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25/04/2003 | FRANCE | N°99NT00346

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4eme chambre, 25 avril 2003, 99NT00346


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 23 février 1999 et le mémoire complémentaire enregistré le 2 août 1999, présentés pour la société DESBONT CLAIN, représentée par M. Philippe CLAIN, en qualité de liquidateur, demeurant ..., par la S.C.P. HELLOT ROUSSELOT, avocats au barreau de Caen ;

La société DESBONT CLAIN demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement nos 95-581, 96-113 et 97-266 du Tribunal administratif de Caen du 17 décembre 1998 en tant que ledit jugement a rejeté sa demande tendant à être déchargée des conséquences de la mise

en régie à ses frais et risques du marché, ne l'a indemnisée au titre des frais suppl...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 23 février 1999 et le mémoire complémentaire enregistré le 2 août 1999, présentés pour la société DESBONT CLAIN, représentée par M. Philippe CLAIN, en qualité de liquidateur, demeurant ..., par la S.C.P. HELLOT ROUSSELOT, avocats au barreau de Caen ;

La société DESBONT CLAIN demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement nos 95-581, 96-113 et 97-266 du Tribunal administratif de Caen du 17 décembre 1998 en tant que ledit jugement a rejeté sa demande tendant à être déchargée des conséquences de la mise en régie à ses frais et risques du marché, ne l'a indemnisée au titre des frais supplémentaires liés à la mauvaise conduite de la maîtrise d'oeuvre qu'à concurrence de 120 000 F, a rejeté ses demandes indemnitaires relatives aux travaux supplémentaires, a rejeté sa demande indemnitaire au titre de l'augmentation de la masse des travaux et du compte prorata et rejeté sa demande tendant à la condamnation de la ville à lui verser une somme de 500 000 F au titre du préjudice qui lui a été causé par le retard de paiement ;

C CNIJ n° 39-05-01-02-01

n° 39-05-02

n° 39-08-01

n° 39-08-04-01-02

n° 39-08-04-01-03

2°) de condamner la ville de Caen à lui payer, en deniers ou quittance, la somme de 2 952 084 F TTC, cette somme devant être augmentée des intérêts prévus à l'arrêté du 17 décembre 1993 à compter du 29 juillet 1994, et les intérêts devant être capitalisés ;

3°) de condamner la ville de Caen à lui payer une indemnité de 30 000 F au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

...............................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 mars 2003 :

- le rapport de Mme JACQUIER, premier conseiller,

- et les conclusions de M. MORNET, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la ville de Caen a entrepris, en vue de la commémoration du 50e anniversaire du débarquement en Normandie, une opération de rénovation et d'agrandissement du musée des Beaux-Arts ; qu'à cette fin, elle a confié à un groupement composé de M. , architecte et mandataire commun du groupement, du BETCI, bureau d'études chargé des études de structure et d'économie et du bureau d'études Cayla, chargé des fluides, une mission de maîtrise d'oeuvre de type M6 (maîtrise d'oeuvre sans projet) plus 50 % STD (spécifications techniques détaillées) et 50 % PEO (plan d'exécution des ouvrages) pour un montant global de 5 289 956,15 F TTC ; que le lot n° 1 démolitions-gros oeuvre-cloisons-doublage a été confié, par marché passé le 11 août 1992, à la société DESBONT CLAIN pour un montant total de 12 123 964,36 F TTC, porté ultérieurement à 13 437 524,02 F TTC par un premier avenant du 2 décembre 1993 destiné à formaliser dix-sept ordres de services apportant des modifications au projet initial, puis à 13 522 379,64 F TTC par un deuxième avenant du 19 janvier 1994 destiné à formaliser onze ordres de service modificatifs et enfin, à 13 606 777,23 F TTC par un troisième avenant formalisant neuf nouveaux ordres de service modificatifs ; qu'à la suite des difficultés intervenues dans le déroulement du chantier, la direction du chantier a été reprise conjointement par les services techniques de la ville de Caen, un autre cabinet d'études, le cabinet MIRALLES, chargé d'une mission d'ordonnancement, planification et coordination et la société APROMO-Ouest, chargée de l'établissement des calendriers d'intervention des différentes entreprises ; qu'après avoir adressé une mise en demeure d'achever les travaux dont elle était responsable à la société DESBONT CLAIN, la ville de Caen a fait procéder, sur le fondement de l'article 49 du C.C.A.G. (cahier des clauses administratives générales) à une mise en régie du marché aux frais et risques de l'entreprise DESBONT CLAIN et fait terminer les travaux de plâtrerie par la société C.I.P. ; que la société DESBONT CLAIN ayant contesté le décompte général et définitif établi par la ville de Caen, elle a saisi le Tribunal administratif de Caen d'une demande tendant à l'annulation d'un état exécutoire émis par le maire de la ville au titre d'un trop-perçu sur la rémunération du marché et à la condamnation de la ville de Caen à lui payer la somme de 2 732 377 F au titre du solde du marché ; qu'après avoir prononcé un non-lieu sur les conclusions tendant à l'annulation de l'état exécutoire, le Tribunal administratif de Caen a, par le jugement attaqué du 17 décembre 1998, dans son article 1er, condamné la ville de Caen à payer à la société DESBONT CLAIN la somme de 700 877,17 F, augmentée des intérêts, dans son article 2, mis les frais et honoraires des expertises ordonnées en référé à la charge de la ville de Caen et de la société DESBONT-CLAIN à concurrence respectivement des trois quart et du quart, dans son article 3, condamné M. à garantir les indemnités mises à la charge de la ville de Caen dans les limites respectives de la somme principale de 120 000 F et de 10 % des frais d'expertise, dans son article 4, condamné le BETCI à garantir la moitié des condamnations mises à la charge de M. et, dans son article 7, rejeté le surplus des conclusions des parties ; que la société DESBONT-CLAIN demande à la Cour de réformer le jugement et de condamner la ville de Caen à lui verser 2 952 084 F TTC, cette somme devant être augmentée des intérêts et les intérêts devant être capitalisés ; que, par des conclusions d'appel incident, la ville de Caen demande à la Cour de condamner la société DESBONT-CLAIN à rembourser les sommes qu'elle a été condamnée à lui verser par le jugement et de la condamner à lui payer une indemnité globale de 548 213,45 F et par des conclusions d'appel provoqué, elle demande la condamnation de M. à la garantir des condamnations mises à sa charge ; que par des conclusions d'appel provoqué, M. demande à être garanti des condamnations susceptibles d'être mises à sa charge par le BETCI qui demande, pour sa part, à être mis hors de cause ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

Considérant qu'aux termes de l'article 50-22 du cahier des clauses administratives générales applicables au marché litigieux : Si un différend survient directement entre la personne responsable du marché et l'entrepreneur, celui-ci doit adresser un mémoire de réclamation à ladite personne aux fins de transmission au maître de l'ouvrage ; que l'article 50-23 stipule que : La décision à prendre sur les différends prévus aux 21 et 22 du présent article appartient au maître de l'ouvrage ; qu'il résulte enfin de l'article 50-31 du C.C.A.G. que si, dans le délai de trois mois à partir de la date de réception, par la personne responsable du marché, de la lettre ou du mémoire de l'entrepreneur susmentionné, aucune décision ne lui a été notifiée, il peut saisir le Tribunal compétent ;

Considérant que le litige opposant la société DESBONT CLAIN à la ville de Caen, à la suite du refus par ladite société de signer le décompte général relatif aux travaux du marché, doit être regardé comme constituant un différend survenu directement entre la personne responsable du marché et l'entrepreneur ; que le décompte général établi par la ville de Caen a été notifié à la société DESBONT CLAIN le 6 mars 1995 ; qu'un mémoire de réclamation a été adressé le 10 avril 1995 par l'entreprise DESBONT CLAIN, au responsable du marché pour la ville de Caen ; qu'elle a saisi le Tribunal administratif le 18 mai 1995 ; que, par suite, la ville de Caen, M. et le BETCI ne sont pas fondés à soutenir, par les moyens qu'ils invoquent, que c'est à tort que le Tribunal administratif de Caen a admis la recevabilité de la demande de première instance ;

Sur l'appel principal :

En ce qui concerne les réfactions opérées par le maître de l'ouvrage :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction et notamment des constatations du rapport de l'expert désigné par le juge des référés du Tribunal administratif, qu'il y a lieu de déduire 11 329 F au titre des prestations inachevées qui ont été réalisées à la place de la société DESBONT CLAIN par une autre entreprise ; que si la société soutient que cette somme aurait été déduite deux fois, elle n'apporte pas la preuve de ses allégations ;

Considérant, en second lieu, que le Tribunal n'a pas fait une inexacte appréciation des responsabilités incombant à l'entreprise dans les désordres affectant l'étanchéité des parois de la salle de conférence en fixant l'abattement devant être retenu à ce titre à 110 821 F ;

En ce qui concerne les frais supplémentaires résultant de la désorganisation de la maîtrise d'oeuvre :

Considérant, en premier lieu, que s'il résulte du rapport de l'expert que l'éclatement des missions de la maîtrise d'oeuvre entre de trop nombreux intervenants a conduit à l'organisation du désordre du fait de l'absence d'un véritable responsable de chantier et si l'imprécision dans la définition initiale des prestations dénotant de la part de la maîtrise d'oeuvre technique une absence de réflexion sur les conditions d'exécution des travaux et une méconnaissance des règles élémentaires régissant les techniques professionnelles ont été à l'origine de l'état conflictuel ayant caractérisé le déroulement du chantier, l'appelante ne justifie pas plus en appel qu'en première instance, de la nature et de l'étendue du préjudice que cet état de fait lui aurait causé ; qu'en limitant à 120 000 F le montant de l'indemnité devant lui être allouée au titre des frais d'études que la société a dû faire réaliser par le bureau Auxiba, le Tribunal a fait une juste appréciation de la part de responsabilité devant rester à la charge de la société DESBONT CLAIN ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne résulte pas des documents contractuels que la suppression de certains travaux aurait dû avoir pour conséquence de décharger la société de la réalisation des travaux sur la passerelle ; que les frais de géomètre étaient prévus par le forfait et ne sauraient donc être regardés comme des travaux supplémentaires ; que si la société soutient que les travaux de piochement d'enduit et la réalisation d'enduits de plâtre ainsi que d'enduit de plâtre projeté ont dû être réalisés sur des surfaces non prévues par les documents contractuels, elle ne l'établit pas ; que l'installation des cimaises était prévue par les documents contractuels et notamment par l'avenant n° 2 ; que contrairement à ce que soutient la société, il résulte de l'instruction que les ordres de service nos 53,55,56 et 61 portant sur des travaux supplémentaires étaient assortis de la notification de prix provisoires que la société a été réputée avoir accepté faute d'avoir présenté des observations dans le délai d'un mois prévu par l'article 14-4 du cahier des clauses administratives générales ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 15-3 du cahier des clauses administratives générales : Si l'augmentation de la masse des travaux est supérieure à l'augmentation limite définie à l'alinéa suivant, l'entrepreneur a droit à être indemnisé en fin de compte du préjudice qu'il a éventuellement subi du fait de cette augmentation au-delà de l'augmentation limite ; l'augmentation limite est fixée : - pour un marché à prix forfaitaires, au vingtième de la masse initiale... ; que le montant de la masse initiale des travaux doit être déterminé en prenant en considération non seulement la masse des travaux telle qu'elle est définie dans le marché initial, mais également, les augmentations de celle-ci résultant des avenants successifs ; qu'en tout état de cause, même en prenant en compte le montant de la masse initiale des travaux, à l'exclusion des trois avenants successifs ayant augmenté le prix du marché, le montant des travaux supplémentaires resterait inférieur à l'augmentation limite fixée par les stipulations précitées ;

En ce qui concerne le compte prorata :

Considérant qu'aux termes de l'article 3.3 du cahier des clauses administratives particulières répartition des dépenses communes : Les dépenses communes de chantier sont définies dans le document annexe intitulé Note d'organisation du chantier. Ce document indique la nature des dépenses d'investissement, d'entretien de ces investissements, et de consommation du chantier, et le ou les lots auxquels elles incombent, ainsi que les modalités de leur répartition entre les entreprises. ;

Considérant que la société DESBONT CLAIN qui se borne à soutenir qu'elle n'aurait pas été indemnisée des dépenses prévues au compte prorata en raison d'une faute du maître de l'ouvrage qui aurait libéré les entreprises du montant de leur solde de marché sans que l'entreprise DESBONT CLAIN ne leur ait délivré quitus dans les conditions fixées au 1-4-5 du C.C.A.P. n'établit par la production d'aucun document ni l'existence ni l'étendue de la créance qu'elle détiendrait à ce titre ;

En ce qui concerne le préjudice résultant du retard de paiement :

Considérant que si la société DESBONT CLAIN soutient que le paiement tardif de la ville de Caen aurait provoqué sa liquidation judiciaire, elle n'établit ni que la ville de Caen aurait fait preuve d'un mauvais vouloir caractérisé révélant sa mauvaise foi ni que le retard de paiement serait à l'origine de sa liquidation ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête de la société DESBONT CLAIN doit être rejetée ;

Sur l'appel incident :

Considérant qu'au soutien de ses conclusions tendant à la condamnation de la société DESBONT CLAIN à lui rembourser les sommes qu'elle a dû verser en exécution du jugement contesté et à lui verser une indemnité de 548 213,45 F au titre des pénalités de retard, la ville de Caen n'apporte aucun élément permettant d'apprécier ses allégations selon lesquelles le Tribunal administratif aurait fait une appréciation erronée de ces chefs de préjudice ; que, par suite, les conclusions d'appel incident présentées par la ville de Caen doivent être rejetées ;

Sur les conclusions d'appel provoqué de la ville de Caen, de la S.A. BETCI et de M. :

Considérant que dans son mémoire en défense, la ville de Caen demande pour le cas où il serait fait droit aux conclusions de la société DESBONT CLAIN dirigées contre elle, à être garantie par M. , et M. à être garanti par le BETCI qui conclut à sa mise hors de cause ; que ces appels ont été provoqués par l'appel principal de la société DESBONT CLAIN dont l'admission aurait pour effet de porter atteinte à la situation de la ville de Caen et de M. ; que les conclusions de la société DESBONT CLAIN ayant, comme il a été dit ci-dessus, été rejetées, les conclusions de la ville de Caen, de la S.A. BETCI et de M. ne sont pas recevables ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la ville de Caen, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à payer à la société DESBONT CLAIN la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non comprise dans les dépens ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la société DESBONT CLAIN, la ville de Caen et M. à verser la somme que la société BETCI demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que les conclusions présentées à ce titre par M. doivent également être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête présentée par la société DESBONT CLAIN, l'appel incident présenté par la ville de Caen et les appels provoqués présentés par la ville de Caen, la société BETCI et M. sont rejetés.

Article 2 : Les conclusions de la société BETCI et de M. tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société DESBONT CLAIN, à la ville de Caen, à M. , au bureau d'études BETCI et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4eme chambre
Numéro d'arrêt : 99NT00346
Date de la décision : 25/04/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LEPLAT
Rapporteur ?: Mme JACQUIER
Rapporteur public ?: M. MORNET
Avocat(s) : HELLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2003-04-25;99nt00346 ?
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