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14/12/2000 | FRANCE | N°99NT00394

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3e chambre, 14 décembre 2000, 99NT00394


Vu, enregistrée au greffe de la Cour le 8 mars 1999, la requête présentée pour M. Houcine Y..., demeurant à Béghaoun-Souhalia, Wide Tlemcen (Algérie), par Me X..., avocat au barreau de Caen ;
M. Y... demande que la Cour :
1 ) annule le jugement n 98-729 du 19 novembre 1998 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite du ministre des affaires étrangères (bureau visas Algérie) rejetant sa demande de visa de court séjour, ensemble la décision du 6 janvier 1998 rejetant son recours gracieux ;
2 ) annul

e les décisions susvisées ;
3 ) condamne l'Etat à lui verser la somme ...

Vu, enregistrée au greffe de la Cour le 8 mars 1999, la requête présentée pour M. Houcine Y..., demeurant à Béghaoun-Souhalia, Wide Tlemcen (Algérie), par Me X..., avocat au barreau de Caen ;
M. Y... demande que la Cour :
1 ) annule le jugement n 98-729 du 19 novembre 1998 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite du ministre des affaires étrangères (bureau visas Algérie) rejetant sa demande de visa de court séjour, ensemble la décision du 6 janvier 1998 rejetant son recours gracieux ;
2 ) annule les décisions susvisées ;
3 ) condamne l'Etat à lui verser la somme de 8 000 F en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le décret n 47-77 du 13 janvier 1947 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 novembre 2000 :
- le rapport de M. LEMAI, président,
- et les conclusions de M. MILLET, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. - 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et des libertés d'autrui" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Y..., de nationalité algérienne, a épousé en 1991 une compatriote résidant régulièrement en France depuis 1971 ; que de cette union sont nés deux enfants, dont l'un a la nationalité française, qui vivent en France avec leur mère ; que pour refuser le visa de court séjour sollicité par M. Y..., le ministre des affaires étrangères s'est fondé sur l'insuffisance des ressources de l'intéressé et de son épouse et le risque de détournement de l'objet du visa de court séjour par la recherche d'une installation en France ; que, dans les circonstances de l'espèce, en l'absence de tout motif tenant à l'ordre public et alors même que l'épouse de M. Y... avait volontairement regagné la France après avoir essayé de s'installer en Algérie après son mariage, le refus opposé à la demande de visa porte au droit des époux Y... à mener une vie familiale normale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise et méconnaît ainsi les stipulations précitées de l'article 8 de la convention ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Y... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite refusant le visa qu'il avait sollicité et de la décision en date du 6 janvier 1998 rejetant son recours gracieux ;
Sur les conclusions tendant à ce que soit prescrite, sous astreinte, la délivrance d'un visa à M. Y... :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-2 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Lorsqu'un jugement ou un arrêt implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel, saisi de conclusions en ce sens, prescrit cette mesure, assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution, par le même jugement ou le même arrêt." ; qu'aux termes de l'article L.8-3 du même code : "Saisi de conclusions en ce sens, le tribunal ou la cour peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application de l'article L.8-2 d'une astreinte qu'il prononce dans les conditions prévues au quatrième alinéa de l'article L.8-4 et dont il fixe la date d'effet." ;

Considérant qu'eu égard aux motifs du présent arrêt, l'exécution de celui-ci implique nécessairement la délivrance d'un visa de court séjour à M. Y... ; qu'il y a lieu, dans ces conditions, de prescrire à l'autorité compétente la délivrance à M. Y... d'un visa de court séjour dans un délai d'un mois ; que, cependant, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction de l'astreinte prévue à l'article L.8-3 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel de condamner l'Etat à payer à M. Y... une somme de 6 000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Nantes du 19 novembre 1998, la décision implicite du ministre des affaires étrangères rejetant la demande de visa de M. Y... et la décision en date du 6 janvier 1998 rejetant le recours gracieux formé par l'intéressé, sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint à l'autorité compétente de délivrer un visa à M. Y... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. Y... une somme de six mille francs (6 000 F) au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Y... et au ministre des affaires étrangères.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 99NT00394
Date de la décision : 14/12/2000
Type d'affaire : Administrative

Analyses

DROITS CIVILS ET INDIVIDUELS - CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - DROITS GARANTIS PAR LA CONVENTION - DROIT AU RESPECT DE LA VIE FAMILIALE (ART - 8) - VIOLATION - SEJOUR DES ETRANGERS.

ETRANGERS - ENTREE EN FRANCE - VISAS.

PROCEDURE - JUGEMENTS - EXECUTION DES JUGEMENTS - PRESCRIPTION D'UNE MESURE D'EXECUTION.


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-2, L8-3, L8-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. LEMAI
Rapporteur public ?: M. MILLET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2000-12-14;99nt00394 ?
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