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08/12/1999 | FRANCE | N°94NT00239

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2e chambre, 08 décembre 1999, 94NT00239


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 10 mars 1994, présentée pour l'Association de défense du pays de Prudemanche de L'Avre et de la Meuvette (ADEPPAM) dont le siège est à Marigny 28270 Prudemanche (Eure-et-Loir), par la SCP d'avocats TETAUD-LAMBARD-JAMI ;
L'ADEPPAM demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 93-225 du 31 décembre 1993 par lequel le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendantà la modification de l'arrêté du 14 décembre 1992 par lequel le préfet d'Eure-et-Loir a autorisé l'ouverture d'une installation de mise en décha

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Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 10 mars 1994, présentée pour l'Association de défense du pays de Prudemanche de L'Avre et de la Meuvette (ADEPPAM) dont le siège est à Marigny 28270 Prudemanche (Eure-et-Loir), par la SCP d'avocats TETAUD-LAMBARD-JAMI ;
L'ADEPPAM demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 93-225 du 31 décembre 1993 par lequel le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendantà la modification de l'arrêté du 14 décembre 1992 par lequel le préfet d'Eure-et-Loir a autorisé l'ouverture d'une installation de mise en décharge d'ordures ménagères et de résidus urbains à Prudemanche (Eure-et-Loir) ;
2 ) d'annuler l'arrêté susmentionné du préfet d'Eure-et-Loir et subsidiairement de le modifier ;
3 ) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 50 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n 75-633 du 15 juillet 1975 modifiée ;
Vu la loi n 76-663 du 19 juillet 1976 modifiée ;
Vu le décret n 77-1133 du 21 septembre 1977 modifié ;
Vu le décret n 77-1141 du 12 octobre 1977 modifié ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 novembre 1999 :
- le rapport de Mme STEFANSKI, premier conseiller,
- les observations de Me ALPHONSO X..., substituant Me GRANGE, avocat de la société Stanexel,
- et les conclusions de M. LALAUZE, commissaire du gouvernement ;

Considérant que par un arrêté du 14 décembre 1992, le préfet d'Eure- et-Loir a autorisé la société Stanexel à ouvrir, dans la commune de Prudemanche, une décharge d'ordures ménagères ; que la requête de l'Association de défense du pays de Prudemanche de l'Avre et de la Meuvette (ADEPPAM) est dirigée contre le jugement du 31 décembre 1993 par lequel le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation dans son entier de cet arrêté ; que le 3 juin 1994, postérieurement à l'introduction de la requête dirigée contre le jugement susmentionné, le préfet d'Eure-et-Loir a pris un nouvel arrêté d'autorisation concernant la même installation en vue de reprendre les prescriptions imposées par le jugement susmentionné et dont l'article 4 prévoyait que cet arrêté annulait et remplaçait l'arrêté du 14 décembre 1992 ; que, toutefois, par un arrêté du 3 mars 1995, le préfet a annulé cet article 4 ; que, dans ces conditions, la requête de l'ADEPPAM n'est pas devenue sans objet ;
Sur la régularité de l'enquête publique :
Considérant qu'aux termes de l'article 6 du décret n 77-1133 du 21 septembre 1977 la publicité de l'enquête relative à une demande d'autorisation de mise en service d'une installation classée est assurée notamment par l'affichage de l'avis d'enquête "dans le voisinage de l'installation projetée ..." ; que si l'association requérante fait valoir qu'aucun affichage n'a été réalisé sur le site de la décharge, il résulte de l'instruction que des avis ont été affichés à proximité, dans les hameaux de la commune situés aux alentours du site ; que, dans ces conditions, il a été satisfait à la prescription sus-rappelée ;
Considérant qu'aux termes du 4 de l'article 5 du décret susmentionné du 21 septembre 1977, le périmètre dans lequel il doit être procédé à l'affichage de l'avis d'enquête au public "comprend l'ensemble des communes concernées par les risques et inconvénients dont l'établissement peut être la source. Il correspond au minimum au rayon d'affichage fixé dans la nomenclature des installations classées pour la rubrique dans laquelle l'installation doit être rangée ..." ; qu'il ressort du tableau annexé au décret du 26 avril 1976, dans lequel les décharges d'ordures ménagères et d'autres résidus urbains sont mentionnées à la rubrique n 322-B 2 , que le rayon d'affichage pour l'installation autorisée par l'arrêté attaqué est d'un kilomètre ; qu'il n'est pas contesté que les communes d'Acon et de Brézolles ne sont pas situées dans ce périmètre ; que les requérants n'apportent aucun élément permettant d'apprécier en quoi la commune d'Acon serait concernée par la décharge ; que la circonstance que les percolats de la décharge litigieuse seront dirigés vers la station d'épuration des eaux de Brézolles, n'est pas de nature, eu égard au faible volume des rejets ainsi traités par rapport à la capacité de la station d'épuration, à faire regarder la commune de Brézolles comme concernée par des inconvénients dont la décharge pourrait être la source au sens des dispositions précitées du décret du 21 septembre 1977 ;
Sur le contenu du dossier technique joint à la demande :

Considérant qu'à la date du 11 mai 1992 à laquelle le préfet a prescrit l'ouverture de l'enquête publique sur la demande d'autorisation présentée par la société Stanexel, les dispositions de l'article 7-2 de la loi du 15 juillet 1975 relative à l'élimination des déchets et à la récupération des matériaux, issues de la loi susvisée du 13 juillet 1992 et exigeant l'accord du propriétaire du terrain, n'étaient pas entrées en vigueur ; que le moyen tiré de l'absence de la mention de cet accord dans le dossier de demande ne peut, dès lors, qu'être écarté ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le dossier technique joint à la demande d'autorisation, d'une part, précise les parcelles sur lesquelles sera implantée la décharge litigieuse ainsi que les aménagements de ses abords et, d'autre part, comporte des plans indiquant précisément la localisation du site ; que le moyen tiré de ce que le dossier n'indiquerait pas la capacité réelle du site manque en fait, dès lors qu'il comporte notamment un plan mentionnant l'emplacement de la totalité des alvéoles prévues ; que le dossier technique précise les contrôles qui seront effectués en ce qui concerne le traitement des eaux sur place et dans la station d'épuration de Brézolles, ainsi que les contrôles qui seront opérés par le personnel à l'entrée des déchets sur le site ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 2 du décret susvisé du 21 septembre 1977 qui prévoit que la demande mentionne notamment la nature et le volume des activités du demandeur ainsi que ses procédés de fabrication de manière à apprécier les dangers ou les inconvénients de l'exploitation, ne peut être accueilli ;
Sur l'étude d'impact :
Considérant que la régularité de l'étude d'impact jointe à une demande d'autorisation d'ouverture d'une installation classée pour la protection de l'environ-nement s'apprécie au regard des dispositions de l'article 2 du décret du 12 octobre 1977 et de l'article 3-4 du décret du 21 septembre 1977 ; que la requérante ne saurait utilement se prévaloir de la circulaire du 11 mars 1987 du ministre de l'environnement qui n'a pas caractère réglementaire ;
Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose que l'étude d'impact soit signée et datée ;
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, à la date de l'arrêté prescrivant l'ouverture de l'enquête publique, les dispositions de la loi du 13 juillet 1992 n'étaient pas entrées en vigueur ; que l'étude d'impact n'avait pas, dès lors, à indiquer les conditions de remise en état du site de stockage et les techniques destinées à permettre une éventuelle reprise des déchets, ainsi que le prévoit l'article 7 de la loi du 15 juillet 1975 issu de la loi susvisée du 13 juillet 1992 ;
Considérant que l'article 2-3 du décret susmentionné du 12 octobre 1977 ne faisait pas obligation à la société Stanexel de décrire dans l'étude d'impact plusieurs partis envisageables et de justifier par rapport à eux le projet qu'elle présentait ;

Considérant que l'étude d'impact comporte une analyse géologique détaillée du site tenant compte notamment de la présence d'une ondulation dans le terrain ; que si l'association requérante soutient que l'étude est insuffisante en ce qu'elle ne mentionne pas la présence de grottes et souterrains de nature à rendre le site impropre à sa destination, elle n'apporte aucun début de preuve à l'appui de ses allégations ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que les études géologiques mentionnées par l'étude d'impact comportent une analyse insuffisante de la perméabilité du terrain ; que l'étude mentionne l'ensemble des captages d'alimentation en eau potable susceptibles d'être affectés par l'installation litigieuse ; qu'il n'est pas démontré que l'étude de la morphologie du terrain, telle que décrite par l'étude d'impact et résultant d'une photographie aérienne du site, soit entachée d'inexactitude ; que l'impact du projet sur la faune et la flore fait l'objet d'une étude détaillée dont l'inexactitude n'est pas démontrée ; qu'il n'est pas établi que le nombre journalier de rotations de camions mentionné par l'étude d'impact ne correspond pas au trafic lié à l'exploitation ; qu'ainsi, l'étude d'impact jointe à la demande d'autorisation contenait, eu égard à l'objet et à l'importance de l'installation projetée, des indications répondant suffisamment aux exigences des dispositions réglementaires précitées en ce qui concerne l'analyse de l'état initial du site et de son environnement ainsi que les effets sur celui-ci de ladite installation, notamment les nuisances et inconvénients en découlant ;
Sur l'étude de dangers :
Considérant qu'aux termes de l'article 3 du décret susvisé du 21 septembre 1977, doit être jointe à la demande : "5 - Une étude exposant les dangers que peut présenter l'installation en cas d'accident et justifiant les mesures propres à en réduire la probabilité et les effets, déterminés sous la responsabilité du demandeur ..." ; que l'étude de dangers comporte l'analyse notamment des risques en cas de rupture de digue et d'écoulement d'eaux polluées ou de percolats ; que, dès lors, le moyen tiré de l'absence d'analyse des conséquences de tels dangers manque en fait ;
Sur la constitution de garanties financières :
Considérant que les dispositions de la loi du 4 janvier 1993 modifiant la loi précitée du 19 juillet 1976 et exigeant la constitution de garanties financières par l'exploitant, ne visent que la mise en activité de l'installation après l'autorisation ; que le moyen tiré de leur méconnaissance est, dès lors, inopérant ;
Sur le fond :

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, l'association requérante ne saurait se prévaloir utilement des dispositions de la circulaire du 11 mars 1987 qui ne présente pas un caractère réglementaire ; qu'en tout état de cause, il n'est pas établi et il ne résulte pas de l'instruction que le site présente un risque de pollution pour les eaux potables de l'Avre, ni que la station d'épuration de Brézolles ne sera pas en mesure de traiter les lixiviats produits par l'installation contestée ; que si le site, qui fait partie d'une zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique de type II, assure le passage d'animaux entre plusieurs zones boisées, l'arrêté attaqué prévoit que la décharge sera exploitée par tranches successives de faible surface ; qu'en outre, le tribunal administratif a modifié les prescriptions de l'article 2.14 de l'arrêté attaqué de façon à n'autoriser que l'exploitation d'une seule cellule à la fois, afin de tenir compte du passage d'animaux sur le site ; que les conditions de remise en état du site permettront l'intégration de la décharge dans son environnement ; qu'eu égard aux précautions ainsi prises, le préfet a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, autoriser la décharge sur ce site ;
Considérant que le tribunal administratif a, par le jugement contesté, modifié l'arrêté préfectoral attaqué pour le motif qu'il ne tenait pas suffisamment compte des dispositions des articles 2 et 2-1 de la loi du 15 juillet 1975 relatives notamment au tri des déchets ; qu'en appel, l'association requérante se borne à faire valoir que l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions susmentionnées ; qu'ainsi, elle ne critique pas utilement le jugement attaqué sur ce point ;
Considérant que le moyen tiré de l'insuffisance des contrôles prévus par l'article 2-6 de l'arrêté attaqué n'est pas assorti de précisions permettant d'en apprécier la portée ;
Considérant que si l'article 2-9 de l'arrêté prévoyant l'installation d'une géomembrane ajoute aux prévisions de l'étude d'impact, cette mesure a pour but d'assurer une protection supplémentaire de l'environnement ; qu'elle ne saurait, dès lors, entacher l'arrêté d'illégalité ;
Considérant que les moyens tirés de ce que le système drainant et le fossé extérieur prévus par les articles 2-10 et 2-11 de l'arrêté, n'étaient pas mentionnés dans les documents joints à la demande d'autorisation, manquent en fait ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requête de l'ADEPPAM doit être rejetée ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :

Considérant que les dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à l'ADEPPAM la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des mêmes dispositions de condamner l'ADEPPAM à payer à la société Stanexel une somme de 6 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : la requête de l'ADEPPAM est rejetée.
Article 2 : L'ADEPPAM versera à la société Stanexel une somme de six mille francs (6 000 F) au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'Association de défense du pays de Prudemanche de l'Avre et de la Meuvette, à la société Stanexel, à la commune de Prudemanche et au ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 94NT00239
Date de la décision : 08/12/1999
Type d'affaire : Administrative

Analyses

NATURE ET ENVIRONNEMENT - PROTECTION DE LA NATURE - ETUDE D'IMPACT.

NATURE ET ENVIRONNEMENT - PROTECTION DE LA NATURE - ETUDE D'IMPACT - CONTENU - CONTENU SUFFISANT.

NATURE ET ENVIRONNEMENT - INSTALLATIONS CLASSEES POUR LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT - REGIME JURIDIQUE - POUVOIRS DU PREFET - INSTRUCTION DES DEMANDES D'AUTORISATION.

NATURE ET ENVIRONNEMENT - ENQUETE PUBLIQUE PREALABLE AUX TRAVAUX SUSCEPTIBLES D'AFFECTER L'ENVIRONNEMENT (LOI DU 12 JUILLET 1983) - PUBLICITE DE L'ENQUETE.

NATURE ET ENVIRONNEMENT - ENQUETE PUBLIQUE PREALABLE AUX TRAVAUX SUSCEPTIBLES D'AFFECTER L'ENVIRONNEMENT (LOI DU 12 JUILLET 1983) - DEROULEMENT DE L'ENQUETE.


Références :

Arrêté du 14 décembre 1992 art. 4, art. 2, art. 2-6, art. 2-9, art. 2-10, art. 2-11
Arrêté du 03 mars 1995 art. 4
Circulaire du 11 mars 1987
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Décret 77-1133 du 21 septembre 1977 art. 6, art. 5, art. 2, art. 3-4, art. 3
Décret 77-1141 du 12 octobre 1977 art. 2, art. 2-3
Loi 75-633 du 15 juillet 1975 art. 7-2, art. 7, art. 2, art. 2-1
Loi 76-663 du 19 juillet 1976


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme STEFANSKI
Rapporteur public ?: M. LALAUZE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;1999-12-08;94nt00239 ?
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