Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 12 août 2002, présentée pour la société anonyme Salins Europe, représentée par son président-directeur général en exercice, dont le siège est 50, rue de Londres 75008 Paris, par Me PITTARD, avocat au barreau de Nantes ;
La SA Salins Europe demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 01-3352 du 23 mai 2002 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision que le directeur du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres lui a notifiée le 12 juin 2001 en vue d'exercer le droit de préemption délégué par le département de la Vendée à l'égard de parcelles lui appartenant au lieudit “Luzan”, sur le territoire de la commune de Noirmoutier ;
2°) d'annuler ladite décision et de condamner le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres à lui verser une somme de 1 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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C
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code rural ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 novembre 2004 :
- le rapport de Mme THOLLIEZ, président,
- les observations de Me MARTIN-BOUHOURS, substituant Me PITTARD, avocat de la SA Salins Europe,
- les observations de Me BASCOULERGUE, avocat du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres,
- et les conclusions de M. COËNT, commissaire du gouvernement ;
Considérant que par jugement du 23 mai 2002, le Tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de la société anonyme Salins Europe tendant à obtenir l'annulation d'une décision non datée reçue par elle le 12 juillet 2001, par laquelle le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres a décidé de préempter au prix de 71 650 F (10 922,97 euros) des parcelles appartenant à cette société et sises sur le territoire de la commune de Noirmoutier (Vendée) au lieudit “Luzan” ; que la SA Salins Europe interjette appel de ce jugement ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
Considérant que si la notification, le 12 juin 2001, au notaire de la SA Salins Europe de la décision par laquelle le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres l'informait de l'exercice de son droit de préemption à l'égard des parcelles cadastrées BH 107, 108 et 109 situées sur le territoire de la commune de Noirmoutier, était de nature à déclencher le délai de recours contentieux vis-à-vis de ladite société, ce délai n'a pu cependant commencer à courir, dès lors que la décision en cause ne mentionnait ni les délais, ni les voies de recours ; qu'il suit de là que la demande de la SA Salins Europe, enregistrée le 10 septembre 2001 au greffe du Tribunal administratif de Nantes, n'était pas tardive ;
Sur la légalité de la décision de préemption :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 142-1 du code de l'urbanisme : “Afin de préserver la qualité des sites, des paysages, des milieux naturels et d'assurer la sauvegarde des habitats naturels (…), le département est compétent pour élaborer et mettre en oeuvre une politique de protection, de gestion et d'ouverture au public des espaces naturels sensibles, boisés ou non” ; qu'aux termes de l'article L. 142-3 du même code : “Pour la mise en oeuvre de la politique prévue à l'article L. 142-1, le conseil général peut créer des zones de préemption (…) Le département peut déléguer son droit de préemption (…) au Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres (…)” ; qu'aux termes de l'article R. 243-21 du code rural : “Les délibérations du conseil d'administration sont exécutoires si, dans un délai de huit jours, le ministre chargé de la protection de la nature n'a pas fait d'observations, sauf en ce qui concerne les délibérations relatives au budget et aux décisions que le modifient, aux emprunts et aux comptes, délibérations qui ne sont exécutoires qu'après approbation expresse du ministre chargé de la protection de la nature et du ministre de l'économie et des finances” ;
Considérant que sur le fondement des dispositions précitées, le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres a décidé de préempter les parcelles de la SA Salins Europe, incluses dans la zone de préemption créée par le département de la Vendée sur le territoire de la commune de Noirmoutier ; qu'il est constant que les délibérations des 16 mai 1990 et 26 octobre 1994 par lesquelles le conseil d'administration du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres a décidé d'acquérir 60 ha puis 15 ha supplémentaires dans les marais salants de Mulambourg et habilité le directeur de cet établissement public à mettre en oeuvre les décisions de préemption correspondantes n'ont pas été transmises au ministre chargé de la protection de la nature, contrairement aux prescriptions de l'article R. 243-21 du code rural et n'ont pu, par suite, acquérir un caractère exécutoire ; que la présence d'un représentant du ministre chargé de la protection de la nature au conseil d'administration de l'établissement n'a pu équivaloir à la transmission prévue ; que, dans ces conditions, faute d'habilitation, la décision de préempter prise par le directeur du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres et notifiée le 12 juin 2001 à la SA Salins Europe est entachée d'illégalité ;
Considérant, pour l'application de l'article L. 600-4 du code de l'urbanisme, qu'en l'état du dossier aucun autre moyen ne paraît susceptible de fonder l'annulation prononcée par le présent arrêt ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SA Salins Europe est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la SA Salins Europe, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à payer au Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, en application de ces mêmes dispositions, de condamner le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres à verser une somme de 1 500 euros à la SA Salins Europe au titre des frais de même nature qu'elle a exposés ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 23 mai 2002 du Tribunal administratif de Nantes et la décision du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres notifiée le 12 juin 2001 à la société anonyme Salins Europe sont annulés.
Article 2 : Le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres versera une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) à la SA Salins Europe au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Salins Europe, au Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres et au ministre de l'écologie et du développement durable
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