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18/11/1999 | FRANCE | N°94NT01102

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3e chambre, 18 novembre 1999, 94NT01102


Vu l'arrêt, en date du 25 juin 1998 par lequel la Cour, avant de statuer, en premier lieu, sur la requête présentée pour M. et Mme Y..., agissant en qualité d'administrateurs légaux de leur fille Najwa, tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du 28 juillet 1994 du Tribunal administratif d'Orléans rejetant leur demande en condamnation du Centre hospitalier régional (C.H.R.) d'Orléans à les indemniser du préjudice subi par leur fille Najwa du fait des circonstances de sa naissance dans cet établissement le 14 ao t 1986, d'autre part, à la condamnation du C.H.R. d'Orléans

les indemniser de ce préjudice, et en second lieu, que sur le...

Vu l'arrêt, en date du 25 juin 1998 par lequel la Cour, avant de statuer, en premier lieu, sur la requête présentée pour M. et Mme Y..., agissant en qualité d'administrateurs légaux de leur fille Najwa, tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du 28 juillet 1994 du Tribunal administratif d'Orléans rejetant leur demande en condamnation du Centre hospitalier régional (C.H.R.) d'Orléans à les indemniser du préjudice subi par leur fille Najwa du fait des circonstances de sa naissance dans cet établissement le 14 ao t 1986, d'autre part, à la condamnation du C.H.R. d'Orléans à les indemniser de ce préjudice, et en second lieu, que sur les conclusions présentées pour la Caisse primaire d'assurance maladie (C.P.A.M.) du Loiret tendant au remboursement par le C.H.R. d'Orléans des prestations exposées par elle au profit de la jeune Najwa, a ordonné une expertise médicale aux fins de donner à la Cour toutes indications utiles sur les fautes qui auraient pu être commises par le C.H.R. d'Orléans avant et pendant l'accouchement de Mme Y... et de déterminer les divers préjudices de l'enfant ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 octobre 1999 :
- le rapport de M. CHAMARD, premier conseiller,
- les observations de Me BEAUDOUIN, avocat du Centre hospitalier régional d'Orléans,
- et les conclusions de Mme COËNT-BOCHARD, commissaire du gouvernement ;

Sur la responsabilité :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise du professeur X..., qui a, contrairement à ce qu'allègue le Centre hospitalier régional (C.H.R.) d'Orléans, respecté le principe du caractère contradictoire de sa mission, qu'en raison de l'obésité, de la multiparité et des symptômes de fièvre et d'hypertension présentés par Mme Y... lors de son admission à l'hôpital le 4 août 1986, le service de gynécologie obstétrique aurait d effectuer des examens prénataux plus nombreux et détaillés, notamment une recherche de diabète gestationnel et une échographie supplémentaire permettant de mieux évaluer le poids prévisible de l'enfant, dont les résultats auraient rendu nécessaire la présence d'un obstétricien chevronné en salle de travail, alors que seule une sage-femme était présente au début de la phase d'expulsion le 14 ao t 1986 ; qu'en raison de ces fautes et carences dans l'organisation du service qui ont conduit à un acte médical inadapté et mal exécuté, le C.H.R. d'Orléans doit être déclaré entièrement responsable des séquelles de lésion du plexus brachial droit dont demeure atteinte la jeune Najwa Y... ;
Sur les droits de la jeune Najwa :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que la jeune Najwa, née, comme il a été dit ci-dessus, le 14 ao t 1986, dont la date de consolidation des lésions a été fixée par l'expert au 1er ao t 1995, souffre d'une diminution très importante de la mobilité, de la force et de la sensibilité de la main droite et du bras droit qui lui interdit de pratiquer de nombreux exercices physiques ; que le taux de son incapacité permanente partielle a été évaluée à 45 % ; que, dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation des troubles de toutes nature dans les conditions d'existence de l'intéressée, englobant son préjudice moral et son préjudice d'agrément, en fixant l'indemnité due à ce titre à 600 000 F, dont 400 000 F au titre des troubles physiologiques ;
Considérant que les souffrances physiques résultant des suites de l'incident survenu lors de la naissance, de plusieurs interventions chirurgicales postérieures rendues nécessaires par les séquelles et de nombreuses séances de rééducation ont été qualifiées de moyennes par l'expert ; que, dès lors, il en sera fait une juste appréciation en fixant le montant de l'indemnité due de ce chef à 80 000 F ;
Considérant que la jeune Najwa présente de nombreuses cicatrices et une asymétrie des deux membres supérieurs avec position de l'avant-bras droit en flexion et main droite déformée ; que l'expert a qualifié également de moyen son préjudice esthétique ; que, dans ces conditions, il en sera fait une juste appréciation en fixant le montant de son indemnisation due de ce chef à 60 000 F ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le montant total de l'indemnité que le C.H.R. d'Orléans doit être condamné à verser à M. et Mme Y..., en qualité d'administrateurs légaux de leur fille Najwa, pour le préjudice de cette dernière doit être fixé à 740 000 F ; que, par suite, les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 28 juillet 1994, le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande d'indemnisation ;

Considérant, en deuxième lieu, que M. et Mme Y... ont droit aux intérêts à compter de la date de réception par le C.H.R. d'Orléans de leur réclamation préalable du 11 octobre 1990, à hauteur de la somme de 300 000 F qu'ils demandaient alors, et, à compter du 21 décembre 1990, date de l'enregistrement de leur demande au greffe du Tribunal administratif d'Orléans, pour le surplus, soit 440 000 F ;
Considérant, enfin, que la capitalisation des intérêts a été demandée le 26 janvier 1999 ; qu'à cette date, il était d au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Sur les droits de la C.P.A.M. du Loiret :
Considérant que le montant total non contesté des prestations versées par la C.P.A.M. du Loiret, en relation directe avec les séquelles présentées par la jeune Najwa, s'élève à la somme de 491 414,72 F ; que, toutefois, il résulte de l'instruction qu'à hauteur de 21 252,44 F, représentant la différence entre la somme demandée en appel et celle demandée, dans le dernier état de ses conclusions en première instance, la C.P.A.M. n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, qu'elle aurait déboursé cette somme postérieurement à la date de l'audience devant le Tribunal administratif ; qu'ainsi, à hauteur de cette somme, les conclusions de la C.P.A.M. du Loiret sont irrecevables ; que, dès lors, cette dernière est seulement fondée à demander la condamnation du C.H.R. d'Orléans à lui verser une somme de 470 162,28 F ;
Sur les conclusions de la C.P.A.M. du Loiret tendant à la condamnation du C.H.R. d'Orléans à lui verser une somme de 5 000 F en application de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale :

Considérant qu'aux termes des deux derniers alinéas de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale, issus de l'article 9-I de l'ordonnance du 24 janvier 1996, en contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement de ses débours, "la caisse d'assurance maladie à laquelle est affiliée l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant maximum de 5 000 F et d'un montant minimum de 500 F. - Cette indemnité est établie et recouvrée par la caisse selon les règles et sous les garanties et sanctions, prévues au chapitre 3 du titre III et aux chapitres 2, 3 et 4 du titre IV du livre 1er ainsi qu'aux chapitres 3 et 4 du titre V du livre II applicables au recouvrement des cotisations de sécurité sociale ..." ; qu'il résulte de ces dispositions que les juridictions de l'ordre judiciaire sont seules compétentes pour connaître des litiges relatifs à la liquidation et au recouvrement de l'indemnité qu'elles instituent au bénéfice de l'organisme national d'assurance maladie ; qu'ainsi, il n'appartient pas au juge administratif de condamner le tiers qu'il déclare responsable d'un accident au versement de l'indemnité forfaitaire prévue par les dispositions précitées ; que, dès lors, les conclusions présentées à ce titre par la C.P.A.M. du Loiret doivent être rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge du C.H.R. d'Orléans les frais engagés à l'occasion de l'expertise ordonnée par la Cour, taxés et liquidés à la somme de 3 000 F par l'ordonnance susvisée du président de la Cour du 21 juin 1999 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, de condamner le C.H.R. d'Orléans à verser à la C.P.A.M. du Loiret la somme de 6 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'en l'absence de preuve de frais exposés par M. et Mme Y... autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui leur a été accordée par décision du 15 décembre 1994, leur demande tendant à ce que le C.H.R. d'Orléans soit condamné à leur verser une somme de 10 000 F au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens doit être rejetée ;
Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement du Tribunal administratif d'Orléans du 28 juillet 1994 sont annulés.
Article 2 : Le Centre hospitalier régional d'Orléans est condamné à payer à M. et Mme Y..., en qualité d'administrateurs légaux de leur fille Najwa, la somme de sept cent quarante mille francs (740 000 F), avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par le Centre hospitalier régional d'Orléans de leur demande préalable du 11 octobre 1990, sur une somme de trois cent mille francs (300 000 F), et à compter du 21 décembre 1990, date d'enregistrement de leur demande au greffe du Tribunal administratif d'Orléans, sur le surplus. Les intérêts échus le 26 janvier 1999 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Le Centre hospitalier régional d'Orléans est condamné à payer à la Caisse primaire d'assurance maladie du Loiret la somme de quatre cent soixante dix mille cent soixante deux francs et vingt huit centimes (470 162,28 F).
Article 4 : Les frais de l'expertise, d'un montant de trois mille francs (3 000 F), exposés devant la Cour sont mis à la charge du Centre hospitalier régional d'Orléans.
Article 5 : Les conclusions de la Caisse primaire d'assurance maladie du Loiret tendant à l'application des dispositions de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale sont rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.
Article 6 : Le Centre hospitalier régional d'Orléans versera à la Caisse primaire d'assurance maladie du Loiret une somme de six mille francs (6 000 F) au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 7 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme Y... et des conclusions de la Caisse primaire d'assurance maladie du Loiret sont rejetés.
Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Y..., au Centre hospitalier régional d'Orléans, à la Caisse primaire d'assurance maladie du Loiret, à M. Christian X... et au ministre de l'emploi et de la solidarité.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 94NT01102
Date de la décision : 18/11/1999
Type d'affaire : Administrative

Analyses

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICE PUBLIC DE SANTE - ETABLISSEMENTS PUBLICS D'HOSPITALISATION - RESPONSABILITE POUR FAUTE SIMPLE : ORGANISATION ET FONCTIONNEMENT DU SERVICE HOSPITALIER - EXISTENCE D'UNE FAUTE.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICE PUBLIC DE SANTE - ETABLISSEMENTS PUBLICS D'HOSPITALISATION - RESPONSABILITE POUR FAUTE MEDICALE : ACTES MEDICAUX - EXISTENCE D'UNE FAUTE MEDICALE DE NATURE A ENGAGER LA RESPONSABILITE DU SERVICE PUBLIC - ACTES MEDICAUX D'INVESTIGATION.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICE PUBLIC DE SANTE - ETABLISSEMENTS PUBLICS D'HOSPITALISATION - RESPONSABILITE POUR FAUTE MEDICALE : ACTES MEDICAUX - EXISTENCE D'UNE FAUTE MEDICALE DE NATURE A ENGAGER LA RESPONSABILITE DU SERVICE PUBLIC - EXECUTION DU TRAITEMENT OU DE L'OPERATION.


Références :

Code civil 1154
Code de la sécurité sociale L376-1
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. CHAMARD
Rapporteur public ?: Mme COËNT-BOCHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;1999-11-18;94nt01102 ?
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