Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 4 février 1997, présentée pour la société anonyme (S.A.) Maison de convalescence "Château de Saint-Pierre Oursin", représentée par son président-directeur général en exercice, dont le siège social est à Vimont (14370), par Me X..., avocat au barreau de Caen ;
La S.A. Maison de convalescence "Château de Saint-Pierre Oursin" demande que la Cour :
1 ) annule le jugement n 95-2200 du 4 décembre 1996 par lequel le Tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 17 octobre 1995 du ministre de la santé publique et de l'assurance maladie confirmant, sur recours hiérarchique, la décision du 27 mars 1995 par laquelle le préfet de la région Basse-Normandie a refusé de lui accorder une autorisation pour l'extension de huit lits de soins de suite ;
2 ) annule pour excès de pouvoir la décision ministérielle du 17 octobre 1995 ;
3 ) enjoigne à l'administration, en application des articles L.8-2 et L.8-3 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, de lui délivrer l'autorisation demandée dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 1 000 F par jour de retard à l'expiration de ce délai ;
4 ) condamne l'Etat à lui verser une somme de 12 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 janvier 2000 :
- le rapport de M. LEMAI, président,
- et les conclusions de Mme COËNT-BOCHARD, commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions en annulation de la décision attaquée ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L.712-16 du code de la santé publique : "La décision attribuant ou refusant une autorisation ou son renouvellement doit être motivée" ; que dans sa décision du 17 octobre 1995, confirmant la décision du préfet de la région Basse-Normandie refusant d'accorder l'autorisation présentée par la société anonyme (S.A.) Maison de convalescence "Château de Saint-Pierre Oursin" pour une extension de huit lits de soins de suite, le ministre de la santé publique et de l'assurance maladie s'est borné à relever que "le projet ne correspond pas aux besoins de la population, ni aux orientations définies par le schéma régional d'organisation sanitaire" ; que cette décision ne comporte aucun des éléments de fait sur lesquels reposait cette appréciation ; qu'elle ne satisfait pas ainsi aux exigences de motivation posées par les dispositions législatives précitées ; que la S.A. Maison de convalescence "Château de Saint-Pierre Oursin" est, par suite, fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision litigieuse du 17 octobre 1995 ;
Sur les conclusions tendant, en application des articles L.8-2 et L.8-3 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, à ce qu'il soit enjoint à l'administration sous astreinte de délivrer l'autorisation demandée :
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L.8-2 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Lorsqu'un jugement ou un arrêt implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel, saisi de conclusions en ce sens, prescrit cette mesure, assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution, par le même jugement ou le même arrêt." ; qu'aux termes de l'article L.8-3 du même code : "Saisi de conclusions en ce sens, le tribunal ou la cour peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application de l'article L.8-2 d'une astreinte qu'il prononce dans les conditions prévues au quatrième alinéa de l'article L.8-4 et dont il fixe la date d'effet." ;
Considérant que l'exécution du présent arrêt qui annule la décision du ministre refusant d'accorder une autorisation d'extension à la S.A. Maison de convalescence "Château de Saint-Pierre Oursin" pour un motif tiré d'un vice de forme de cette décision n'implique pas nécessairement la délivrance de cette autorisation ;
Considérant, il est vrai, qu'à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision refusant ladite autorisation, la société requérante a également soutenu que, contrairement à ce qu'a estimé le ministre, les besoins de la population définis à la carte sanitaire n'étaient pas satisfaits et que le projet était compatible avec les objectifs du schéma d'organisation sanitaire ; que ce motif d'annulation, s'il était fondé, serait susceptible de justifier une injonction tendant à la délivrance de l'autorisation sollicitée, sous réserve des changements intervenus dans la situation de fait et de droit entre la date de la décision attaquée et la date du présent arrêt ;
Mais considérant qu'il résulte cependant de l'instruction qu'à la date où le ministre s'est prononcé sur le recours hiérarchique dont il était saisi, le nombre de lits de soins de suite et de réadaptation autorisés dans la région Basse-Normandie correspondait exactement à l'indice régional de besoins applicable ; que c'est donc à bon droit, alors même qu'un nombre significatif de lits autorisés n'étaient pas installés, que le ministre a estimé que les besoins de la population définis par la carte sanitaire étaient couverts ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner la compatibilité du projet avec les objectifs de la carte sanitaire, l'annulation de la décision attaquée ne saurait trouver également son fondement dans un motif impliquant la délivrance de l'autorisation d'extension présentée par la société requérante ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions précitées à fin d'injonction et d'astreinte n'entrent pas dans le champ d'application des articles L.8-2 et L.8-3 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et sont donc irrecevables ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, de condamner l'Etat à payer à la S.A. Maison de convalescence "Château de Saint-Pierre Oursin" une somme de 6 000 F au titre des frais exposés par celle-ci et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Caen du 4 décembre 1996 et la décision du ministre de la santé publique et de l'assurance maladie du 17 octobre 1995 sont annulés.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à la société anonyme Maison de convalescence "Château de Saint-Pierre Oursin" une somme de six mille francs (6 000 F) au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société anonyme Maison de convalescence "Château de Saint-Pierre Oursin" est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme Maison de convalescence "Château de Saint-Pierre Oursin" et au ministre de l'emploi et de la solidarité.