Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 21 septembre 2000, présentée pour la société MEUNIER Participations, dont le siège est ..., par Me Yvon X..., avocat au barreau de Brest ;
La société MEUNIER Participations demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 96329 en date du 8 juin 2000 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations de taxe sur les salaires auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1989, 1990 et 1991 ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions, avec intérêts au taux légal à compter du versement ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 10 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
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C+ CNIJ n° 19-05-01
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 juin 2004 :
- le rapport de M. GRANGÉ, premier conseiller,
- et les conclusions de M. LALAUZE, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 231 du code général des impôts : Les sommes payées à titre de traitements, salaires, indemnités et émoluments, y compris la valeur des avantages en nature, sont soumises à une taxe sur les salaires... à la charge des personnes ou organismes... qui paient des traitements, salaires, indemnités et émoluments lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations. L'assiette de la taxe due par ces personnes ou organismes est constituée par une partie des rémunérations versées, déterminée en appliquant à l'ensemble de ces rémunérations le rapport existant, au titre de cette même année, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total... ; que, lorsque les activités d'une entreprise sont, pour l'exercice de ses droits à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, réparties en plusieurs secteurs distincts, au sens de l'article 213 de l'annexe II au code général des impôts, les dispositions précitées de l'article 231 de ce code doivent recevoir application à l'intérieur de chacun de ces secteurs, en sorte que l'assiette de la taxe sur les salaires soit, pour chacun d'eux, déterminée en appliquant au montant des rémunérations versées au personnel qui lui est spécialement affecté, le rapport qui lui est propre entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total ; que seule la taxe sur les salaires afférente aux rémunérations des personnels qui seraient concurremment affectés à plusieurs secteurs doit être établie en appliquant à ces rémunérations le rapport existant, pour l'entreprise dans son ensemble, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société MEUNIER Participations détient des participations dans différentes sociétés desquelles elle perçoit des dividendes placés hors du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée et des intérêts sur prêts ou avances exonérés de cette taxe en vertu de l'article 261- c-1 du code général des impôts ; qu'elle facture en outre à ces filiales des frais d'administration et de tenue de comptabilité et perçoit des redevances de locations d'immeubles, ces dernières activités étant soumises à la taxe sur la valeur ajoutée ; que, contrairement à ce que soutient le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, les activités de prestation de services rendues à ses filiales par la société requérante, et la détention même de ces filiales ne peuvent être regardées comme indissociables, dès lors que la détention n'implique pas par elle-même la fourniture de services par la société mère ; que l'administration ne peut, dès lors, en tout état de cause, se prévaloir de ce caractère pour faire obstacle à ce que ces activités, dont il n'est pas contesté qu'elles disposent de moyens propres, soient regardées comme constituant des secteurs distincts ; que si l'article 40-2 de l'annexe IV au code général des impôts fait obligation aux entreprises qui adoptent un rapport distinct de déduction de taxe sur la valeur ajoutée par secteur d'activité d'en faire la déclaration au service des impôts, cette disposition n'a pas pour objet et ne pourrait avoir légalement pour effet d'interdire à une entreprise exerçant des activités constituant des secteurs distincts de se prévaloir, par voie de compensation à un redressement, d'un calcul de ses droits à déduction en fonction de ces secteurs ; qu'il suit de là que le moyen tiré par l'administration de ce que la société MEUNIER Participations n'a pas déclaré la constitution des secteurs distincts dont elle se prévaut, dans les conditions prévues par l'article 40-2 de l'annexe IV, doit être écarté ; que la société soutient, sans être précisément contredite, qu'elle a présenté au vérificateur une comptabilité analytique comportant, pour chaque année, un compte de résultat par activité sous forme d'états retraçant les opérations effectuées ; que l'administration ne peut utilement soutenir que les documents présentés n'auraient pas le caractère de documents comptables ; que le ministre n'est, par suite, pas fondé à refuser, pour l'application des règles relatives à la taxe sur les salaires, la sectorisation revendiquée par la société entre les secteurs susmentionnés qui relèvent de dispositions distinctes en matière de taxe sur la valeur ajoutée ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société, qui a admis être redevable de la taxe sur les salaires, a réglé la taxe correspondant à la sectorisation revendiquée ; que le ministre ne soutient pas que le montant de taxe ainsi déterminé serait erroné et insuffisant au regard de cette sectorisation ; que la société est, par suite, fondée à demander la décharge de la taxe faisant l'objet du litige, mise en recouvrement séparément, et correspondant au complément entre la taxe réglée et celle déterminée par l'administration en faisant abstraction de tout secteur ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la société MEUNIER Participations est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;
Sur l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de condamner l'Etat à payer à la société MEUNIER Participations une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er :
Le jugement du Tribunal administratif de Rennes en date du 8 juin 2000 est annulé.
Article 2 :
La société MEUNIER Participations est déchargée du complément de taxe sur les salaires auquel elle a été assujettie au titre des années 1989, 1990 et 1991 mis en recouvrement le 30 avril 1995.
Article 3 :
L'Etat versera une somme de 1 000 euros (mille euros) à la société MEUNIER Participations au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 4 :
Le présent arrêt sera notifié à la société MEUNIER Participations et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
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