Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 27 novembre 2000, présentée pour la compagnie AXA Assurances, représentée par son président- directeur général en exercice, dont le siège est Délégation région ouest 6, rue du Château de l'Eraudière 44328 Nantes cedex 3, par Me LAHALLE, avocat au barreau de Rennes ;
La compagnie AXA Assurances, subrogée dans les droits de son assuré, M. Pascal Y, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 98-228 du 12 avril 2000 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à ce que la commune de Sevran (Seine-Saint-Denis) soit déclarée entièrement responsable des conséquences dommageables de l'accident de la circulation survenu le 3 juillet 1995 à proximité du port de Crouesty (Morbihan) et au cours duquel des blessures ont été occasionnées à Mlles Audrey Z et Fatma A ;
2°) de condamner la commune de Sevran à lui rembourser les sommes de 1 629 190,59 F et de 32 785,12 F, avec intérêts au taux légal à compter des quittances subrogatives, qu'elle a versées en réparation des préjudices subis, respectivement, par Mlle Z et Mlle A, ainsi que les sommes qu'elle pourrait être amenée à verser ultérieurement à Mlle Z ;
C CNIJ n° 60-02-06-02
3°) de condamner la commune de Sevran à lui verser une somme de 10 000 F au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 avril 2003 :
- le rapport de Mme WEBER-SEBAN, premier conseiller,
- les observations de Me LEBRUN, substituant Me LAHALLE, avocat de la compagnie AXA Assurances ;
- et les conclusions de M. LALAUZE, commissaire du gouvernement ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le 3 juillet 1995, vers 1 h 30 du matin, Mlle Audrey Z et Mlle Fatma A, âgées respectivement de seize et dix-huit ans, qui participaient à un stage de formation nautique au centre des Glénans, organisé par la commune de Sevran (Seine-Saint-Denis), ont été heurtées par la voiture conduite par M. Y, sur la route départementale 780, à proximité du port du Crouesty (Morbihan) où leur bateau avait accosté la veille en fin d'après-midi ;
Considérant qu'il résulte des termes de la convention signée le 15 février 1995 entre le service municipal de la jeunesse de la commune de Sevran et l'association Les Glénans, pour la mise en oeuvre d'un projet d'insertion sociale par le sport destiné à des adolescents en difficulté âgés de 15 à 21 ans, dénommé la croisière des villes, que l'encadrement nautique du stage auquel participaient les jeunes Audrey Z et Fatma A, était assuré par le personnel du centre nautique des Glénans et que le groupe de jeunes était, en dehors des activités nautiques, placé sous la responsabilité d'un animateur recruté par cette commune ; qu'il ressort de différents témoignages recueillis à l'occasion de l'enquête de gendarmerie, que le groupe de six jeunes de quinze à dix-huit ans placés sous la responsabilité de M. Olivier BOUISSE, animateur recruté par la commune de Sevran, avait, avec l'accord de ce dernier, passé la soirée avec un autre groupe rencontré plus tôt ; que les jeunes gens avaient obtenu de l'animateur l'autorisation de se promener librement dans la zone piétonnière du port du Crouesty ; qu'à supposer même que M. BOUISSE ait, ainsi qu'il l'a affirmé, pu vérifier, bien qu'il se trouvait sur le bateau, la présence du groupe toutes les demi-heures au lieu autorisé, soit personnellement soit par l'intermédiaire d'un autre animateur, cette mesure de surveillance, qui n'a pu faire obstacle à ce que ces jeunes se trouvent, à 1 h 30 du matin, livrés à eux-mêmes sur une route située en dehors du port, doit être regardée comme n'étant pas adaptée à des adolescents qui, bien qu'âgés de seize à dix-huit ans, étaient des jeunes en difficulté dont le comportement, volontiers provocateur et enclin à braver les interdits, s'était d'ailleurs manifesté, ainsi qu'il résulte des différents témoignages, tout au long de la soirée ; que la faute résultant du défaut de surveillance commise par l'animateur de la commune de Sevran est de nature à engager la responsabilité de cette dernière ; que, toutefois, d'une part, la faute commise par les victimes, lesquelles ont enfreint les consignes qui leur avaient été données et avaient pris le parti de marcher au milieu de la chaussée, d'autre part, la faute commise par le conducteur de la voiture, qui, sur une route bien éclairée à l'intérieur d'une agglomération n'a pas su, ainsi qu'il résulte du procès-verbal d'infraction dressé à son encontre, maîtriser la vitesse de son véhicule, sont de nature à exonérer, pour partie, la commune de Sevran de sa responsabilité ; que, dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation de la part de responsabilité qui doit être laissée à la charge de la commune en limitant la condamnation de celle-ci au tiers de la réparation des conséquences dommageables de l'accident dont ont été victimes Mlle Z et Mlle A ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la compagnie AXA Assurances est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes a exonéré la commune de Sevran de toute responsabilité dans l'accident de circulation au cours duquel des blessures ont été occasionnées à Mlles Z et A ;
Sur les droits de la compagnie AXA Assurances :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que la compagnie AXA Assurances a versé aux victimes de l'accident survenu le 3 juillet 1995, ainsi qu'aux caisses d'assurance maladie concernées, les sommes non contestées de 1 629 190,59 F (248 368,50 euros), en ce qui concerne Mlle Z et de 32 781,12 F (4 997,45 euros), en ce qui concerne Mlle A, en réparation des dommages de toute nature subis par ces dernières ; que, dès lors, il y a lieu de condamner la commune de Sevran à payer à la compagnie AXA Assurances, subrogée dans les droits de M. Y, le tiers de la somme totale de 253 365,94 euros, soit 84 455,31 euros ;
Considérant, en second lieu, que la compagnie AXA Assurances n'est pas fondée à demander le remboursement des sommes qu'elle pourrait être amenée à verser ultérieurement à raison des soins dispensés à Mlle Z, à défaut, pour les sommes ainsi alléguées, de revêtir un caractère certain ;
Sur les intérêts :
Considérant que, lorsqu'ils ont été demandés et quelle que soit la date de cette demande, les intérêts moratoires dus en application de l'article 1153 du code civil courent à compter du jour où la demande de paiement du principal est parvenue au débiteur ou, en l'absence d'une telle demande, préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine ; que, par suite, la compagnie AXA Assurances a droit aux intérêts au taux légal afférents à la somme précitée de 84 455,31 euros à compter du 19 septembre 1997, date de réception, par la commune de Sevran, de sa demande de réparation ;
Sur les intérêts des intérêts :
Considérant qu'aux termes de l'article 1154 du code civil : Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ; que pour l'application des dispositions précitées, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond ; que cette demande prend, toutefois, effet au plus tôt à la date à laquelle elle est enregistrée et pourvu qu'à cette date il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ; que, le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande ; que la compagnie AXA Assurances a demandé, par un mémoire du 22 septembre 1999, la capitalisation des intérêts ; qu'à cette date, les intérêts étaient dus pour au moins une année entière ; qu'il y a lieu, dès lors, de faire droit à cette demande tant à cette date qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant, d'une part, que ces dispositions font obstacle à ce que la compagnie AXA Assurances, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à payer à la commune de Sevran la somme que cette dernière demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, d'autre part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces mêmes dispositions, de condamner la commune de Sevran à payer à la compagnie AXA Assurances une somme de 1 000 euros au titre des frais de même nature exposés par cette dernière ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 12 avril 2000 du Tribunal administratif de Rennes est annulé.
Article 2 : La commune de Sevran (Seine-Saint-Denis) versera à la compagnie AXA Assurances, subrogée dans les droits de M. Pascal Y, la somme de 84 455,31 euros (quatre vingt quatre mille quatre cent cinquante cinq euros trente et un centimes), assortie des intérêts au taux légal à compter du 19 septembre 1997. Les intérêts échus à la date du 22 septembre 1999 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : La commune de Sevran versera à la compagnie AXA Assurances, une somme de 1 000 euros (mille euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la compagnie AXA Assurances est rejeté.
Article 5 : Les conclusions de la commune de Sevran tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la compagnie AXA Assurances, à la commune de Sevran et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
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