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31/07/2003 | FRANCE | N°99NT02691

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3eme chambre, 31 juillet 2003, 99NT02691


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 23 novembre 1999, présentée pour le centre hospitalier d'Avranches-Granville, dont le siège social est rue des Menneries, 50400 Granville, représentée par son directeur à ce dûment habilité par délibération du conseil d'administration en date du 13 décembre 1999, par la société civile professionnelle OLIVE - CABOT -DELACOURT - DEMIDOFF, société d'avocats au barreau de Rennes ;

Le centre hospitalier d'Avranches-Granville demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 98-1797, 98-1798, 99-120 et 99-121 du 6

juillet 1999 par lequel le Tribunal administratif de Caen l'a condamné à verse...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 23 novembre 1999, présentée pour le centre hospitalier d'Avranches-Granville, dont le siège social est rue des Menneries, 50400 Granville, représentée par son directeur à ce dûment habilité par délibération du conseil d'administration en date du 13 décembre 1999, par la société civile professionnelle OLIVE - CABOT -DELACOURT - DEMIDOFF, société d'avocats au barreau de Rennes ;

Le centre hospitalier d'Avranches-Granville demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 98-1797, 98-1798, 99-120 et 99-121 du 6 juillet 1999 par lequel le Tribunal administratif de Caen l'a condamné à verser à Mme Marie-Christine X une indemnité de 150 000 F en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite C qu'elle a contractée, à la suite de transfusions sanguines, lors de séjours au centre hospitalier d'Avranches-Granville en 1980 et 1981 ;

C+ CNIJ n° 60-02-01-01

2°) de rejeter la demande de Mme X et les conclusions de l'Etablissement national des invalides de la marine présentées devant le Tribunal administratif de Caen ;

3°) de condamner Mme X à lui verser une somme de 10 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002, notamment son article 102 ;

Vu le décret n° 96-874 du 30 septembre 1996 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 juillet 2003 :

- le rapport de M. GUALENI, premier conseiller,

- les observations de Me POIGNARD, avocat du centre hospitalier d'Avranches-Granville,

- et les conclusions de M. MILLET, commissaire du gouvernement ;

Considérant que Mme X a accouché, le 3 mai 1980, au centre hospitalier d'Avranches-Granville ; qu'à cette occasion elle a reçu deux concentrés érythrocytaires ; que lors d'un nouvel accouchement survenu dans cet établissement le 18 novembre 1981, avec extraction de l'enfant par césarienne, Mme X a reçu dix-sept concentrés érythrocytaires, quatre flacons de plasma congelés et deux fibrinogènes ; qu'une hépatite C ayant été diagnostiquée au mois de mars 1993, le Tribunal administratif de Caen a, à la demande de Mme X, déclaré le centre hospitalier d'Avranches-Granville responsable des conséquences dommageables de sa contamination par le virus de l'hépatite C et l'a condamné à lui verser une somme de 150 000 F en réparation des préjudices résultant de cette contamination ; que le centre hospitalier d'Avranches-Granville demande l'annulation du jugement susvisé ; que, par la voie du recours incident, Mme X demande la réformation de ce jugement en tant qu'il a condamné le centre hospitalier à lui verser une somme de 150 000 F qu'elle estime insuffisante ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'aux termes de l'article 102 de la loi susvisée du 4 mars 2002 : En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contami-nation par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur. Cette disposition est applicable aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable. ;

Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise ordonnée par le Tribunal administratif statuant en référé, que si la contamination par le virus de l'hépatite C à l'occasion soit de soins dentaires dispensés à Mme X, soit d'examens exploratoires liés à des troubles circulatoires des membres inférieurs ne peut être exclue, cette hypothèse selon l'expert n'a pu être documentée ; qu'il résulte également de l'instruction que si les dix-huit donneurs ayant été sollicités pour la fourniture des concentrés érythrocytaires ont pu être identifiés et que douze d'entre eux ne comportaient pas de séropositivité du virus de l'hépatite C, quatre donneurs n'ont pu être retrouvés et deux sont décédés sans que l'on connaisse la cause du décès ; qu'ainsi, la preuve de l'innocuité de ces produits sanguins n'est pas rapportée ; que, par suite, et quand bien même les signes cliniques de la maladie ne se sont manifestés qu'au début de l'année 1993, le lien de causalité entre l'administration de produits sanguins et la contamination par le virus de l'hépatite C de Mme X, doit être tenu comme établi ;

Considérant, d'autre part, qu'en vertu des dispositions de la loi du 21 janvier 1952, modifiée par la loi du 2 août 1961, les centres de transfusion sanguine ont le monopole des opérations de collecte du sang et ont pour mission d'assurer le contrôle médical des prélèvements, le traitement, le conditionnement et la fourniture aux utilisateurs des produits sanguins ; que, eu égard tant à la mission qui leur est ainsi confiée par la loi qu'aux risques que présente la fourniture de produits sanguins, les centres de transfusion, ou les hôpitaux dont ils relèvent, sont responsables, même en l'absence de faute, des conséquences dommageables de la mauvaise qualité des produits fournis ; qu'il est constant que les concentrés érythrocytaires transfusés à Mme X ont été fournis par le poste de transfusion sanguine d'Avranches qui relevait de ce centre hospitalier ; qu'ainsi, la responsabilité de cet établissement est engagée à l'égard de Mme X, à raison de la fourniture de produits sanguins par le poste de transfusion sanguine d'Avranches, sans que cet établissement puisse s'exonérer de sa responsabilité en soutenant, d'une part, que les autres produits sanguins transfusés à Mme X proviennent du centre régional de transfusion sanguine de Rennes et du Centre national de transfusion sanguine, d'autre part, que la reconnaissance scientifique de l'hépatite C n'est intervenue qu'en 1989 et que les tests de dépistage n'ont été mis en oeuvre qu'à compter de 1991 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier d'Avranches-Granville n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Caen l'a déclaré responsable de la contamination de Mme X ;

Sur le préjudice de Mme X :

Considérant, en premier lieu, que si Mme X soutient que, du fait de sa contamination, elle s'est trouvée dans l'impossibilité de poursuivre son activité salariée de vendeuse, d'exercer une activité sportive et que son mari a cédé son bateau de pêche, elle n'établit pas l'existence d'un lien de causalité entre ces événements et sa contamination ;

Considérant, en deuxième lieu, que si Mme X soutient que depuis sa contamination elle a subi de nombreux séjours en milieu hospitalier et examens médicaux, il résulte de l'instruction qu'avant même sa contamination l'insuffisance circulatoire des membres inférieurs dont elle souffrait, marquée par des épisodes aigus notamment à l'occasion de ses grossesses successives, associée à une surcharge pondérale relevée dès 1988, expliquent la majeure partie des séjours hospitaliers et examens médicaux effectués entre 1980 et 1991 ; que, par ailleurs, Mme X ne fournit pas d'éléments sur une éven-tuelle aggravation de son hépatite, qualifiée dans le rapport d'expertise d'hépatite chronique d'activité discrète, l'expert retenant en 1996, en l'absence de déficit important de la fonction hépatique, une stabilisation relative de l'évolution actuelle de la maladie ;

Considérant que Mme X n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que le taux d'incapacité permanente partielle évalué à 10 % par l'expert serait insuffisant, ni que le Tribunal administratif aurait fait une évaluation insuffisante des préjudices de toute nature liés à sa contamination ; que, par suite, le recours incident présenté par Mme X doit être, sur ce point, rejeté ;

Sur les intérêts :

Considérant que Mme X a droit, comme elle le demande, au cas où le jugement attaqué n'aurait pas encore été exécuté, à ce que les indemnités qui lui sont dues portent intérêts au taux légal à compter du 16 septembre 1998 ;

Considérant que l'Etablissement national des invalides de la marine a droit, au cas où le jugement attaqué n'aurait pas encore été exécuté, aux intérêts de la somme de 1 654,17 euros (10 850,64 F) à compter du 5 mars 1999, date de l'enregistrement de son mémoire devant le Tribunal tendant à la condamnation du centre hospitalier d'Avranches-Granville au titre des débours exposés au profit de Mme X ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 376 -1 du code de la sécurité sociale :

Considérant qu'aux termes des cinquième et sixième alinéas de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale résultant du I de l'article 9 de l'ordonnance susvisée du 24 janvier 1996 : En contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement mentionné au troisième alinéa ci-dessus, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant maximum de 5 000 F et d'un montant minimum de 500 F. Cette indemnité est établie et recouvrée par la caisse selon les règles et sous les garanties et sanctions prévues au chapitre 3 du titre III et aux chapitres 2, 3 et 4 du titre IV du livre Ier ainsi qu'aux chapitres 3 et 4 du titre IV du livre II applicables au recouvrement des cotisations de sécurité sociale ;

Considérant que ces dispositions qui autorisent les caisses d'assurance maladie à recouvrer l'indemnité forfaitaire auprès du tiers responsable selon les règles et sous les garanties et sanctions prévues pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale, les litiges nés de l'action en recouvrement relevant alors des juridictions du contentieux général de la sécurité sociale, ne font pas obstacle à ce que ces mêmes caisses lorsqu'elles demandent, en application de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale, à la juridiction administrative compétente de condamner le tiers responsable à leur rembourser les prestations qu'elles ont versées à la victime, assortissent leur demande de remboursement d'une demande accessoire portant sur l'indemnité forfaitaire prévue par le même article du code de la sécurité sociale ; que la juridiction administrative, statuant dans une telle hypothèse sur le remboursement des prestations versées à la victime, est compétente pour allouer à la caisse demanderesse l'indemnité prévue au cinquième alinéa de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'Etablissement national des invalides de la marine, à qui ces dispositions sont applicables en vertu de celles du décret du 30 septembre 1996 susvisé est fondé, par la voie du recours incident, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Caen a rejeté, comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître, les conclusions tendant à la condamnation du centre hospitalier d'Avranches-Granville à lui verser une somme de 551,39 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par les dispositions précitées de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale ; qu'ainsi, le jugement du Tribunal administratif de Caen du 6 juillet 1999 doit, dans cette mesure, être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu, dans cette mesure, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par l'Etablissement national des invalides de la marine devant le Tribunal administratif de Caen ;

Considérant qu'il y a lieu, en application de ces dispositions, de condamner le centre hospitalier de Cherbourg à verser à l'Etablissement national des invalides de la marine une somme de 551,39 euros ;

Sur l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de condamner le centre hospitalier d'Avranches -Granville à payer à Mme X une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu également, en application des mêmes dispositions, de condamner le centre hospitalier à payer à l'Etablissement national des invalides de la marine la somme de 800 euros que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces mêmes dispositions de condamner Mme X à verser au centre hospitalier d'Avranches-Granville et au centre hospitalier régional et universitaire de Caen les sommes qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens, ni de condamner le centre hospitalier d'Avranches-Granville à verser au centre hospitalier régional et universitaire de Caen la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du centre hospitalier d'Avranches-Granville est rejetée.

Article 2 : La somme de 150 000 F (22 867,35 euros) (vingt-deux mille huit cent soixante-sept euros et trente-cinq centimes) que le centre hospitalier d'Avranches-Granville a été condamné à verser à Mme Marie-Christine X par le Tribunal administratif de Caen portera intérêts au taux légal à compter du 16 septembre 1998.

Article 3 : Le surplus des conclusions du recours incident de Mme Marie-Christine X est rejeté.

Article 4 : La somme de 10 850,64 F (1 654,17 euros) (mille six cent cinquante-quatre euros et dix-sept centimes) que le centre hospitalier d'Avranches-Granville a été condamné à verser à l'Etablissement national des invalides de la marine par le Tribunal administratif de Caen portera intérêts au taux légal à compter du 5 mars 1999.

Article 5 : Le centre hospitalier d'Avranches-Granville versera à l'Etablissement national des invalides de la marine une somme de 551,39 euros (cinq cent cinquante et un euros et trente-neuf centimes) au titre de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale.

Article 6 : Le centre hospitalier d'Avranches-Granville versera à Mme Marie-Christine X une somme de 1 000 euros (mille euros) et à l'Etablissement national des invalides de la marine une somme de 800 euros (huit cents euros) au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Les conclusions du centre hospitalier régional et universitaire de Caen tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier d'Avranches-Granville, à Mme Marie-Christine X, à l'Etablissement national des invalides de la marine, au centre hospitalier régional et universitaire de Caen et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3eme chambre
Numéro d'arrêt : 99NT02691
Date de la décision : 31/07/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. SALUDEN
Rapporteur ?: M. Christian GUALENI
Rapporteur public ?: M. MILLET
Avocat(s) : CABOT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2003-07-31;99nt02691 ?
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