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25/06/2004 | FRANCE | N°00NT01288

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ere chambre, 25 juin 2004, 00NT01288


Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour le 21 juillet 2000, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;

Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 1 et 2 du jugement n° 97.1908 en date du 14 mars 2000 par lequel le Tribunal administratif d'Orléans a fait droit aux conclusions de la demande de la S.A. Arts et techniques du progrès (ATP) tendant à la réduction de l'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1990, 1991, 1992 et 19

93 ;

2°) de rétablir la société ATP aux rôles de l'impôt sur les sociétés a...

Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour le 21 juillet 2000, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;

Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 1 et 2 du jugement n° 97.1908 en date du 14 mars 2000 par lequel le Tribunal administratif d'Orléans a fait droit aux conclusions de la demande de la S.A. Arts et techniques du progrès (ATP) tendant à la réduction de l'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1990, 1991, 1992 et 1993 ;

2°) de rétablir la société ATP aux rôles de l'impôt sur les sociétés au titre de ces exercices à concurrence des sommes déchargées ;

.............................................................................................................

C

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 juin 2004 :

- le rapport de Mme MAGNIER, président,

- et les conclusions de M. LALAUZE, commissaire du gouvernement ;

Sur l'imposition des dividendes versés par la société Acquisis :

Considérant que la société ATP a souscrit à hauteur de 8,93 % au capital de la société Acquisis, société holding luxembourgeoise chargée du placement des capitaux de ses associés ; qu'elle a soustrait de son bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés les dividendes distribués par la société Acquisis, hormis une quote-part forfaitaire de 5 % représentant les frais et charges, en faisant application des dispositions des articles 145 et 216 du code général des impôts relatives au régime spécial des sociétés mères ; que l'administration a estimé que la création et le fonctionnement de la société luxembourgeoise constituaient un abus de droit et a réintégré, sur le fondement de l'article L.64 du livre des procédures fiscales, dans la base imposable à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 1990, 1991 et 1992, le montant des dividendes reçus par la société ATP de sa filiale et a assorti les cotisations supplémentaires correspondantes de la pénalité prévue par l'article 1729 du code général des impôts ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.64 du livre des procédures fiscales : Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses : ... qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus... L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. En cas de désaccord sur les redressements notifiés sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité... Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé du redressement ; qu'il résulte de ces dispositions que lorsque l'administration use des pouvoirs que lui confère ce texte dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable dès lors qu'elle établit que ces actes, même s'ils n'ont pas un caractère fictif, n'ont pu être inspirés par aucun motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à ses activités réelles ;

Considérant que l'administration fait valoir que la participation prise par la société ATP dans le capital de la société Acquisis ne relève d'aucune justification économique, n'ayant pour but que de permettre à la société ATP de transformer des produits financiers, qu'elle aurait pu tirer de placements effectués par l'intermédiaire de sa banque au Luxembourg sans l'interposition d'une société filiale, en dividendes non imposables, exception faite d'un droit d'abonnement de faible montant, à raison de la combinaison des dispositions du droit luxembourgeois avec celles du régime français des sociétés mères ; que si la société ATP fait valoir qu'elle est libre de ses choix d'investissement, qu'elle respecte les conditions d'application de l'article 145 relatif au régime des sociétés mères et que le fait de recourir à une structure de type holding pure luxembourgeoise ne suffit pas à caractériser un abus de droit, elle ne soutient pas, toutefois, que la création et le fonctionnement de la société Acquisis présenteraient un intérêt économique ou financier autre que purement fiscal ; que si elle fait état, à cet égard, de la croissance rapide et importante de la valeur de sa participation dans la société Acquisis, elle n'allègue pas qu'un tel résultat financier aurait été impossible à obtenir sans le recours à la société luxembourgeoise ; que, dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve, dont elle a la charge, faute d'avoir consulté le comité pour la répression des abus de droit, de ce que la participation dans la société holding Acquisis était un montage constitutif d'un abus de droit ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur le motif tiré de ce que l'administration n'établissait pas l'existence d'un abus de droit pour décharger les cotisations mises en recouvrement de ce chef de redressement ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société ATP ;

Considérant, en premier lieu, que la société ATP ne saurait en tout état de cause utilement critiquer le recours à la procédure de répression des abus de droit en soutenant que celle-ci aurait été mise en oeuvre par l'administration pour pallier les insuffisances de l'article 209 B du code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur en 1991 et dont les dispositions sont destinées à limiter les avantages fiscaux que peuvent tirer les sociétés de droit français de leur participation au capital de sociétés établies dans un Etat étranger ou un territoire situé hors de France et dont le régime fiscal est privilégié ;

Considérant que la société ATP ne saurait davantage utilement soutenir qu'en faisant application de la procédure de répression des abus de droit, l'administration aurait méconnu le principe de la liberté d'établissement tel qu'il ressort des stipulations de l'article 52 (devenu article 43) du Traité CE aux termes duquel les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un Etat membre dans le territoire d'un autre Etat membre sont interdites..., les dispositions de l'article L.64 du livre des procédures fiscales n'étant, par elles mêmes, par contraires à cette liberté ; que, par ailleurs, l'application qui en a été faite en l'espèce ne saurait, en tout état de cause, être regardée comme ayant eu pour effet de restreindre la liberté d'établissement que la société ATP tient de ces stipulations, la réintégration litigieuse de dividendes n'étant pas fondée sur la localisation du siège de la filiale mais sur la finalité exclusivement fiscale de la création de cette filiale ;

Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1 - Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle... ; que ces dispositions sont applicables à la contestation, devant la juridiction compétente, de la majoration d'imposition prévue par l'article 1729 du code général des impôts, qui constitue, même si le législateur a laissé le soin de la prononcer à l'autorité administrative, une accusation en matière pénale au sens du paragraphe 1 de l'article 6 de la Convention ;

Considérant que, pour contester la pénalité de 80 % dont les redressements ont été assortis en application de l'article 1729 du code général des impôts, la société ATP ne saurait utilement soutenir en premier lieu que la composition du comité pour la répression des abus de droit prévu par l'article L.64 du livre des procédures fiscales ne serait pas conforme aux stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 précité de la Convention dès lors qu'en tout état de cause, ledit comité n'a, en l'espèce pas été saisi ; qu'en second lieu, le juge de l'impôt, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, décide, dans chaque cas, selon les résultats de ce contrôle, soit de maintenir la majoration infligée par l'administration, soit d'en prononcer la décharge s'il estime que le contribuable n'a pas effectivement commis un abus de droit ; qu'il dispose, ainsi, d'un pouvoir de pleine juridiction conforme aux stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la Convention lesquelles n'impliquent pas, alors même que le législateur a retenu un taux unique pour la majoration en cause, que le juge puisse moduler l'application de cette dernière en substituant un taux inférieur à celui de 80 % ; que, dans ces conditions, la société ATP n'est pas fondée à soutenir que les dispositions de l'article 1729 du code général des impôts seraient incompatibles avec les stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la Convention ;

Sur la plus-value à long terme :

Considérant qu'aux termes du paragraphe a) bis de l'article 219-1 du code général des impôts dans sa rédaction alors en vigueur issue de l'article 11 de la loi de finances pour 1992 : Le montant des plus-values à long terme, ... fait l'objet d'une imposition séparée au taux de 18 %, dans les conditions prévues au I de l'article 39 quindecies et à l'article 209 quater... Le régime des plus et moins-values à long terme cesse de s'appliquer au résultat de la cession de titres du portefeuille réalisée à compter du 1er juillet 1991 à l'exclusion des parts ou actions de société, autres que celles émises par des organismes de placement collectif en valeurs mobilières français ou étrangers, des bons de souscription d'actions, des certificats d'investissement et des certificats coopératifs d'investissement et des parts de fonds communs de placement à risques qui remplissent les conditions prévues au 1°) bis du II de l'article 163 quinquiès B et qui sont détenues par l'entreprise depuis au moins cinq ans. A compter de la même date, le régime des plus-values et moins-values à long terme cesse également de s'appliquer en ce qui concerne les titres de sociétés dont l'actif est constitué principalement par des titres exclus de ce régime en application de l'alinéa précédent ou dont l'activité consiste de manière prépondérante en la gestion des mêmes valeurs pour leur propre compte ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société ATP a cédé, le 23 mars 1993, les actions qu'elle détenait dans le capital de la société Acquisis et a déclaré la plus-value dégagée sous le régime des plus-values à long terme imposables au taux réduit de 18 % au titre de l'exercice clos le 30 juin 1993 ; que, estimant que la société ATP ne lui permettait pas de vérifier que la plus-value pouvait bénéficier de ce taux réduit, l'administration a notifié un redressement correspondant à l'assujettissement de cette plus-value au taux de droit commun de l'impôt sur les sociétés ;

Considérant qu'en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe en principe à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que s'il est constant que l'opération de cession a porté sur des actions de la société Acquisis, rien ne permet de déterminer si celle-ci est ou non au nombre des sociétés dont l'actif est constitué principalement par des titres exclus de ce régime des plus-values à long terme en application des dispositions précitées du 3ème alinéa du a) bis de l'article 219-I ou dont l'activité consiste de manière prépondérante en la gestion des mêmes valeurs pour leur propre compte au sens du 4ème alinéa de ce même texte ; qu'il résulte de la notification de redressements en date du 25 avril 1994 adressée par l'administration à la société ATP, que le vérificateur a demandé des précisions sur la nature des participations financières détenues par la société Acquisis pour pouvoir vérifier que la société ATP était bien en droit de bénéficier du régime des plus-values à long terme pour la cession des titres de sa filiale ; que la société ATP a refusé de produire les documents ; qu'elle ne produit pas non plus ces pièces devant le juge de l'impôt, ne mettant pas celui-ci à même d'apprécier le bien fondé de sa prétention à bénéficier du régime d'imposition au taux réduit de 18 % ; que, dans ces conditions, c'est à tort que le tribunal administratif a fait droit à la demande de la société ATP en jugeant que, dès lors que la plus-value litigieuse était issue de la cession de parts et actions de la société Acquisis, l'administration n'apportait pas la preuve de ce que la société ATP ne pouvait prétendre au bénéfice de ce taux réduit et que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie est par suite fondé à demander le rétablissement de l'imposition au taux de droit commun ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Orléans a fait droit à la requête de la société ATP ;

DÉCIDE :

Article 1er :

Le jugement du Tribunal administratif d'Orléans en date du 14 mars 2000 est annulé.

Article 2 :

La société ATP est rétablie aux rôles de l'impôt sur les sociétés au titre des exercices 1990 à 1993 à raison de la totalité des sommes dont le tribunal administratif a prononcé la décharge.

Article 3 :

Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à la S.A.S. Arts et techniques du progrès (ATP).

1

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ere chambre
Numéro d'arrêt : 00NT01288
Date de la décision : 25/06/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. LEMAI
Rapporteur ?: Mme Françoise MAGNIER
Rapporteur public ?: M. LALAUZE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2004-06-25;00nt01288 ?
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