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25/06/2004 | FRANCE | N°99NT02152

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2eme chambre, 25 juin 2004, 99NT02152


Vu la requête et le mémoire complémentaire enregistrés au greffe de la Cour, respectivement, le 16 août 1999 et le 27 mars 2000, présentés pour le Groupement forestier de Saussay, représenté par son gérant en exercice et dont le siège est ..., par Me X..., avocat au barreau d'Alençon ;

Le Groupement forestier de Saussay demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 981408 du 17 juin 1999 par lequel le Tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la décharge de la taxe de défrichement et de la pénalité y afférente, auxquelles il a été ass

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Vu la requête et le mémoire complémentaire enregistrés au greffe de la Cour, respectivement, le 16 août 1999 et le 27 mars 2000, présentés pour le Groupement forestier de Saussay, représenté par son gérant en exercice et dont le siège est ..., par Me X..., avocat au barreau d'Alençon ;

Le Groupement forestier de Saussay demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 981408 du 17 juin 1999 par lequel le Tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la décharge de la taxe de défrichement et de la pénalité y afférente, auxquelles il a été assujetti pour un montant total de 172 962 F, par un avis de mise en recouvrement du 24 novembre 1997 ;

2°) de prononcer la décharge de ladite taxe ;

3°) subsidiairement et avant-dire droit, d'ordonner une expertise du massif forestier de Saussay aux fins de dire si les travaux exécutés par le Groupement forestier de Saussay sont susceptibles d'être qualifiés d'opération de défrichement au sens des dispositions de l'article L. 311-1 du code forestier ;

................................................................................................................

C

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code forestier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er juin 2004 :

- le rapport de Mme WEBER-SEBAN, premier conseiller,

- et les conclusions de M. COËNT, commissaire du gouvernement ;

Considérant que le groupement forestier de Saussay, propriétaire du massif forestier de Saussay situé sur le territoire des communes de Moutiers-au-Perche, La Madeleine-Bouvet et Bretoncelles (Orne), interjette appel du jugement du 17 juin 1999 par lequel le Tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la décharge de la taxe de défrichement et de la pénalité y afférente, d'un montant total de 172 962 F (26 367,89 euros), auxquelles il a été assujetti par un avis de mise en recouvrement du 24 novembre 1997 ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 311-1 du code forestier dans sa rédaction alors en vigueur : Aucun particulier ne peut user du droit d'arracher ou de défricher ses bois, ou de mettre fin à la destination forestière de ses terrains, sans avoir préalablement obtenu une autorisation administrative. Les opérations volontaires ayant pour conséquence d'entraîner à terme la destruction de l'état boisé d'un terrain et de mettre fin à sa destination forestière sont assimilées à un défrichement et soumises à autorisation, sauf si elles sont entreprises en application d'une servitude d'utilité publique. (...) ; qu'aux termes de l'article L. 314-5 alors en vigueur dudit code : N'entrent pas dans le champ d'application du présent chapitre : (...) 3° Les opérations de défrichement ayant pour but de créer à l'intérieur de la forêt les équipements indispensables à sa mise en valeur et à sa protection, sous réserve que ces équipements ne modifient pas fondamentalement la destination forestière de l'immeuble bénéficiaire et n'en constituent que les annexes indispensables. ; qu'aux termes de l'article L. 314-1 alors en vigueur du même code : A compter de la date d'entrée en vigueur de la loi n° 85-1273 du 4 décembre 1985 relative à la gestion, la valorisation et la protection de la forêt, une taxe est due à l'occasion de toute décision, expresse ou tacite, autorisant un défrichement en application des articles L. 311-1, L. 312-1 ou L. 363-2. ; qu'aux termes de l'article L. 314-9 alors en vigueur de ce code : Tout défrichement effectué en infraction aux dispositions des articles L. 311-1, L. 312-1 et L. 363-2 entraîne l'exigibilité immédiate de la taxe, calculée à partir de la surface des terrains défrichés, et d'une amende fiscale égale à 50 p. 100 du montant de cette taxe. La taxe et l'amende sont liquidées au vu de procès-verbaux dressés par les agents habilités à constater les infractions en matière forestière et notifiés aux intéressés. L'action en répétition des sommes dues peut s'exercer dans le délai de six ans à compter du fait générateur de la taxe ;

Sur la régularité de la procédure :

Considérant, en premier lieu, qu'en vertu des dispositions précitées de l'article L. 314-9 du code forestier, la taxe instituée par l'article L. 314-1 de ce code est liquidée, en cas de défrichement effectué sans avoir obtenu préalablement une autorisation administrative, au vu de procès-verbaux dressés par les agents habilités et notifiés aux intéressés ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 341-1 du code forestier : Les ingénieurs de l'Etat chargés des forêts ne peuvent entrer en fonctions qu'après avoir prêté serment devant le tribunal de grande instance ou le juge du tribunal d'instance de leur résidence et avoir fait enregistrer leur commission et l'acte de prestation de leur serment au greffe des tribunaux de grande instance dans le ressort desquels ils doivent exercer leurs fonctions. Dans le cas d'un changement de résidence les plaçant dans un autre ressort en la même qualité, il n'y a pas lieu à une nouvelle prestation de serment. ; qu'il résulte de l'instruction que l'ingénieur divisionnaire de la direction départementale de l'agriculture et de la forêt de l'Orne qui a établi, le 2 octobre 1997, le procès-verbal d'infraction constatant le défrichement opéré, sans autorisation administrative, par le groupement forestier de Saussay, est titulaire d'une commission d'ingénieur des Travaux des eaux et Forêts établie le 19 décembre 1977 et a prêté serment, conformément aux dispositions précitées, le 19 janvier 1978, devant le Tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence, mention de cette prestation de serment ayant été enregistrée, en dernier lieu, le 4 octobre 1985 au greffe du Tribunal de grande instance d'Argentan ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'il n'est pas établi que l'auteur du procès-verbal en cause avait les qualités requises pour conférer à ce document la force probante qui s'attache à un tel procès-verbal d'infraction, manque en fait ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 314-10 alors en vigueur du code forestier : La taxe et, éventuellement, l'amende fiscale de 50 p. 100 ou l'indemnité de retard due en vertu de l'article 1727 du code général des impôts sont recouvrées dans les conditions fixées aux articles 1915 à 1918 dudit code. ; qu'aux termes de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales qui s'est substitué à l'article 1915 du code général des impôts : Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public à tout redevable de sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité. L'avis de mise en recouvrement est individuel ou collectif. Il est signé et rendu exécutoire par l'autorité administrative désignée par décret. Il est adressé par lettre recommandée avec avis de réception. (...). ; qu'aux termes de l'article R. 256-1 du même livre : L'avis de mise en recouvrement individuel prévu à l'article L. 256 comporte : 1° Les indications nécessaires à la connaissance des droits, taxes, redevances, impositions ou autres sommes qui font l'objet de cet avis ; 2° Les éléments du calcul et le montant des droits et des pénalités, indemnités ou intérêts de retard qui constituent la créance. Toutefois, les éléments du calcul peuvent être remplacés par le renvoi au document sur lequel ils figurent lorsque ce document a été établi ou signé par le contribuable ou son mandataire ou lui a été notifié antérieurement. De même, ils n'ont pas à être portés lorsque le contribuable n'a pas fait la déclaration nécessaire au calcul des droits ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que par lettre du 2 octobre 1997, le directeur départemental de l'agriculture et de la forêt de l'Orne a adressé au gérant du Groupement forestier de Saussay une copie du procès-verbal d'infraction établi le même jour à l'encontre dudit groupement et l'a informé de ce que les faits de défrichement sans autorisation relevés dans ce procès-verbal, entraînaient l'exigibilité immédiate de la taxe de défrichement et de l'amende prévues par l'article L. 314-9 du code forestier ; que, par lettre du 14 octobre 1997, le receveur principal des impôts de Mortagne-au-Perche a informé le Groupement forestier de Saussay du montant de la taxe de défrichement et de l'amende fiscale dont il était redevable ; que ce même receveur a régulièrement adressé, le 24 novembre 1997, au Groupement forestier de Saussay, sous pli recommandé avec demande d'avis de réception qui n'a, toutefois, pas été retiré par l'intéressé et a, en conséquence, été renvoyé à l'envoyeur, un avis de mise en recouvrement de la taxe et de l'amende litigieuses ; qu'il résulte, d'une part, de ce qui précède, et alors même que le gérant du groupement n'a accusé réception, du fait de son absence prolongée, de la lettre du 2 octobre 1997 que par un courrier du 30 octobre 1997, que le moyen tiré de ce que la notification du procès-verbal d'infraction n'a pas été faite préalablement à la liquidation, le 14 octobre 1997, de la taxe litigieuse, manque en fait ; que, d'autre part, dès lors qu'il résulte de l'instruction que l'avis de mise en recouvrement du 24 novembre 1997, comportait une motivation conforme aux dispositions précitées de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales, le moyen tiré de ce que la lettre du 14 octobre 1997 du receveur principal des impôts ne serait pas motivée, est inopérant ;

Sur le bien-fondé de la taxe réclamée :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 311-1 du code forestier qu'un défrichement est constitué par l'ensemble des opérations qui ont pour objet de détruire l'état boisé du terrain par abattage des arbres et arrachage de leurs souches et pour résultat de mettre fin, même temporairement, à la destination forestière du sol ;

Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction, et notamment, des énonciations du procès-verbal d'infraction établi le 2 octobre 1997, qu'à l'occasion de l'installation, par le Groupement forestier de Saussay, d'une clôture en périphérie du massif forestier du Saussay, l'emplacement prévu à cette fin a fait l'objet d'un décapage de sol effectué par un engin mécanique. Ce décapage a supprimé les arbres sur son emprise, en témoignent les tas de souches poussés hors de l'emprise décapée. (...). ; que, contrairement à ce que soutient le Groupement forestier de Saussay, de tels travaux, qui se sont traduits par l'arrachage de souches, constitue, non une simple opération de gestion et d'entretien de la forêt, mais un défrichement au sens de l'article L. 311-1 du code forestier ; que la circonstance que le groupement ait été reconnu par un précédent arrêt de la Cour, titulaire d'une décision implicite de non-opposition à sa déclaration de clôture, est sans incidence sur la solution du présent litige relatif aux surfaces considérées par l'administration comme défrichées lors des travaux réalisés à l'occasion de l'édification de ladite clôture ;

Considérant, d'autre part, que le Groupement forestier de Saussay soutient que le procès-verbal d'infraction serait entaché de nombreuses erreurs de fait ; que, toutefois, l'erreur de mesure concernant les points numérotés 9 à 10 et 13, situés sur le territoire de la commune de La Madeleine Y..., qui a trait à des distances non incluses dans les zones défrichées, est sans incidence sur la superficie ayant servi d'assiette à la taxe litigieuse ; que la distance de 602 m relevée sur le procès-verbal comme étant défrichée, est, contrairement à ce qui est allégué, située entre les points numérotés 4 et 5 sur le territoire de la commune de Bretoncelles et non entre les points 3 et 4 pour lesquels le groupement invoque la présence d'un chemin existant ; que si, en se référant à un procès-verbal de constat d'huissier du 9 décembre 1997, accompagné de documents photographiques et d'un compte-rendu de visite du même jour d'un expert forestier, le Groupement forestier de Saussay soutient qu'ont été considérées à tort comme zones défrichées, d'une part, des chemins où les arbres existants ont été préservés, d'autre part, des zones de cloisonnement d'exploitation destinées à être maintenues sans végétation afin de permettre le passage des engins nécessaires à l'exploitation, et des interbandes, correspondant aux espaces entre deux rangées d'arbres dans une futaie, il résulte de l'instruction que l'administration n'a comptabilisé que les zones comportant une suppression des souches, laquelle caractérise, même en zone de taillis sous futaie, un défrichement ; qu'enfin, si l'administration a retenu à tort, dans la surface défrichée une zone de 105 m² correspondant à un couloir de lignes électriques EDF, il résulte de l'instruction que cette erreur est largement compensée par une erreur de calcul de 3 372 m² commise dans un sens favorable au groupement ; qu'il résulte, ainsi, du procès-verbal d'infraction du 2 octobre 1997, une fois corrigé des erreurs susmentionnées, que le Groupement forestier de Saussay a procédé à un défrichement d'une superficie totale de 3 ha 20 a 94 ca, supérieure à la superficie de 2 ha 88 a 27 ca retenue pour le calcul de la taxe litigieuse ; que, d'ailleurs et contrairement à ce que soutient le groupement, l'existence d'un tel défrichement est confirmée par le plan simple de gestion de la forêt de Saussay élaboré postérieurement, au titre de la période 1999-2013, lequel mentionne explicitement une diminution de la surface forestière du massif, qui, contrairement aux prévisions du précédent plan en prévoyant le maintien de 572 ha en 1991, se trouve réduite à 569 ha en 1999 ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que l'opération de pose de clôture ayant donné lieu au défrichement litigieux a été réalisée en vue de restreindre les migrations de gibier et ainsi, de prévenir les destructions de cultures causées par les sangliers ; que si la mise en valeur du potentiel cynégétique du massif forestier constituait un objectif secondaire du plan simple de gestion alors applicable de la forêt de Saussay, cette pose de clôture ne peut être regardée, eu égard à sa finalité telle qu'elle vient d'être rappelée et aux effets néfastes qui résultent pour les peuplements forestiers d'une concentration de gibier dans le massif, non comme un équipement indispensable à la mise en valeur, même cynégétique, ou à la protection de la forêt, mais comme une mesure de protection d'espaces agricoles qui lui sont extérieurs ; qu'ainsi, le Groupement forestier de Saussay ne saurait, en tout état de cause utilement se prévaloir des dispositions précitées de l'article L. 314-5 du code forestier, pour soutenir, à titre subsidiaire, que l'opération de défrichement litigieuse, consécutive à la pose de ladite clôture, serait hors du champ d'application de la taxe de défrichement prévue par les dispositions alors en vigueur de l'article L. 314-1 du code forestier ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée, que le Groupement forestier de Saussay n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la décharge de la taxe de défrichement et de la pénalité y afférente auxquelles il a été assujetti ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du Groupement forestier de Saussay est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au Groupement forestier de Saussay, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2eme chambre
Numéro d'arrêt : 99NT02152
Date de la décision : 25/06/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. DUPUY
Rapporteur ?: Mme Catherine WEBER-SEBAN
Rapporteur public ?: M. COENT
Avocat(s) : BOSQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2004-06-25;99nt02152 ?
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