La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/06/2004 | FRANCE | N°00NT00004

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2eme chambre, 28 juin 2004, 00NT00004


Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 3 janvier 2000, présentée pour Electricité de France (EDF) et Gaz de France (GDF), représentés par leur président respectif en exercice et dont le siège est rue du Maneguen - ZI de Kerpont 56850 Caudan, par Me de KERVENOAËL, avocat au barreau de Rennes ;

EDF et GDF demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 94-1393 du 22 septembre 1999 du Tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a rejeté leurs conclusions tendant à ce que la ville de Lorient les garantisse des condamnations prononcées contre eux en r

paration des conséquences dommageables de l'explosion survenue le 14 décemb...

Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 3 janvier 2000, présentée pour Electricité de France (EDF) et Gaz de France (GDF), représentés par leur président respectif en exercice et dont le siège est rue du Maneguen - ZI de Kerpont 56850 Caudan, par Me de KERVENOAËL, avocat au barreau de Rennes ;

EDF et GDF demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 94-1393 du 22 septembre 1999 du Tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a rejeté leurs conclusions tendant à ce que la ville de Lorient les garantisse des condamnations prononcées contre eux en réparation des conséquences dommageables de l'explosion survenue le 14 décembre 1987 dans la boulangerie de M. X ;

2°) de mettre hors de cause EDF et de recevoir l'appel en garantie de GDF formé contre la ville de Lorient ;

3°) de condamner la ville de Lorient à rembourser à GDF les frais des différentes expertises diligentées, avec intérêts au taux légal à compter de la date de leur règlement ;

C

4°) de condamner la ville de Lorient à verser à GDF une somme de 30 000 F au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

.................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 juin 2004 :

- le rapport de Mme WEBER-SEBAN, premier conseiller,

- les observations de Me de KERVENOAËL, avocat de EDF et de GDF,

- les observations de Me MAGERAN, substituant Me TRILLAT, avocat de la ville de Lorient,

- les observations de Me BOIS, substituant Me ARION, avocat de M. X et de Mme Y,

- et les conclusions de M. COËNT, commissaire du gouvernement ;

Considérant que le 14 décembre 1987, alors que M. X actionnait l'éclairage du fournil de sa boulangerie, située à l'angle de la rue de Verdun et de l'impasse Saint-Christophe, à Lorient (Morbihan), une violente explosion s'est produite, occasionnant à l'intéressé de graves brûlures sur tout le corps ; que par jugement du 22 septembre 1999, le Tribunal administratif de Rennes a, d'une part, déclaré Electricité de France (EDF) et Gaz de France (GDF) responsables des conséquences dommageables de cette explosion due à une rupture de canalisation de gaz enterrée dans le sous-sol de l'impasse Saint-Christophe, d'autre part, ordonné une expertise avant de statuer sur l'indemnisation du préjudice subi par M. X, enfin, rejeté l'appel en garantie d'EDF et GDF contre la ville de Lorient ; qu'EDF et GDF interjettent appel de ce jugement en tant qu'il a déclaré EDF également responsable des conséquences dommageables de l'explosion et rejeté leur appel en garantie formé contre la ville de Lorient ;

Sur les conclusions tendant à la mise hors de cause d'EDF :

Considérant qu'ainsi qu'il vient d'être dit, il est constant que l'explosion qui s'est produite le 14 décembre 1987 est due à la rupture d'une canalisation de gaz ; qu'ainsi, la responsabilité d'EDF ne saurait être engagée à raison des conséquences dommageables de cette explosion ;

Sur la régularité des opérations d'expertise :

Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a estimé que le rapport d'expertise déposé au greffe le 30 juillet 1993, était irrégulier pour avoir omis de consigner ou d'annexer des dires de GDF ; que, d'une part, il en résulte que le moyen tiré de ce que ledit rapport serait irrégulier, dès lors que l'expert n'a pas pris connaissance du dossier pénal et n'a pas adressé de seconde note aux parties, alors que ses conclusions constitueraient un revirement de sa position initiale, est, en tout état de cause, inopérant ; que, d'autre part, l'irrégularité de ces opérations d'expertise ne faisait pas obstacle à ce que ledit rapport, qui avait été versé au dossier de première instance et soumis, de ce fait, au débat contradictoire des parties, fût retenu par le tribunal à titre d'élément d'information ;

Sur l'appel en garantie formé contre la ville de Lorient :

Considérant qu'à l'appui de ses conclusions tendant à obtenir la garantie de la ville de Lorient, GDF soutient que cette dernière a méconnu ses obligations d'entretien de la voirie en ne rétablissant pas, avant le sinistre, le revêtement de la chaussée de l'impasse Saint-Christophe et que cette absence de revêtement, en favorisant des tassements différentiels du terrain entraînés par le passage des camions venant effectuer des livraisons à la boulangerie, a fragilisé la canalisation litigieuse qui a fini par céder sous l'effet de ces pressions ;

Considérant qu'il est constant qu'à la date de la visite sur place de l'expert désigné par le juge judiciaire, sept jours après l'explosion, soit le 21 décembre 1987, la chaussée de l'impasse Saint-Christophe était dépourvue de revêtement sur une longueur d'environ 10 m et une largeur de 1,20 m, le long de l'immeuble abritant la boulangerie de M. X ;

Considérant, en premier lieu, que si par lettre du 20 janvier 1992, l'expert judiciaire a précisé que cette situation perdurait depuis plusieurs mois et que, selon les témoins, il s'agissait des séquelles de travaux de terrassement anciens et jamais complètement terminés, concernant un autre immeuble (HLM 65, rue de Verdun), il résulte, toutefois, de l'instruction que les tranchées creusées dans l'impasse, entre octobre 1986 et novembre 1987, lors de ces travaux de rénovation, l'ont été, soit du côté opposé à la conduite de gaz litigieuse, soit de façon transversale, soit enfin, du même côté mais en amont de l'endroit où a été découverte la fuite de gaz ; qu'en outre, il ressort du témoignage du 13 février 1992 d'un voisin de la boulangerie qui, selon les énonciations du procès-verbal de transport sur les lieux du 21 décembre 1987 établi par le juge d'instruction du Tribunal de grande instance de Lorient, était le seul habitant de l'impasse Saint-Christophe présent lors de la visite sur place de l'expert judiciaire, que la portion de la route, située le long du local à usage de laboratoire et fournil de la boulangerie (...) était recouverte d'un revêtement bitumineux le jour de l'accident du 14 décembre 1987 dont a été victime M. X ; qu'ainsi, et alors qu'il est constant que le 14 décembre 1987, à la suite de l'explosion, une tranchée a été creusée dans l'impasse, le long de l'immeuble abritant la boulangerie, afin de rechercher d'où provenait la fuite de gaz à l'origine du sinistre, les constatations de l'expert judiciaire, dans le cadre d'une mission qui n'avait pas pour objet d'éclaircir ce point, ne sauraient établir que l'absence de revêtement de la chaussée au dessus de la conduite de gaz défectueuse préexistait à l'explosion ; que, d'ailleurs, l'album photographique établi par un inspecteur de l'identité judiciaire de la police, qui s'est rendu sur place le lendemain de l'explosion, confirme que la tranchée dont l'existence a été constatée par l'expert judiciaire sur toute la longueur de l'immeuble abritant la boulangerie, a été effectuée, non pas antérieurement à l'explosion mais, ainsi qu'il est indiqué dans la légende d'une des photographies, suite à la détection de gaz dans l'impasse Ch. St-Christophe ;

Considérant, en second lieu, que le rapport d'enquête du 16 juin 1988 d'un ingénieur de la Direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement invoqué par GDF, se borne à reprendre les conclusions du premier expert et ne permet pas, dès lors, de le regarder comme un élément confirmant l'absence de revêtement de la chaussée antérieurement à l'explosion ; que, contrairement à ce que soutient GDF, l'expert désigné par le président du tribunal administratif, en concluant à la présence d'un revêtement de la chaussée au-dessus de la conduite de gaz, le jour de l'explosion n'est pas revenu sur sa position initiale, mais a seulement tranché entre les trois hypothèses qu'il avait évoquées dans sa note n° 1 aux parties ; que si le bordereau d'attachement de l'entreprise Mahé produit par GDF fait état de terrassements effectués dans l'impasse Saint-Christophe sur une longueur de 4,5 m, inférieure à celle qui a été constatée par l'expert judiciaire comme dépourvue de revêtement en bitume, il résulte de l'examen de ce bordereau qu'il concerne des travaux effectués le 18 décembre 1987 alors qu'il est constant que la réfection de la tranchée réalisée après l'explosion pour en découvrir l'origine a été effectuée par ladite entreprise, le lendemain de l'explosion, soit le 15 décembre suivant ; qu'en outre, la circonstance que ces travaux aient été réalisés dans un sol de type 1 en terre, sable, gravillon, tout venant ou déblais réutilisés correspond à l'état de la chaussée après creusement de la tranchée et n'a aucune valeur probante quant à l'état du sol avant l'ouverture de ladite tranchée ; que, de même, la circonstance, qu'en réponse à l'hypothèse évoquée au cours des opérations d'expertise sur l'absence de revêtement résultant de travaux effectués antérieurement, notamment par GDF, la ville de Lorient se soit interrogée, dans le dire n° 1 du 6 décembre 1990, sur la responsabilité de cet établissement public qui n'aurait pas procédé à la réfection de la voie après travaux, ne saurait être regardée comme une validation de ladite hypothèse ; que la constatation, par l'expert, quatre années après le sinistre, qu'à l'ouverture du sondage, les remblais (...) sont apparus relativement humides ne permet pas davantage d'établir l'absence de revêtement, antérieurement à l'explosion de la conduite de gaz, sur la partie supérieure de la chaussée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise, que l'absence de revêtement de la chaussée constatée par l'expert judiciaire le 21 décembre 1987 découle, non pas d'une situation préexistante à l'explosion susceptible d'engager la responsabilité de la ville de Lorient pour défaut d'entretien normal de la voie, mais des travaux de recherche de la fuite de gaz et de réparation de la conduite défectueuse ; que, par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif a rejeté l'appel en garantie formé par GDF contre la ville de Lorient et par voie de conséquence, prononcé le rejet de ses conclusions tendant à ce que les frais d'expertise soient mis à la charge de la ville de Lorient ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que EDF et GDF sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes a déclaré EDF responsable de l'accident dont a été victime M. X ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant, d'une part, que ces dispositions font obstacle à ce que la ville de Lorient, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à payer à EDF et GDF la somme que ces dernières demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, d'autre part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces mêmes dispositions, de condamner GDF à payer à la ville de Lorient une somme de 1 000 euros au titre des frais de même nature exposés par cette dernière et de rejeter les conclusions présentées par cette dernière sur ce même fondement contre EDF ; qu'enfin, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de M. X tendant au bénéfice desdites dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : Electricité de France (EDF) est mise hors de cause.

Article 2 : Le jugement du 22 septembre 1999 du Tribunal administratif de Rennes est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête susvisée, en ce qu'elles sont présentées par Gaz de France (GDF), est rejeté.

Article 4 : GDF versera à la ville de Lorient (Morbihan), une somme de 1 000 euros (mille euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions de la ville de Lorient tendant à la condamnation d'EDF sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Les conclusions de M X tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à EDF, à GDF, à la ville de Lorient, à M. Dominique X, à Mme Hélène Y et au ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.

- 2 -


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2eme chambre
Numéro d'arrêt : 00NT00004
Date de la décision : 28/06/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DUPUY
Rapporteur ?: Mme Catherine WEBER-SEBAN
Rapporteur public ?: M. COENT
Avocat(s) : DE KERVENOAEL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2004-06-28;00nt00004 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award