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25/06/2004 | FRANCE | N°00NT00742

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2eme chambre, 25 juin 2004, 00NT00742


Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 21 avril 2000, présentée pour la commune de Douarnenez, représentée par son maire en exercice, par Me PITTARD, avocat au barreau de Nantes ;

La commune de Douarnenez demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 96-3082 et 96-3083 du 2 février 2000 du Tribunal administratif de Rennes en tant qu'il n'a pas prononcé à son profit des condamnations toutes taxes comprises en réparation des désordres affectant les ouvrages en bois des installations des ports de pêche et de cabotage de Port Rhu ;

2°) de pron

oncer lesdites condamnations, toutes taxes comprises ;

3°) de condamner solidai...

Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 21 avril 2000, présentée pour la commune de Douarnenez, représentée par son maire en exercice, par Me PITTARD, avocat au barreau de Nantes ;

La commune de Douarnenez demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 96-3082 et 96-3083 du 2 février 2000 du Tribunal administratif de Rennes en tant qu'il n'a pas prononcé à son profit des condamnations toutes taxes comprises en réparation des désordres affectant les ouvrages en bois des installations des ports de pêche et de cabotage de Port Rhu ;

2°) de prononcer lesdites condamnations, toutes taxes comprises ;

3°) de condamner solidairement M. X, la société AMB, la société finistérienne de traitement des bois et la société Le Stum à lui verser une somme de 20 000 F en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

............................................................................................................

C

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er juin 2004 :

- le rapport de M. ARTUS, premier conseiller,

- les observations de Me NAUX, substituant Me PITTARD, avocat de la commune de Douarnenez,

- les observations de Me GUY-VIENOT, avocat du bureau Véritas,

- et les conclusions de M. COËNT, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par le jugement attaqué du 2 février 2000, le Tribunal administratif de Rennes, statuant sur l'action en garantie décennale engagée par la commune de Douarnenez (Finistère) contre les constructeurs des installations du port de cabotage et de l'ensemble muséographique du port de pêche de Port Rhu, a condamné solidairement M. X, architecte, la société finistérienne de traitement des bois et la société AMB, d'une part, et ce même architecte et la société Le Stum, d'autre part, à lui verser respectivement les sommes de 2 400 000 F (365 877,64 euros) et 960 000 F (146 351,06 euros), avec intérêts au taux légal à compter de décembre 1996 et capitalisation des intérêts à compter du 29 novembre 1999, en réparation des désordres affectant les ouvrages en bois desdites installations ; que la commune de Douarnenez relève appel de ce jugement en tant qu'il a prononcé une indemnisation excluant la taxe sur la valeur ajoutée sur le montant des travaux de réfection à réaliser ; que, par la voie de l'appel incident, M. X, architecte, demande l'annulation dudit jugement ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

Considérant, d'une part, que la commune de Douarnenez, à qui le département du Finistère a concédé l'établissement et l'exploitation des installations portuaires de Port Rhu dans cette commune, a conclu avec la société d'économie mixte (SEM) Port Rhu Développement un sous-traité d'exploitation ; que cette dernière a confié à M. X, architecte, la maîtrise d'oeuvre des travaux d'infrastructures du port de pêche et du port de cabotage et, par des marchés des 31 mars 1992 et 26 mai 1992, aux sociétés AMB et Le Stum la construction des estacades en bois, respectivement, du port de pêche et de celui de cabotage et à la société finistérienne de traitement des bois, le traitement des structures en bois du port de pêche ; que, toutefois, par jugement du 31 janvier 1997, le Tribunal de commerce de Quimper a homologué la transaction intervenue, dans le cadre de la liquidation judiciaire de la SEM Port Rhu Développement, entre cette dernière représentée par son mandataire liquidateur, et la commune de Douarnenez, aux termes de laquelle ladite commune a été mise en possession des ouvrages et installations portuaires précités de Port Rhu ; que, dès lors, contrairement à ce que soutient M. X, architecte, l'action en garantie décennale a été régulièrement engagée par la commune de Douarnenez en sa qualité de titulaire du contrat de concession sus-rappelé ;

Considérant, d'autre part, que si M. X soutient, également, que le sous-traité de concession conclu entre la commune de Douarnenez et la SEM Port Rhu Développement serait entaché d'une nullité qui affecterait, par voie de conséquence, les marchés passés par ladite société en vue de la réalisation des ouvrages de Port Rhu, en raison du non-respect de la mise en concurrence prévue par l'article 12 de la directive n° 71-305 CEE du 26 juillet 1971 du Conseil des communautés européennes, modifiée par la directive n° 89-440 CEE du 18 juillet 1989, il résulte de l'instruction que le montant prévisionnel des travaux en cause fixé à 10 000 917 F HT (1 524 629,97 euros) était inférieur au seuil de 32 500 000 F HT (4 954 593,06 euros) impliquant une procédure de publicité communautaire ; qu'il suit de là que le moyen présenté par M. X, architecte, ne peut, en tout état de cause, être accueilli ;

Sur le principe de la garantie décennale :

Considérant que si M. X, architecte, soutient qu'en raison du surdimensionnement des ouvrages en chêne, la solidité de l'ouvrage n'est pas remise en cause dans des conditions de nature à engager la responsabilité des constructeurs sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil, il résulte au contraire de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert, désigné en référé par le président du Tribunal administratif de Rennes, que les structures en bois non traité à coeur des installations de l'ensemble muséographique du port de pêche et des installations du port de cabotage de Port Rhu sont, pour leur partie immergée, attaquées massivement par les tarets qui y creusent des galeries ; qu'ainsi, nonobstant leur surdimensionnement, les structures en chêne formant ces installations, fragilisées par les galeries creusées par ces mollusques, sont l'objet d'un processus de destruction conduisant à leur ruine dans un délai de l'ordre de dix ans après leur mise en service ; que de tels désordres généralisés mettent en péril, ainsi que l'ont estimé les premiers juges, la solidité des ouvrages ; qu'il suit de là que M. X, architecte, n'est pas fondé à contester le caractère décennal des désordres qui affectent les installations concernées des ports de pêche et de cabotage de Port Rhu ;

Sur l'imputabilité des désordres à la commune de Douarnenez :

Considérant que si l'étude d'impact réalisée dans le cadre de l'enquête publique préalable à la concession portuaire et à l'autorisation de travaux sur le domaine public maritime mentionnait, parmi les mesures destinées à réduire les conséquences de l'aménagement sur le milieu et à assurer le renouvellement de la masse d'eau, comme le soutient M. X, architecte, la mise à sec ou la possibilité de rendre l'anse au balancement des marées durant une ou plusieurs périodes d'un mois en hiver, il n'est nullement établi que de telles mesures, qui étaient dépourvues de caractère obligatoire pour la commune et qui n'ont d'ailleurs pas été reprises dans l'autorisation de travaux, auraient permis d'éviter les effets destructeurs de l'envahissement des installations en chêne par les tarets ; qu'il suit de là que M. X, architecte, n'est pas fondé à soutenir que les désordres constatés seraient, même partiellement, imputables à la commune de Douarnenez ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions du recours incident présentées par M. X doivent être rejetées ;

Sur le préjudice résultant des dommages causés à la commune de Douarnenez :

Considérant que le montant du préjudice dont le maître de l'ouvrage est fondé à demander réparation aux constructeurs en raison des désordres affectant l'immeuble qu'ils ont réalisé correspond aux frais qu'il doit engager pour les travaux de réparation ; que ces frais comprennent, en règle générale, la taxe sur la valeur ajoutée, élément indissociable de ce coût, lorsque ladite taxe grève les travaux ; que, toutefois, le montant de l'indemnisation doit, lorsque le maître de l'ouvrage relève d'un régime fiscal qui lui permet de déduire tout ou partie de cette taxe de celle qu'il a perçue à raison de ses propres opérations, être diminué du montant de la taxe ainsi déductible ou remboursable ; qu'en application de ces principes, il appartient normalement au maître de l'ouvrage d'établir que son régime fiscal ne lui permet pas de déduire ou de se faire rembourser la taxe grevant les travaux ; qu'il n'est pas contesté que les travaux de réfection en cause dans le présent litige se rapportent à des immeubles abritant des activités qui, en vertu de l'article 256 B du code général des impôts, ne peuvent être imposées à la taxe sur la valeur ajoutée que si leur non-assujettissement entraîne des distorsions dans les conditions de la concurrence et que cette condition d'assujettissement n'est pas satisfaite ; que, dès lors, le maître de l'ouvrage doit être regardé comme justifiant suffisamment de son droit à inclure la TVA dans le montant de l'indemnité qu'il réclame ; qu'ainsi, il y a lieu de porter les sommes de 2 400 000 F (365 877,64 euros) HT et 960 000 F (146 351,06 euros) HT susindiquées, que M. X, architecte, la société AMB et la société finistérienne de traitement des bois, d'une part, et ce même architecte et la société Le Stum, d'autre part, ont été condamnés à verser solidairement à la commune de Douarnenez, respectivement, à 2 926 238,40 F (446 102,17 euros) TTC et 1 172 955,60 F (178 815,93 euros) TTC, sans qu'y fasse obstacle l'allégation selon laquelle la SEM Port Rhu Développement aurait elle-même pu, antérieurement à la prise de possession des ouvrages par la commune, récupérer ladite taxe sur la valeur ajoutée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Douarnenez est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes n'a pas fixé les sommes qui lui sont dues au titre des travaux de réparation des ouvrages endommagés en y incluant la TVA et à demander que ledit jugement soit réformé dans cette mesure ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de condamner solidairement M. X, architecte, la société finistérienne de traitement du bois, Me BACH ès qualité de liquidateur de la société AMB et la société Le Stum à verser à la commune de Douarnenez une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que ces mêmes dispositions font obstacle à ce que la commune de Douarnenez, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à payer à M. X, architecte, la somme que celui-ci demande au titre des frais de même nature qu'il a exposés ; que la société Bureau Véritas, qui n'a reçu communication de la requête de la commune de Douarnenez que pour observations éventuelles et n'a donc pas la qualité de partie dans la présente instance, ne peut prétendre au bénéfice de la somme qu'elle demande sur le fondement desdites dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les sommes de 2 400 000 F (365 877,64 euros) HT et de 960 000 F (146 351,06 euros) HT auxquelles M. X, architecte, la société finistérienne de traitement du bois et la société AMB, d'une part, et M. X, architecte, et la société Le Stum, d'autre part, ont été condamnés à verser à la commune de Douarnenez (Finistère) par les articles 1er et 2 du jugement du Tribunal administratif de Rennes du 2 février 2000, sont portées, respectivement, à 446 102,17 euros (quatre cent quarante six mille cent deux euros dix sept centimes) TTC et 178 815,93 euros (cent soixante dix huit mille huit cent quinze euros quatre vingt treize centimes) TTC.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Rennes du 2 février 2000 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : M. X, architecte, la société finistérienne de traitement du bois, Me BACH es qualité de liquidateur de la société AMB et la société Le Stum verseront, solidairement, à la commune de Douarnenez une somme de 1 000 euros (mille euros) en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par M. X, architecte, et par la société Bureau Véritas tendant au bénéficie des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le surplus des conclusions présenté par M. X, architecte, est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Douarnenez, à M. Rémi X, architecte, à Me CORRE, es qualité de liquidateur de la société finistérienne de traitement du bois et de la société SEM Port Rhu, à Me BACH, es qualité de liquidateur de la société AMB, à la société Le Stum, à la société Bureau Véritas, à la SCI Atelier 3 d'architecture et d'urbanisme et au ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2eme chambre
Numéro d'arrêt : 00NT00742
Date de la décision : 25/06/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DUPUY
Rapporteur ?: M. Didier ARTUS
Rapporteur public ?: M. COENT
Avocat(s) : PITTARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2004-06-25;00nt00742 ?
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