Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 et 22 juillet 1996, présentés pour M. René X..., demeurant ..., par Me Y..., avocat au barreau de Nantes ;
M. X... demande que la Cour :
1 ) annule le jugement n 91-2653 du 30 novembre 1995 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annu-lation de l'arrêté du 9 février 1990 du préfet d'Ille-et-Vilaine suspendant la validité de son permis de conduire jusqu'au 9 février 1992 et, d'autre part, à l'indemnisation du préjudice que lui a causé cette décision ;
2 ) annule pour excès de pouvoir l'arrêté du 9 février 1990 et condamne l'Etat à lui verser une indemnité de 600 000 F ;
3 ) condamne l'Etat à lui verser une somme de 5 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la route ;
Vu la loi n 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu la loi n 79-587 du 11 juillet 1979 relative la motivation des actes administratifs ;
Vu l'arrêté ministériel du 31 juillet 1975 fixant les conditions d'établissement, de délivrance et de validité des permis de conduire ;
Vu l'arrêté ministériel du 4 octobre 1988 fixant la liste des incapacités physiques incompatibles avec l'obtention ou le maintien du permis de conduire ainsi que des affections susceptibles de donner lieu à la délivrance de permis de conduire de durée de validité limitée ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 janvier 2000 :
- le rapport de M. LEMAI, président,
- et les conclusions de Mme COËNT-BOCHARD, commissaire du gouvernement ;
Sur la recevabilité des conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine du 9 février 1990 :
Considérant que l'administration n'apporte pas la preuve que l'arrêté susmentionné a fait l'objet d'une notification comportant l'indication des voies et délais de recours ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par le préfet d'Ille-et-Vilaine et tirée de la tardiveté de la demande enregistrée au greffe du Tribunal administratif le 17 décembre 1991 doit être écartée alors même que M. René X... a eu nécessairement connaissance de la mesure prise à son encontre depuis au moins le 2 avril 1990 ;
Sur la légalité de l'arrêté :
Considérant qu'aux termes de l'article 6 bis de la loi du 17 juillet 1978 : "Les personnes qui le demandent ont droit à la communication, par les administrations mentionnées à l'article 2, des documents de caractère nominatif les concernant, sans que des motifs tirés du secret médical, portant exclusivement sur des faits qui leur sont personnels, puissent leur être opposés. - Toutefois les informations à caractère médical ne peuvent être communiquées à l'intéressé que par l'intermédiaire d'un médecin qu'il désigne à cet effet." ; qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 : "Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet doivent être motivées les décisions qui : - restreignent l'exercice des libertés publiques ou, d'une manière générale, constituent une mesure de police ; ..." ; qu'aux termes de l'article R.128 du code de la route : "Postérieurement à la délivrance du permis, le préfet peut prescrire un examen médical dans le cas où les informations en sa possession lui permettent d'estimer que l'état physique du titulaire du permis peut être incompatible avec le maintien de ce permis de conduire ... ; sur le vu du certificat médical, le préfet prononce, s'il y a lieu, soit la restriction de validité, la suspension ou l'annulation du permis de conduire ... Le préfet soumet à un examen médical : - 1 tout conducteur auquel est imputable l'une des infractions prévues par l'article L.1er ; - 2 tout conducteur qui a fait l'objet d'une mesure portant restriction ou suspension du droit de conduire d'une durée supérieure à un mois pour l'une des infractions énumérées à l'article L.14, autres que celles visées au 1 ci-dessus ..." ;
Considérant que les décisions par lesquelles les préfets, en application des dispositions précitées de l'article R.128 du code de la route, suspendent pour des motifs médicaux la validité d'un permis de conduire, constituent des mesures de police ; que, dès lors, elles doivent être motivées en application des dispositions précitées de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ; que si les dispositions précitées de l'article 6 bis de la loi du 17 juillet 1978 et le principe du secret médical peuvent justifier que le dossier médical au vu duquel la décision attaquée a été prise ne soit communiqué au requérant que par l'intermédiaire du médecin de son choix, ces dispositions n'ont pas pour objet et pour effet de dispenser le préfet de motiver sa décision en indiquant les raisons de droit et de fait qui la justifient ;
Considérant que, par l'arrêté attaqué du 9 février 1990, le préfet d'Ille-et-Vilaine a suspendu jusqu'au 9 février 1992 la validité du permis de conduire de M. X..., déclaré inapte ; que si cet arrêté vise l'avis de la commission médicale il ne s'en approprie pas les motifs, dont l'intéressé aurait pu recevoir communication par l'intermédiaire d'un médecin de son choix ; qu'ainsi, en prenant cet arrêté, le préfet d'Ille-et-Vilaine, qui n'était pas tenu de suivre l'avis de la commission médicale, n'a pas respecté les exigences des dispositions précitées de la loi du 11 juillet 1979 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 9 février 1990 du préfet d'Ille-et-Vilaine ;
Sur les conclusions tendant au versement d'indemnités :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que le préfet d'Ille-et-Vilaine a prescrit à M. X... une visite médicale à la suite d'une infraction pour laquelle le préfet d'Eure-et-Loir a prononcé le 8 juin 1989 une mesure de suspension pour une durée de six mois du permis de conduire de l'intéressé ; qu'alors même que cette mesure de suspension aurait été ramenée à une durée d'un mois par le juge judiciaire, le préfet pouvait légalement prescrire une visite médicale en se fondant la fois, comme il le soutient, sur les conditions dans lesquelles l'infraction a été commise et sur le comportement de M. X... qui a refusé de restituer son permis de conduire ;
Considérant, en second lieu, que la mesure de suspension a été prise en considération de l'existence de troubles psychiatriques ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que la mesure reposerait sur des faits matériellement inexacts ou que le préfet aurait fait une fausse application de l'arrêté ministériel du 4 octobre 1988 fixant la liste des incapacités physiques incompatibles avec le maintien du permis de conduire ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la mesure de suspension était justifiée au regard des dispositions législatives et réglementaires en vigueur ; que, par suite, le préjudice qu'aurait subi M. X... du fait de la privation de son permis de conduire ne peut être regardé comme la conséquence de l'illégalité, constitutive d'une faute, dont est entaché l'arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine du 9 février 1990 ; qu'il suit de là, que M. X... n'est pas fondé à se plaindre de ce que le Tribunal administratif de Rennes a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la condamnation de l'Etat ;
Sur les conclusions de M. X... tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et de condamner l'Etat à payer à M. X... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par celui-ci et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine du 9 février 1990 est annulé.
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Rennes du 30 novembre 1995 est annulé en tant qu'il est contraire à l'article précédent.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. René X... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. René X... et au ministre de l'équipement, des transports et du logement.