Vu 1 sous le n 97NT01869 le recours, enregistré au greffe de la Cour le 4 août 1997, présenté par le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement ;
Le ministre demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 96-1305 et 94-1426 du 29 avril 1997 par lequel le Tribunal administratif d'Orléans a condamné l'Etat à verser à Mme E..., MM. B..., Z..., Y..., D... une somme en réparation des préjudices dus à la prolifération des grands cormorans ;
2 ) de rejeter les demandes présentées par les intéressés devant le Tribunal administratif d'Orléans ;
Vu 2 sous le n 97NT01903 la requête et le mémoire ampliatif, enregistrés au greffe de la Cour les 6 août et 4 novembre 1997, présentés pour M. D..., demeurant ... (Indre-et-Loire), par Me A..., FLECHEUX, REVUZ ;
M. D... demande à la Cour :
1 ) de réformer le jugement n 96-1305 et 96-1426 du 29 avril 1997 par lequel le Tribunal administratif d'Orléans a condamné l'Etat à lui verser une indemnité de 40 000 F, qu'il estime insuffisante, en réparation des préjudices dus à la prolifération des grands cormorans ;
2 ) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 636 000 F assortie des intérêts de droit ;
3 ) de mettre les dépens à la charge de l'Etat ;
4 ) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 10 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu 3 sous le n 97NT01904 la requête et le mémoire ampliatif, enregistrés au greffe de la Cour les 6 août et 4 novembre 1997, présentés pour la SCEP du Grand Cernéant, dont le siège est à Saint-Viatre 45210 (Loiret), par la S.C.P. d'avocats A..., FLECHEUX, REVUZ ;
La SCEP du Grand Cernéant demande à la Cour :
1 ) de réformer le jugement n 96-1305 et 96-1426 du 29 avril 1997 par lequel le Tribunal administratif d'Orléans a condamné l'Etat à lui verser une indemnité de 300 000 F qu'elle estime insuffisante, en réparation des préjudices dus à la prolifération des grands cormorans ;
2 ) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 7 168 000 F assortie des intérêts de droit ;
3 ) de mettre les dépens à la charge de l'Etat ;
4 ) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 10 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... Vu 4 sous le n 97NT01905 la requête et le mémoire ampliatif, enregistrés au greffe de la Cour les 6 août et 4 novembre 1997, présentés pour M. Y..., demeurant à Courcelles 41200 Marcilly-en-Gault (Loir-et-Cher), par la S.C.P. d'avocats A..., FLECHEUX, REVUZ ;
M. Y... demande à la Cour :
1 ) de réformer le jugement n 96-1305 et 96-1426 du 29 avril 1997 par lequel le Tribunal administratif d'Orléans a condamné l'Etat à lui verser une indemnité de 16 000 F, qu'il estime insuffisante, en réparation des préjudices dus à la prolifération des grands cormorans ;
2 ) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 368 000 F assortie des intérêts de droit ;
3 ) de mettre les dépens à la charge de l'Etat ;
4 ) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 10 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la directive n 79/409 du 2 avril 1979 du conseil des communautés européennes ;
Vu la convention de Berne du 19 septembre 1979 ;
Vu le code rural ;
Vu la loi n 76-629 du 10 juillet 1976 ;
Vu le décret n 77-1295 du 25 novembre 1977 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 octobre 1999 :
- le rapport de Mme STEFANSKI, premier conseiller,
- les observations de Me CLEMENT, avocat de M. C..., de la SCEP du Grand Cernéant et de M. Y... ;
- et les conclusions de M. LALAUZE, commissaire du gouvernement ;
Considérant que le recours du ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, et les requêtes de M. D..., de M. Y... et de la SCEP du Grand Cernéant sont dirigés contre un même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Considérant que par le jugement attaqué du 29 avril 1997, le Tribunal administratif d'Orléans a condamné l'Etat à verser à M. D... et autres, des indemnités en réparation des préjudices qu'ils auraient subis du fait des dégâts causés à leurs exploitations de pisciculture par les grands cormorans ; que le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement interjette appel dudit jugement ; que l'association pour le développement de l'aquaculture en région Centre et les pisciculteurs concernés demandent la réformation du jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de leurs demandes ;
Considérant, d'une part, qu'en vertu de l'article 1er de la loi du 10 juillet 1976, relative à la protection de la nature, la préservation des espèces animales est d'intérêt général ; que l'article 3 de la même loi interdit, dans ce but, "lorsqu'un intérêt scientifique particulier ou que les nécessités de la préservation du patrimoine biologique national justifient la conservation d'espèces animales non domestiques ..., la destruction ou l'enlèvement des oeufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la naturalisation d'animaux de ces espèces ..." ; qu'en vertu du décret n 77-1295 du 25 novembre 1977 et de l'arrêté interministériel du 17 avril 1981, cette interdiction s'appliquait aux grands cormorans, sur tout le territoire national jusqu'à la date du 2 novembre 1992 à laquelle l'arrêté du 17 avril 1981 a été modifié en ce que les concerne ; qu'eu égard à l'objet en vu duquel les dispositions législatives précitées et les divers textes pris pour leur application ont été édictés, dans l'intérêt général, le législateur a entendu exclure la responsabilité de l'Etat à raison des conséquences que ces textes ont pu comporter, notamment, pour les exploitations exposées aux dégâts occasionnés par les grands cormorans ; que les intéressés ne sont, par suite pas fondés à demander une indemnisation à ce titre ;
Considérant, d'autre part, que la directive du Conseil des communautés européennes en date du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages a pour objet aux termes de son article 1er : " ... la conservation de toutes les espèces d'oiseaux vivant naturellement à l'état sauvage sur le territoire européen des Etats membres auquel le traité est d'application ..." ; que si son article 9 donne la faculté aux Etats membres de déroger aux mesures de protection "pour prévenir les dommages importants aux cultures, au bétail, aux forêts, aux pêcheries et aux eaux", l'Etat français ne peut être regardé, en s'abstenant d'avoir fait usage de cette faculté de dérogation, comme ayant poursuivi des objectifs incompatibles avec ceux de la directive ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Orléans s'est fondé, pour condamner l'Etat à verser une indemnité aux intéressés, sur une carence des services de l'Etat ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour administrative d'appel saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par les intéressés devant le Tribunal administratif d'Orléans ;
Considérant que l'association pour le développement de l'aquaculture en région centre et M. D... et autres ne peuvent utilement se prévaloir de la violation des stipulations de la convention de Berne, qui créent seulement des obligations aux Etats parties et ne produisent pas d'effets directs dans l'ordre juridique interne ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif d'Orléans a condamné l'Etat à verser une indemnité à M. D... et autres ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que les dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer aux intéressés la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif d'Orléans du 29 avril 1997 est annulé.
Article 2 : Les demandes présentées par l'association pour le développement de l'aquaculture en région Centre devant le Tribunal administratif d'Orléans ensemble sa requête ainsi que les requêtes de M. D..., de M. Y... et de la SCEP du Grand Cernéant sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, à M. D..., à M. Y..., à la SCEP du Grand Cernéant, à l'association pour le développement de l'aquaculture en région Centre, à Mme E..., à M. B... et à M. X....