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24/03/2004 | FRANCE | N°00NT01924

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ere chambre, 24 mars 2004, 00NT01924


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 27 novembre 2000, présentée pour M. Bernard X, Mme Irène X et M. Jean-Louis X, agissant en qualité de débiteurs solidaires de la SCI Bretagne Nord, dont le siège est à Brest, 5, place de la Liberté, par Me MISSLIN, avocat au barreau de Paris ;

Les consorts X demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 96-1231 en date du 4 juillet 2000 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a prononcé le rejet de leur demande tendant à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui ont ét

é réclamés à la SCI Bretagne Nord au titre des périodes de février 1988 à déce...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 27 novembre 2000, présentée pour M. Bernard X, Mme Irène X et M. Jean-Louis X, agissant en qualité de débiteurs solidaires de la SCI Bretagne Nord, dont le siège est à Brest, 5, place de la Liberté, par Me MISSLIN, avocat au barreau de Paris ;

Les consorts X demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 96-1231 en date du 4 juillet 2000 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a prononcé le rejet de leur demande tendant à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été réclamés à la SCI Bretagne Nord au titre des périodes de février 1988 à décembre 1989 et de mars à octobre 1990 ;

2°) de prononcer la décharge des rappels contestés et des pénalités y afférentes ;

C

3°) de décider qu'il sera sursis à l'exécution du jugement ;

4°) de condamner l'Etat à leur verser une somme de 15 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

.............................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

Vu la loi n° 96-1181 du 30 décembre 1996 portant loi de finances de l'année pour 1997 ;

Vu le décret n° 96-804 du 12 septembre 1996 relatif à la compétence des fonctionnaires de la direction générale des impôts en matière d'assiette et de contrôle des impositions, taxes et redevances ;

Vu l'arrêté du 12 septembre 1996 précisant les attributions des directions des services fiscaux et les compétences des agents qui y sont affectés ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 février 2004 :

- le rapport de M. HERVOUET, premier conseiller,

- et les conclusions de M. LALAUZE, commissaire du gouvernement ;

Sur l'étendue du litige :

Considérant que, par deux décisions en date du 22 janvier 2002 et du 7 avril 2003, postérieures à l'introduction de la requête, le directeur des services fiscaux du Finistère a prononcé le dégrèvement total des intérêts de retard et, à concurrence de 92 685,95 euros, de la pénalité mise à la charge de la société en application des dispositions de l'article 1730 du code général des impôts ; que les conclusions de la requête des consorts X relatives à ces pénalités sont devenues sans objet ;

Sur le surplus des conclusions de la requête :

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

En ce qui concerne la compétence territoriale du vérificateur :

Considérant qu'en vertu de l'article 122 de la loi du 30 décem-bre 1996 portant loi de finances pour 1997, sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, les contrôles engagés par les services déconcentrés de la direction générale des impôts avant l'entrée en vigueur du décret du 12 septembre 1996, relatif à la compétence des fonctionnaires de cette direction, et des deux arrêtés du même jour pris pour son application, sont réputés réguliers en tant qu'ils seraient contestés par le moyen tiré de l'incompétence territoriale ou matérielle des agents qui ont effectué lesdits contrôles, à la condition que ceux-ci aient été effectués conformément aux règles de compétence fixées par les dispositions susmentionnées ;

Considérant qu'il est constant que la SCI Bretagne Nord, constituée par un acte du 2 février 1988, et dont l'objet était l'acquisition de biens immobiliers en vue de leur location ultérieure, avait fixé son siège social à Brest (Finistère) ; que, si elle allègue avoir décidé le transfert de son lieu de direction effective à Nice, ce transfert n'était pas opposable à l'administration, faute pour la société de l'en avoir informée ; que, par suite, la vérification de comptabilité et le contrôle sur pièces des déclarations de la SCI ont pu être régulièrement effectués par des agents relevant de la direction des services fiscaux du Finistère, en application des règles de compétence territoriale définies par le décret et l'arrêté susvisé du 12 septembre 1996 ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le service des impôts de ce département aurait été territorialement incompétent doit, en tout état de cause, être écarté ;

En ce qui concerne la procédure d'opposition à contrôle fiscal mise en oeuvre pour l'exercice 1989 :

Considérant qu'aux termes de l'article L.74 du livre des procédures fiscales : Les bases d'imposition sont évaluées d'office lorsque le contrôle fiscal ne peut avoir lieu du fait du contribuable ou de tiers. (...) ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'avis de vérification transmis au siège de la SCI Bretagne Nord, ainsi qu'une lettre invitant le gérant à prendre contact avec le service des impôts, ont été retournés à celui-ci avec la mention n'habite pas à l'adresse indiquée ; que les copies de cet avis de vérification et de cette lettre, expédiées ultérieurement à l'adresse du gérant à Nice, n'ont pas davantage été retirées par le destinataire ; que, si les consorts X allèguent que le siège de la SCI a été transféré au 4 et 6, rue Comtesse de Carbonnière à Brest, ce transfert n'était pas opposable à l'administration, faute pour la société d'avoir fourni un compte rendu ou un extrait de la délibération par laquelle ses organes dirigeants en auraient décidé ainsi ; que, par suite, et nonobstant la double circonstance que, d'une part, l'administration avait connaissance de l'existence de locaux dont la société était propriétaire à cette adresse, et y avait fait parvenir les avis d'imposition à la taxe foncière sur les propriétés bâties y afférente au titre des années 1989 et 1990, et, d'autre part, que la société a mentionné la même adresse sur des actes de mutation d'immeubles, c'est à bon droit que le service a notifié au siège de l'intéressée l'avis de vérification de comptabilité au titre de l'exercice clos en 1989 ; que, le contrôle fiscal n'ayant pu avoir lieu du fait du contribuable, le service a pu régulièrement procéder à une évaluation d'office des bases d'imposition au titre de cet exercice selon la procédure prévue par l'article L.74 du livre des procédures fiscales en cas d'opposition à contrôle ;

En ce qui concerne la régularité de l'avis de mise en recouvrement :

Considérant qu'aux termes de l'article R.256-1 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors en vigueur : L'avis de mise en recouvrement individuel prévu à l'article L.256 comporte : 1° les indications nécessaires à la connaissance des droits, taxes, redevances ou autres sommes qui font l'objet de cet avis ; 2° les éléments du calcul et le montant des droits et des pénalités, indemnités ou intérêts de retard, qui constituent la créance. Toutefois, les éléments du calcul peuvent être remplacés par le renvoi au document sur lequel ils figurent lorsque ce document a été établi ou signé par le contribuable ou son mandataire ou lui a été notifié antérieurement (...) ;

Considérant que si l'avis de mise en recouvrement individuel de taxe sur la valeur ajoutée doit préciser, lorsqu'un contribuable exerce des activités distinctes dont les régimes d'imposition présentent des différences sensibles, les fractions de la taxe réclamée qui se rapportent à chacune de ces activités, les dispositions précitées du 1° de l'article R.256-1 du livre des procédures fiscales n'exigent pas, en revanche, lorsque le contribuable exerce une seule activité ou plusieurs activités dont le régime d'imposition ne présentent pas de différences sensibles entre eux, que l'avis de mise en recouvrement précise la base légale spécifiquement applicable à chaque chef de redressement ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité de la SCI Bretagne Nord, celle-ci a été assujettie au titre des périodes de février 1988 à décembre 1989 et mars 1990 à octobre 1990, à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée fondés sur une insuffisance de taxe collectée et des déductions indues relatives à une activité de vente et location d'immeubles ; que les droits ainsi rappelés ne relèvent pas de régimes d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée sensiblement différents alors même que la base d'imposition est différente pour les activités de marchand de biens ; que, dès lors, l'avis de mise en recouvrement de ces impositions, en date du 16 janvier 1992, qui mentionnait Taxe sur la valeur ajoutée CGI art. 256 et suivants, sans autre précision sur les redressements effectués, est régulier ;

En ce qui concerne les remboursements de taxe sur la valeur ajoutée :

Considérant que si le fait, pour un contribuable, d'obtenir indûment le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé son prix de revient n'équivaut pas à une minoration de droits qu'il était personnellement tenu d'acquitter, cette circonstance n'est pas de nature à interdire au service des impôts, en l'absence de disposition légale ou réglementaire en ce sens, de réparer les inexactitudes d'une demande de remboursement par la voie de la notification de redressements correspondant aux déductions non justifiées ;

Sur les pénalités :

Considérant, en premier lieu, que c'est à bon droit, dès lors qu'elle ne pouvait être atteinte à l'adresse de son siège, que l'administration a notifié à la société, au nom et à l'adresse personnelle de son gérant, dont la disparition supposée n'avait pas été portée à sa connaissance, les mises en demeure de produire les déclarations relatives à l'année 1990 ; qu'ainsi l'administration était en droit d'appliquer la majoration prévue à l'article 1728 du code général des impôts ;

Considérant, en deuxième lieu, que, dans les notifications de redressements adressées à la SCI Bretagne Nord le 25 septembre 1991, le vérificateur a indiqué les considérations de droit et de fait qui avaient fondé l'application des dispositions de l'article 1728 ; que par ailleurs, la société a été informée, par deux lettres du 24 septembre 1991, adressées à son siège et au domicile de son gérant à Nice, lesquelles comportaient également l'indication des motifs de droit et de fait retenus par l'administration, que les impositions mises à sa charge au titre de la période du 1er février 1988 au 31 décembre 1989 seraient assorties de la majoration prévue par l'article 1730 en cas d'opposition à contrôle fiscal ; que, par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que les pénalités litigieuses n'auraient pas été motivées conformément aux dispositions de l'article L.80 D du livre des procédures fiscales et de la loi du 11 juillet 1979 ;

Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1 - Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle... ; que ces dispositions sont applicables à la contestation, devant la juridiction compétente, de la majoration d'imposition prévue par l'article 1730 du code général des impôts, qui constitue, même si le législateur a laissé le soin de la prononcer à l'autorité administrative, une accusation en matière pénale au sens du paragraphe 1 de l'article 6 de la Convention ;

Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 1730 du code général des impôts qu'en cas d'opposition à contrôle fiscal, les suppléments de droits mis à la charge du contribuable sont assortis d'une majoration de 150 % ; que le juge de l'impôt, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, décide, dans chaque cas, selon les résultats de ce contrôle, soit de maintenir la majoration infligée par l'administration, soit d'en prononcer la décharge s'il estime que le contribuable ne s'est pas effectivement opposé au contrôle fiscal ; qu'il dispose, ainsi, d'un pouvoir de pleine juridiction conforme aux stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales lesquelles n'impliquent pas, alors même que le législateur a retenu un taux unique pour la majoration en cause, que le juge puisse moduler l'application de cette dernière en substituant un taux inférieur à celui de 150 % ; que, dans ces conditions, les consorts X ne sont pas fondés à soutenir que les dispositions de l'article 1730 du code général des impôts seraient incompatibles avec les stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la Convention ;

Considérant que, s'agissant des rappels et pénalités restant en litige, il résulte de tout ce qui précède que les consorts X ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande ;

Sur l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de condamner l'Etat à payer aux consorts X une somme de 500 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er :

Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête des consorts X tendant à la décharge des intérêts de retard et, à concurrence de 92 685,95 euros (quatre-vingt douze mille six cent quatre-vingt cinq euros quatre-vingt quinze centimes), de la pénalité mise à la charge de la société en application des dispositions de l'article 1730 du code général des impôts.

Article 2 :

Le jugement du Tribunal administratif de Rennes en date du 4 juillet 2000 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 :

L'Etat versera aux consorts X une somme de 500 euros (cinq cents euros) au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 4 :

Le surplus des conclusions de la requête des consorts X est rejeté.

Article 5 :

Le présent arrêt sera notifié aux consorts X et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ere chambre
Numéro d'arrêt : 00NT01924
Date de la décision : 24/03/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. LEMAI
Rapporteur ?: M. Christophe HERVOUET
Rapporteur public ?: M. LALAUZE
Avocat(s) : MISSLIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2004-03-24;00nt01924 ?
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