel incident, demande à la Cour de rétablir ces impositions ;
Considérant que la résidence principale, au sens des dispositions des articles 199 sexies et suivants du code général des impôts est celle où le contribuable réside habituellement avec les membres de sa famille et où se situe le centre de ses intérêts ;
Considérant que le ministre soutient que, dès lors que Mme X résidait selon ses propres déclarations 240 jours par an dans son appartement sis en région parisienne, que ses deux filles à charge étaient, l'une, pensionnaire dans un lycée agricole dans l'Indre, l'autre hébergée dans une famille d'accueil à Chartres, la maison de Condeau devait être regardée comme la résidence secondaire de la requérante et non comme son habitation principale ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que si, comme il vient d'être dit, Mme X a été contrainte de prendre en location un appartement en région parisienne pour des raisons inhérentes à sa profession, elle a maintenu sa résidence familiale à Condeau du fait de la proximité de cette commune avec l'institut médico-éducatif où était scolarisée sa fille mineure handicapée ; qu'elle y séjournait effectivement avec ses enfants, aussi souvent que ses contraintes professionnelles le lui permettaient ; qu'il suit de là que la maison concernée, où était situé le centre de ses intérêts familiaux, doit être regardée, dans les circonstances de l'espèce, comme ayant constitué, durant la période en litige, la résidence principale de Mme X ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, d'une part, Mme X est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Caen a rejeté l'intégralité du surplus des conclusions de sa demande concernant l'impôt sur le revenu qui lui a été assigné au titre des années 1996 et 1997 et que, d'autre part, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par ce même jugement et concernant ces mêmes impositions, le Tribunal administratif de Caen a fait droit à la demande de Mme X tendant à l'application de l'article 199 sexies du code général des impôts ;
DÉCIDE :
Article 1er : Pour la détermination de l'impôt sur le revenu dû par Mme X au titre des années 1996 et 1997, il sera tenu compte des frais professionnels réels de Mme X déductibles à concurrence de, respectivement, 12 951,15 euros (douze mille neuf cent cinquante et un euros quinze centimes) et 12 903,44 euros (douze mille neuf cent trois euros quarante-quatre centimes).
Article 2 : Mme X est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu qui lui ont été assignées au titre des années 1996 et 1997 en tant qu'elles excèdent celles résultant de l'application de l'article 1er du présent arrêt.
Article 3 : Le jugement en date du 5 avril 2001 du Tribunal administratif de Caen est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le recours incident du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Josiane X et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
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N° 01NT01027
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