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29/12/2000 | FRANCE | N°97NT01878

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3e chambre, 29 décembre 2000, 97NT01878


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 4 août 1997, présentée pour M. et Mme Y..., demeurant ..., agissant tant en leur nom personnel qu'ès qualité de maîtres des droits de leurs enfants Pascaline et Charles-Louis, par Me X..., avocat au barreau de Caen ;
M. et Mme Y... demandent à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 96-368 du 4 juin 1997 par lequel le Tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande tendant à reconnaître la responsabilité du Centre hospitalier régional et universitaire (C.H.R.U.) de Caen dans la survenance de la paraplégie dont leur fi

lle Pascaline a été frappée à la suite d'une intervention chirurgica...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 4 août 1997, présentée pour M. et Mme Y..., demeurant ..., agissant tant en leur nom personnel qu'ès qualité de maîtres des droits de leurs enfants Pascaline et Charles-Louis, par Me X..., avocat au barreau de Caen ;
M. et Mme Y... demandent à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 96-368 du 4 juin 1997 par lequel le Tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande tendant à reconnaître la responsabilité du Centre hospitalier régional et universitaire (C.H.R.U.) de Caen dans la survenance de la paraplégie dont leur fille Pascaline a été frappée à la suite d'une intervention chirurgicale dans cet établissement ;
2 ) d'ordonner une expertise complémentaire en vue de déterminer les frais futurs nécessités par l'état de santé de leur enfant et de se prononcer sur la présence nécessaire d'une tierce personne ;
3 ) de condamner ledit établissement à leur payer la somme corres-pondant à la réparation des préjudices subis ;
4 ) de le condamner à leur verser une somme de 30 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 décembre 2000 :
- le rapport de Mme COËNT-BOCHARD, premier conseiller,
- et les conclusions de M. MILLET, commissaire du gouvernement ;

Sur la responsabilité :
Considérant qu'il est constant qu'une rallonge dont la prise de terre avait été sciée a été introduite dans la salle où était opérée Pascaline Y..., entraînant un parasitage, pendant une durée de trente à soixante minutes, de l'appareil visualisant les "potentiels évoqués somesthésiques" permettant d'apprécier le fonctionnement des influx nerveux sensitifs à la partie postérieure de la moelle épinière ; que, comme l'a jugé à bon droit le Tribunal administratif, l'introduction de cette rallonge a constitué une faute dans l'organisation du service public hospitalier ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert commis en référé qui comporte des déclarations du chirurgien qui a réalisé l'intervention que ce dernier attachait une importance toute particulière au suivi des indications données par l'appareil précité qu'il utilisait systématiquement depuis un an dans les opérations du même type que celle subie par Pascaline Y... ; qu'il est par ailleurs constant que si l'opération engagée en vue de corriger une scoliose thoracique sévère de la patiente comportait un risque, évalué à 0,5 %, d'entraîner une paraplégie, la trentaine d'opérations de ce type réalisées par le même chirurgien, dans les mêmes locaux, dans l'année précédant le 10 janvier 1995, se sont déroulées sans conséquences préjudiciables pour les malades ; que le para-sitage résultant de la faute commise par le centre hospitalier est une anomalie, propre à l'intervention en cause, de nature à expliquer en partie la survenance de la paraplégie, qui ne peut être imputée à aucune faute médicale, dès lors qu'elle a rendu les conditions de l'opération non conformes au déroulement prévu par le chirurgien qui n'en a pas été informé immédiatement ; que si, au cours de l'année 1996, un doute a été émis par des chercheurs sur la fiabilité des informations fournies dans le cadre des contrôles des "potentiels évoqués somesthésiques", il ressort des déclarations figurant au rapport d'expertise que le chirurgien ayant opéré Pascaline Y... déterminait son geste médical en prenant en considération les éléments fournis par l'appareil en cause ; que, dès lors, comme le soutiennent les requérants, le parasitage constaté, résultant de la faute commise par le centre hospitalier, a été de nature à priver Pascaline Y... d'une chance d'éviter le risque de paraplégie que l'utilisation de l'appareil avait notamment pour but de limiter ; que la déclaration du chirurgien, au cours des opérations d'expertise, selon laquelle s'il avait été averti de la situation de parasitage il aurait sans doute continué l'opération, n'est pas de nature à infirmer l'incidence de ce parasitage dans le déroulement de l'opération ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme Y... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal a estimé qu'il n'était pas établi que la victime aurait perdu une chance réelle et sérieuse d'éviter l'évolution vers la paraplégie et refusé de déclarer le Centre hospitalier régional et universitaire (C.H.R.U.) de Caen responsable des préjudices subis ; qu'en conséquence, ledit jugement doit être annulé ;
Sur les préjudices :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que Pascaline Y... était suivie depuis l'âge de cinq ans, par le chirurgien qui l'a opérée, pour une scoliose thoracique sévère ; que l'opération entreprise, alors qu'elle avait treize ans, apparaissait comme la seule possibilité d'éviter une évolution invalidante de la maladie ; que, dès lors, la détermination du préjudice résultant directement de la faute imputable au centre hospitalier en cause nécessite que soit établie par dires d'expert l'évolution prévisible de la maladie de la jeune fille dont l'état antérieur à la paraplégie dont elle est atteinte qui détermine une incapacité permanente partielle de 80 % doit être pris en compte tant dans l'hypothèse d'une réussite de l'opération que dans celle d'une absence d'opération ; qu'ainsi, avant dire droit sur l'étendue des préjudices résultant, tant pour Pascaline Y... que pour ses parents et son frère, de la faute du C.H.R.U. de Caen, il y a lieu d'ordonner une expertise médicale ;
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Caen du 4 juin 1997 est annulé.
Article 2 : Le Centre hospitalier régional et universitaire de Caen est déclaré responsable des conséquences dommageables de la paraplégie survenue à Mlle Pascaline Y....
Article 3 : Avant dire droit sur l'étendue des préjudices subis par Mlle Pascaline Y... et ses ayants-cause, il est ordonné une expertise médicale aux fins de déterminer l'évolution prévisible de son état antérieur à la paraplégie dont elle est atteinte.
Article 4 : L'expert sera désigné par le président de la Cour qui fixera le délai dans lequel devra être déposé le rapport au greffe. Il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R.159 à R.170 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 5 : Tous droits et moyens restent réservés dans l'attente des résultats de l'expertise ordonnée par l'article 3 ci-dessus.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Y..., à Mlle Pascaline Y..., au Centre hospitalier régional et universitaire de Caen, à la Caisse de Mutualité sociale agricole du Calvados, à M. Raphaël Z..., expert, et au ministre de l'emploi et de la solidarité.


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